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Djibouti, objet de toutes les convoitises
Le pays occupe une position stratégique
Publié dans La Tribune le 22 - 11 - 2016

En pleine restructuration, le pays pourrait devenir une nouvelle «porte» de l'Afrique. S'y pressent déjà les grands acteurs mondiaux du commerce, du politique et du militaire. A commencer par la Chine.
Devant Djibouti, la mer ne sent pas la mer, mais exhale un parfum de grues et de béton, de milliards de dollars, d'empoignades géopolitiques et de nouvelles routes commerciales planétaires. Visage parmi d'autres de ce monde en métamorphose, un port immense est en train de sortir de la roche à Doraleh, aux portes de la capitale. Là, un travailleur chinois en chapeau de paille conique a jeté sa ligne de pêche au milieu de cubes en béton hauts comme des immeubles. L'assemblage cyclopéen de ces blocs formera demain l'alignement des quais du port multifonction. Sur ces 690 hectares devrait s'ouvrir une nouvelle «porte» de l'Afrique. Non loin, un militaire chinois casqué garde l'entrée d'une implantation militaire en construction. Ce matin, à Djibouti, les eaux du golfe de Tadjoura sont aussi limpides qu'une carte où se dessineraient les lignes de forces entrelacées du commerce, du politique et du militaire. Alors que le pays se remodèle à coups de travaux d'infrastructures massifs, des puissances militaires - à commencer par la Chine et les Etats-Unis - y édifient, de leur côté, les rivalités nouvelles d'une planète incertaine.
C'est dans ce territoire plus étroit que la Normandie que Pékin met en place sa première présence militaire «lointaine», hors de la mer de Chine. D'autres pays se préparent aussi à s'y installer ou à y positionner leurs forces. L'Arabie saoudite a signé un accord en 2016 ouvrant la voie à une présence militaire. La Russie, à laquelle ce privilège a été refusé, négocie pour permettre demain à ses navires d'accoster sur un quai contrôlé par la Chine. Dans un rayon de moins de 20 kilomètres se trouvent déjà la base des Etats-Unis, centre nerveux de ses opérations clandestines dans la Corne de l'Afrique et au Yémen, celle du Japon (première base étrangère du pays depuis 1945), les camps et bases de la France, ou encore la seule implantation militaire autonome de l'Italie à l'étranger. Sans compter les pays présents sans installations en dur, comme l'Allemagne.
Un peu comme Casablanca pendant la seconde guerre mondiale
«Cela commence à faire beaucoup de fauves dans la même cage», note un observateur, qui ne sait «s'il faut s'en amuser ou s'en inquiéter». Une distribution subtile a été opérée pour éviter les frictions entre ces forces, dont les effectifs cumulés avoisinent 10 000 hommes. «Les pays qui s'entendent bien, on les a mis les uns à côté des autres», résume un responsable djiboutien. Vers l'aéroport, le camp japonais est collé au camp Lemonnier (Etats-Unis), dont la superficie a été multipliée par cinq - avec tranchées, barbelés et miradors - pour assurer la protection de 4 000 hommes. Les Français, avec leurs cinq emprises - héritage de la période coloniale -, sont à proximité. La base logistique italienne est située à dix minutes de route. Seule la Chine est de l'autre côté de Djibouti. Certes, rien n'est jamais très loin. Mais, plus intéressant, l'enceinte militaire en construction est contiguë au port multifonction de Doraleh, qui sera administré par China merchant holdings international (Cmhi).
Le commandant des Forces françaises stationnées à Djibouti (Ffdj) considère cette nouvelle densité avec calme. «Pendant des années, nous avons été l'assurance-vie de Djibouti. Maintenant, on partage cette responsabilité avec les Américains et les Chinois», expliquait, en juin, le général Philippe Montocchio. La France, ex-puissance coloniale, avait conservé, à l'indépendance djiboutienne (1977), une présence militaire importante, garantissant à son hôte la sécurité face aux appétits de ses voisins et obtenant un avantage géopolitique à peu de frais. Les Etats-Unis sont arrivés en 2002, pour se consacrer d'abord à la lutte anti-groupes djihadistes. L'émergence de la piraterie au large de la Somalie voisine, à partir de 2004, a ensuite amené d'autres marines, d'autres nationalités. Tous avaient, dans ces circonstances, les mêmes objectifs.
