Les espaces culturels à Annaba, maisons de la culture, théâtre, cinéma, musée, centres pour jeunes sont plongés dans une profonde léthargie ne se réveillant qu'‘occasionnellement à la faveur de quelque manifestation culturelle ou commémoration d'un événement historique. Ce réveil-et non cet éveil- le temps d'une soirée, d'une journée ou d'une semaine est vite oublié et on continue «la navigation» dans les méandres de cette disette culturelle. On se complaît dans cette ignorance et dans cette inculture qui ravale l'homme et le réduit à la condition d'un être qui satisfait juste ses besoins dits vitaux. Cette élévation et cette transcendance auxquelles l'individu aspire sont assimilées à une sorte de supplément dont on peut se passer alors que celui-ci est tout aussi vital que les autres besoins. Un théâtre qui ouvre ses portes à la faveur d'un festival quelconque, dont les organisateurs se débarrassent à la va vite comptant les jours qui restent pour se préparer à tout remballer et repartir. Et puis une quelconque représentation d'une pièce de théâtre, qui passe la plupart du temps inaperçue, mais qui, malgré tout, suscite de l'espoir dans les milieux culturels qui espèrent que, cette fois-ci, c'est le bon signal pour un redémarrage de la culture qui, invariablement, se limite à ladite représentation devant une assistance clairsemée et sans réelle prise sur la réalité. Le théâtre, cet espace qui normalement est un lieu où s'exprime la culture et trouve son épanouissement ne lui est réservé que sporadiquement car, souvent, squatté par les politiques qui en font leur tribune préférée mobilisant un public acquis à leurs thèses. La culture devient accessoire dans ce temple qui lui est dédié, s'excusant presque de son existence car n'étant plus ce qu'elle était elle essaye malgré tout de survivre dans cet environnement hostile. La Maison de la culture ne peut assurément mériter ce titre, c'est trop gros pour cet espace vide de… culture. Elle tient de la salle de réunion, ce qu'elle est assurément devenue avec les multiples rencontres de fonctionnaires en séminaire, de réunions avec la société civile ou encore de meetings politiques. De la culture ? Il n'y en a presque plus. On est en «rupture de stock» car les productions culturelles nationales se sont réduites comme peau de chagrin, nos hommes de culture sont allés vivre sous d'autres cieux plus cléments. Nos acteurs chôment à longueur d'année et c'est tout juste s'ils arrivent à décrocher de petits rôles dans des séries télé, et étrangères en plus. C'est un acteur connu à Annaba qui nous a informé qu'il avait dû accepter un rôle dans un film tunisien dont l'avant-première serait projetée à Constantine très prochainement. «Cela fait quelque chose comme une dizaine d'années que je n'ai pas joué devant une camera. Retrouver les bons gestes, le jeu de rôle a été pour moi une sorte de ressourcement et j'ai retrouvé à travers le rôle que j'ai joué, en tant qu'époux de deux femmes, tout le plaisir que j'avais lorsque le cinéma et le théâtre se portaient bien chez nous. Hélas tout a été détruit. Méthodiquement», nous confie-t-il. Côté salles de cinéma, comme nous l'avons rapporté précédemment, c'est la catastrophe. Il n'en reste pas une seule en activité; 6 salles de cinéma avec la cinémathèque, qui faisaient le bonheur des cinéphiles, ne fonctionnent plus comme telles. Certaines ont été détournées de leur vocation, d'autres fermées et envahies par la poussière et différentes sortes de déchets, jetés à l'intérieur par des mains incultes, d'autres encore ont été détournées de leur vocation pour être transformées en commerces autrement plus lucratifs. La culture va mal, très mal même à Annaba et au vu de la gestion de la tutelle on n'est pas près de la voir ressuscitée ou du moins relancée. Une situation qui perdure et que les responsables négligent, occupés qu'ils sont à d'autres préoccupations plus «intéressantes» car Dame culture ne rapporte rien et son rendement n'est pas instantané. On oublie que la culture est une dimension qui s'étale dans le temps qui prend tout son temps pour modeler une génération, l'initier au goût au raffinement, à cette élévation et cette transcendance qui plus tard formeront cette identité culturelle qu'on ne peut quantifier avec des systèmes de mesure purement économiques. La culture relève d'une autre dimension, elle est au dessus de tout cela. Elle est ou n'est pas, sans plus. M. R.