Le président iranien Hassan Rohani a salué la levée des sanctions contre son pays, en déclarant qu'ainsi «une page en or de l'histoire s'ouvre en Iran». «Nous, Iraniens, nous tendons la main vers le monde en signe de paix et en mettant derrière nous toutes les hostilités, suspicions et complots, ouvrons une nouvelle page dans les relations de l'Iran avec le monde », a affirmé le président Rohani dans un message qu'il a adressé, hier, à son peuple. Selon lui, l'Iran vient d'ouvrir un nouveau chapitre dans ses liens avec le monde. La levée des sanctions imposées à l'Iran par l'Occident, notamment les Etats-Unis et l'Union européenne, en 1995, puis d'autres sanctions en 2006 par le Conseil de sécurité des Nations unies, est une aubaine tant attendue, depuis de longues années, pour les Iraniens. Ces sanctions avaient asphyxiés les compatriotes de Rohan. La possibilité de voir les avoirs iraniens gelés à l'étranger rentrer progressivement permettra à l'économie du pays de redémarrer graduellement. «L'accord nucléaire est une opportunité que nous devrions utiliser pour développer le pays, améliorer le bien-être de la nation et créer stabilité et sécurité dans la région», a déclaré Hassan Rohani. Un accord historique sur le controversé programme nucléaire a été conclu, en juillet dernier, entre l'Iran et les grandes puissances. Entré en vigueur, hier (17 janvier), l'accord a permis la levée des sanctions économiques imposées contre ce pays. L'Iran, faut-il le souligner, est un pays riche en ressources pétrolières et gazières, entre autres. Les tensions entre les Perses et les Saoudiens n'ont cessé de monter en flèche dernièrement. La montée en puissance de l'Iran est perçue par l'Arabie saoudite comme une menace, un danger pour ses ambitions. Il faut savoir que pendant des années, l'Arabie saoudite criait haut et fort, pour qui voulait l'entendre, que l'Iran était le parrain de l'organisation Al-Qaïda, pour ne citer que cet exemple. De plus, le soutien indéfectible de l'Iran au régime syrien et à son armée combattant les rebelles par le biais des éléments du Hezbollah, n'est pas du tout du goût du royaume des Al Saoud. Le Hezbollah, ce n'est secret pour personne, combat aux côtés de l'armée de Bachar Al Assad depuis le début de la guerre dans ce pays. D'où un sentiment d'encerclement par une puissance qui, maintenant, peut être forte. Les deux pays sont, également, vus comme étant deux grandes rivaux dans cette région du Moyen-Orient. L'Arabie saoudite, qui est une monarchie sunnite, et l'Iran, qui est une République islamique chiite, s'affrontent par le biais de conflits interposés, notamment en Irak, au Liban, en Syrie ou encore au Yémen, tout dernièrement. Début janvier, Riyad a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec l'Iran suite à une attaque contre sa représentation diplomatique à Téhéran par des Iraniens. Ces derniers, rappelons-le, étaient en colère suite à l'exécution d'un dignitaire chiite saoudien ordonnée par la famille royale. L'accord nucléaire, a expliqué Hassan Rohani dans son message, n'est contre l'intérêt d'aucun pays. «Les amis de l'Iran sont contents et ses adversaires ne doivent pas être inquiets», a-t-il soutenu, ajoutant que «l'Iran n'est une menace pour aucun pays mais porteur d'un message de paix, de stabilité et de sécurité dans la région et le monde». En plus du Royaume Wahhabite, Israël est l'autre pays qui affiche son mécontentement en exprimant à maintes reprises ses inquiétudes et sa vive opposition à l'accord nucléaire. L'accord nucléaire, précisons-le, permettra aux Iraniens de s'imposer et de renforcer leur position au niveau de la scène régionale, principalement, mais aussi internationale. Toutefois, selon les analystes, l'Iran devra maintenant faire face à des problèmes plus sérieux en interne. Comprendre : l'ouverture du président Rohani vers l'Occident n'est pas du tout du goût des ultraconservateurs, qui risquent de la considérer un affront. Les leaders politico-religieux iraniens dans ce pays ont depuis longtemps prôné l'éloignement catégorique de tout ce qui est occidental. Ces dernières semaines, à l'approche des élections législatives, le conseil des gardiens de la révolution a procédé au filtrage de bon nombre de réformateurs et de pro-Rohani. Objectif visé par les ultraconservateurs, mettre un frein à l'ouverture économique prônée par Rohani au niveau du Parlement. Au fil des années, ces mêmes leaders, selon les experts, ont réussi à garder la mainmise sur toute l'économie locale du pays, notamment les usines, entreprises, grandes œuvres et chantiers. Il faut savoir qu'en 2013, le candidat Hassan Rohani avait fait de «la levée des sanctions» une promesse électorale. Cette ouverture vers le monde verrait leur liberté d'action réduite considérablement. Et les prochaines élections législatives sont attendues dans quarante jours. M. B. Que dit l'accord ? D'après cet accord, l'Iran sera reconnu par les Nations unies comme une puissance nucléaire menant un programme nucléaire civil pacifique, comprenant un cycle d'enrichissement d'uranium. En vertu de cet accord, l'Iran s'est engagé à réduire des deux tiers, pendant dix ans, le nombre de ses centrifugeuses servant à enrichir l'uranium, passant de 19 000 à un peu plus de 5 000 (l'usine de Natanz) et 1 000 (Fordow). L'Iran pourra également entreprendre une coopération internationale pour construire de nouveaux réacteurs nucléaires, des réacteurs de recherche et d'autres centrales nucléaires de pointe. En vertu de l'accord, le site d'Arak conservera son réacteur à eau lourde, mais sera modernisé et équipé des technologies les plus modernes et les plus sûres au monde, L'Iran sera reconnu comme producteur de produits nucléaires, notamment d'uranium enrichi et d'eau lourde. Les signataires de l'accord ont également défini le champ d'action des inspecteurs de l'Aiea qui peuvent désormais accéder à l'ensemble des sites, à tout moment et sans restrictions aucunes. Cependant, l'embargo sur les armes sera remplacé par un régime surveillé d'importation et d'exportation de matériels sensibles qui durera cinq ans. De même, il en sera le cas pour l'embargo sur le programme iranien des missiles balistiques, un des points de désaccord majeurs qui ont retardé la conclusion de l'accord et ce, pour une durée de huit années. Selon Aiea, toutes les sanctions financières et économiques de l'ONU seront levées en même temps via une nouvelle résolution de l'ONU. Les sanctions de l'Union européenne et des Etats-Unis frappant les secteurs bancaire, pétrolier, gazier, pétrochimique, commercial, mais aussi de l'assurance et des transports seront levées dès que l'accord sera appliqué concrètement, tandis que des dizaines de milliards de dollars de revenus iraniens seront dégelés. Mais en cas de violation des engagements pris par l'Iran, les sanctions économiques seront de nouveau décrétées dans un délai de deux mois après les vérifications nécessaires par les inspecteurs de l'Aiea.