Désormais, des pays rivaux sont appelés à cohabiter à Djibouti. En cas d'incident en mer de Chine entre le Japon et la Chine, par exemple, comment leurs forces respectives se comporteraient-elles ici ? Les responsables djiboutiens voient leur territoire comme une zone neutre, permettant «des canaux de communication discrets». «Un peu comme Casablanca pendant la seconde guerre mondiale», résume une source gouvernementale. Après tout, Djibouti est le théâtre d'un curieux mélange des genres. Y cohabitent bars à filles et organismes religieux saoudiens au prosélytisme actif ; les militaires étrangers, à l'exception des Français, s'y font discrets.
Main de fer
Un seul attentat, revendiqué par le groupe djihadiste somalien Al-Chabab en 2014, a frappé un restaurant. Depuis, plus rien. Djibouti est supposé faire l'objet d'un maillage serré des services de sécurité. Le pays, de fait, est tenu d'une main de fer. L'opposition politique y a été «cassée, avant d'auto-imploser», selon une bonne source. L'élection présidentielle d'avril 2016, qui a reconduit pour un quatrième mandat Ismaïl Omar Guelleh, a été précédée de violences. Ses résultats ont été rejetés par des opposants dont certains ont été empêchés, ensuite, de quitter le territoire.
Rien de tout cela n'a perturbé les armées étrangères. Si tout le monde veut être à Djibouti, c'est que le pays jouit d'une position privilégiée, face au détroit de Bab el-Mandeb, lequel commande l'entrée de la mer Rouge et la route de Suez, soit l'une des principales voies maritimes de la planète. Le Yémen, en face, la Somalie et l'Ethiopie, sur les côtés, ont été des terrains majeurs d'affrontement de la guerre froide. Depuis Djibouti, les Occidentaux pouvaient frôler les Soviétiques à Assab (aujourd'hui en Erythrée), à Aden au Yémen, ou encore à Berbera (dans l'actuel Somaliland), à 300 kilomètres au sud.
Depuis, d'autres menaces régionales ont surgi. Au Yémen, se déroule une guerre cruciale pour la péninsule arabique. En Somalie, opèrent des succursales locales d'Al-Qaida et, désormais, un groupe de quelques centaines d'hommes de l'organisation Etat islamique. De son côté, Djibouti cherche à s'émanciper de sa rente de «pays à casernes» en pariant sur le développement d'infrastructures. «Avant, on pilotait à vue. Et puis nous avons découvert notre fragilité économique, sécuritaire, géopolitique. Nous avons réfléchi aux moyens d'y remédier, explique Ilyas Moussa Dawaleh, ministre de l'Economie, l'un des cerveaux de cette transformation. Une chose était certaine : il fallait avoir d'autres ambitions, prendre des risques.»
Dès l'origine, Djibouti a été un port et un entrepôt. Il constitue aujourd'hui le cordon ombilical avec la mer de l'Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d'Afrique (sa population représente cent fois celle de Djibouti), privé de façade maritime mais doté d'une politique d'industrialisation. L'Ethiopie a l'intention de devenir l'un des «ateliers du monde», avec Djibouti comme terminal logistique et la Chine comme partenaire pour créer des usines. Comme le résume Tesfaye Yetayeh, numéro deux de l'ambassade d'Ethiopie à Djibouti : «Tout ce que vous voyez ici, c'est l'économie éthiopienne.»
Des projets chinois géants
Or, les installations portuaires sont saturées. On compte vingt-cinq à trente bateaux alignés sur la mer, attendant jusqu'à quarante jours leur tour pour être déchargés. La logistique, c'est donc le capital djiboutien le plus prometteur. L'américain Blackstone Rhino a signé en septembre un contrat pour la construction d'un oléoduc de 300 millions de dollars (271 millions d'euros) destiné à transporter des produits pétroliers vers l'Ethiopie. Les Turcs tentent leur chance dans le bâtiment et l'éducation, et promettent une zone économique spéciale. Même le Soudan est présent, avec un hôpital militaire. L'Arabie saoudite finance des stades, des mosquées, et signe des chèques. La Chine se taille la part du lion, avec la signature en 2014 d'un accord en vue de réaliser quatorze projets géants, pour un montant de 8,9 milliards de dollars.
