Dans la soirée de lundi dernier, un camion fou fonce à toute allure sur le marché de Noël, à Berlin. Le bilan est lourd : 12 morts et 48 blessés. Les autorités allemandes temporisent avant de conclure à l'attentat terroriste sur le mode de l'attaque qui avait ciblé la ville de Nice, en France, au mois de juillet dernier, faisant 86 morts. Le vrai chauffeur du camion, un livreur, a été assassiné par balles et son véhicule a été détourné pour servir d'arme du carnage. Profitant de la pagaille, le criminel se serait exfiltré en douce de la scène de son forfait. Le suspect, arrêté quelques heures plus tard à plus de deux kilomètres du lieu du drame, s'est révélé innocent, selon les premières conclusions de la police berlinoise. «Nous avons le mauvais homme. Le vrai tueur est encore en liberté et est armé. Il peut réaliser de nouvelles actions», aurait confié un enquêteur à un site d'information en ligne. Le coupable, jugé dangereux, court toujours. Cette tragédie se répète, ces dernières années, avec une régularité déconcertante en Europe. Les terroristes profitent de la moindre faille pour semer la mort et la désolation. Ironie du sort, ce crime abject est commis au moment même où l'Europe exerce des pressions pour sauvegarder les dernières poches terroristes dans la ville d'Alep en Syrie. Invoquant le fallacieux argument de l'évacuation des civils, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni veulent forcer la main à l'Etat Syrien et à ses alliés pour laisser la vie sauve à des milliers de mercenaires qui tiennent cette cité et ses occupants légitimes à leur merci depuis maintenant plus quatre ans. Dans les faits, les pays membres de l'Otan et les monarchies du Golfe sont les véritables promoteurs des égorgeurs et des violeurs qui ruinent des Etats entiers comme la Syrie, l'Irak ou la Libye. Les dirigeants de tous ces pays sont visiblement prêts à sacrifier jusqu'à la vie de leurs concitoyens pourvu que le terrorisme leur permette de réaliser leurs desseins géostratégiques. Renverser le régime de Bachar al-Assad est manifestement une obsession pour beaucoup de leaders occidentaux comme Obama, Hollande ou Merkel, enhardis par la liquidation criminelle de Kadhafi, et avant lui Saddam. La manipulation du terrorisme est un jeu extrêmement dangereux. La duplicité du discours européen sur la question est la principale cause du malheur qui touche aujourd'hui l'Europe dans sa chair. Profitant de cette aubaine à leur avantage, les partis d'extrême-droite désignent du doigt les dérives de leurs dirigeants et font une percée électorale fulgurante dans plusieurs pays. Le Brexit en est la première conséquence concrète. La résurgence des chauvinismes nationaux menace, désormais, l'Union européenne dans son existence même. Il est grand temps de se rendre à l'évidence selon laquelle «il n'y a pas de bon et de mauvais terrorisme». Le terroriste qui tue en Syrie doit être combattu et puni avec la même rigueur que le loup solitaire qui décide de sortir de sa tanière pour faire des victimes à Nice, Bruxelles ou Munich. Les populations des pays du Sud, dans leur écrasante majorité, ont réalisé à leurs dépens que le printemps promis est un enfer qui se prolonge indéfiniment. En somme, l'Europe paye le prix de sa duplicité sur cette question sensible. Si tous les pays membres de l'ONU se mettent sérieusement à lutter contre le terrorisme, comme ils le prétendent, on en finirait en moins d'une année. Tant qu'on n'y est pas, tout le monde en souffrira encore malheureusement. K. A.