Six ports sont en construction ou en projet. Le plus important d'entre eux est le port multifonction de Doraleh. Un terminal servira à exporter la potasse d'Ethiopie, un autre le gaz naturel de l'Ogaden, région éthiopienne, où il va être exploité par des compagnies chinoises. Il y aura aussi, non loin de la base italienne, un terminal pour le bétail, destiné à exporter les dromadaires de la Corne de l'Afrique (le plus grand cheptel du monde) vers la péninsule arabo-persique. A terme, il y aura peut-être aussi un complexe de vacances pour accueillir 200 000 touristes chinois par an sur le Bab el-Mandeb, et des zones franches dont une partie tentera de fixer des industriels. Des paquebots géants accosteront dans le port du centre-ville. Le sel du lac Assal servira à alimenter une industrie pharmaceutique. Certains de ces projets semblent encore théoriques. Mais à Doraleh les travaux avancent à grands pas.
Défaite des Etats-Unis
Le port a reçu ses portiques en août. La base militaire chinoise y prend forme. S'y alignent une demi-douzaine de bâtiments rectangulaires, sortes de casernes à longs balcons. «Les Chinois accélèrent, agrandissent… Personne à l'extérieur n'est tenu informé de la façon dont progressent les travaux», note une source occidentale, un peu sidérée. Une autre source évoque une «défaite des Etats-Unis, qui avaient multiplié les pressions pour contrer ce projet». En mai 2015, le secrétaire d'Etat américain John Kerry avait rencontré le président Ismaïl Omar Guelleh, pour le convaincre de refuser la présence militaire chinoise. Peu après son départ, le chef de l'Etat djiboutien, impavide, annonçait l'accord avec Pékin pour la construction d'une base.
Washington avait pourtant accepté le doublement en 2014 de son loyer (porté à 67 millions de dollars par an) et n'imaginait pas manquer de leviers sur le pays. Pour tempérer la contrariété américaine, le ministère chinois de la Défense affirme construire une «installation de soutien logistique» et refuse de parler de base. «En dernier recours, Washington a tenté d'obtenir la limitation de l'effectif chinois à une centaine d'hommes. Même là, ils ont échoué», note une source diplomatique. Il n'y aura pas de piste d'atterrissage adjacente, mais des «hangars à munitions, un hôpital, et tout le nécessaire au ravitaillement des navires chinois», assure une source proche du dossier, tout en reconnaissant que «le plan se modifie et s'agrandit au fil de la construction». L'Union européenne a découvert qu'un terrain mitoyen de la base, où devait être financée une usine de dessalement d'eau de mer, avait été grignoté par les travaux de l'armée chinoise. Sa superficie a déjà été phagocytée «aux trois quarts», selon une source proche du dossier.
Nouvelles routes de la soie
Le port multifonction et la base sont intrinsèquement liés. Ainsi se mesure le double mouvement des transformations à Djibouti. «La logistique, après tout, a bien été inventée par les militaires ?», s'amuse Aboubaker Omar Hadi, le président de l'Autorité des ports et zones franches de Djibouti, qui pilote les grands chantiers. En investissant aussi lourdement, la Chine peut espérer disposer d'un ancrage logistique indispensable pour sa participation à l'essor industriel éthiopien et se trouver au carrefour de l'Afrique et de l'Asie, non loin de l'Europe. Des avantages qui coïncident avec l'initiative des «nouvelles routes de la soie» (dite aussi «one belt, one road»), annoncée par Pékin en 2013 et destinée à tracer une grande voie commerciale entre l'Asie et l'Europe, sous contrôle chinois.
Dans cette perspective, implanter ses soldats sur le continent africain prend tout son sens, même si la construction d'une base relève d'un calcul plus complexe. Il s'agit d'abord de protéger, à travers la mer Rouge, le trafic maritime dont la Chine assure une grande partie : un tiers des marchandises qui empruntent le Bab el-Mandeb sont chinoises.
Une position de la marine permet à Pékin de mieux surveiller cet axe, tout en rehaussant son statut de grande puissance, dotée d'une force de protection. Selon Claudia Zanardi, spécialiste de l'armée chinoise au King's College de Londres, «la Chine est déjà une puissance navale en Asie et a pris l'habitude d'opérer loin de ses côtes. Elle pourrait mettre en service son premier porte-avions en 2025. Quand elle a commencé à prendre part aux opérations contre la piraterie (dans le golfe d'Aden), en décembre 2008, la marine chinoise a fait face à des difficultés logistiques. Il lui est arrivé de manquer de nourriture ou de carburant, et de demander de l'aide à d'autres marines, comme à la Royal Navy. Cela ne pouvait pas continuer. Il lui fallait une base à Djibouti».
Une implantation militaire permet enfin à Pékin de veiller à la sécurité de ses ressortissants. Ce dernier point constitue la réponse au traumatisme de ce que He Wenping, professeur à l'Académie des sciences sociales chinoise, appelle les «leçons de sang» de la guerre de Libye, en 2011, au cours de laquelle Pékin avait eu toutes les peines du monde à exfiltrer 35 000 Chinois restés bloqués dans ce pays. Si, demain, des troubles éclataient en Angola, où se trouvent 250 000 travailleurs chinois, un pont aérien ne suffirait pas. En juillet, quand la guerre a éclaté à Juba, au Soudan du Sud, «la Chine a évacué ses ressortissants à Djibouti», précise le ministre de l'Economie Ilyas Moussa Dawaleh.
Coup de poker
Le coup de génie de Djibouti, au final, est d'avoir su tirer de nouveaux avantages de sa position ancienne. C'est aussi un coup de poker. Les projets sont comme une course vers l'avenir, pleine d'incertitudes et de promesses.
Aboubaker Omar Hadi, le président de l'Autorité des ports de Djibouti, s'enthousiasme pour chacun d'entre eux. Notamment pour un projet de ligne de chemin de fer transcontinentale, «entre le golfe de Tadjoura et le golfe de Guinée», qui traverserait toute l'Afrique des pays enclavés jusqu'au Nigeria. L'intérêt ? Transporter des biens et des personnes, évacuer des minerais, mais aussi capter une partie du trafic mondial des conteneurs maritimes, en offrant un raccourci à travers le continent. Cette ligne coûterait 50 milliards de dollars, pour 5 000 kilomètres de voies. Aboubaker Omar Hadi a calculé : «42 millions de conteneurs contournent l'Afrique chaque année. Si l'on capte 5 millions d'entre eux, le projet est remboursé en sept ans.»
L'instabilité des pays traversés a gelé le projet. Le Soudan du Sud est à la dérive, menacé d'autodestruction. Il faudra du temps avant que des investisseurs y risquent des milliards de dollars. Et si, à son tour, l'Ethiopie plongeait dans les troubles ? Depuis fin 2015, des mouvements de protestation s'y sont multipliés. En octobre, l'état d'urgence a été proclamé et l'armée s'est redéployée à l'intérieur des provinces. Si l'instabilité retardait ou, pis, gelait les plans de développement éthiopiens, la conséquence serait terrible pour Djibouti, endetté par ses travaux d'infrastructures au point d'inquiéter le Fonds monétaire international (FMI).
Actuellement, 7% des recettes à l'export sont consacrées au remboursement de la dette djiboutienne. D'ici quatre ans, le service de cette dette représentera 30%. «Djibouti a tout misé sur le hinterland éthiopien, et l'Ethiopie est en difficulté, s'alarme une source bien informée. Si Djibouti ne peut plus rembourser ses dettes, le risque est alors de voir Pékin dicter ses conditions dans des domaines relevant de la souveraineté nationale. La Chine s'est peut-être offert, pour quelques centaines de millions de dollars, une influence déterminante dans un point stratégique de la planète.»
A Djibouti, le ministre des Finances s'attend à «quelques années difficiles pour le pays», mais Aboubaker Omar Hadi réfute le raisonnement «simpliste et faux» de la prise de contrôle programmée du pays par son créancier chinois. «Les calculs du FMI ne tiennent pas compte de notre croissance, affirme-t-il. Certes, nous avons emprunté de l'argent, mais à des taux que nul ne nous aurait consentis dans ces conditions. Pour transformer notre pays, sortir la population de la pauvreté, il nous faut prendre certains risques calculés.» Et si l'ambition immodérée était, en réalité, celle de la Chine ? «Le risque existe que la Chine surestime l'influence politique que son pouvoir économique lui permet d'acquérir», écrit David Yang, un analyste de IHS, cabinet d'analyses économiques et stratégiques basé à Londres, dans une note récente, ajoutant : «Une politique de sécurité mal calibrée aurait pour effet de saper ses propres efforts dans le domaine économique.»
J.-P. R.
In lemonde.fr


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