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Le Far-West asiatique
Hier, les deux géants mondiaux, Etats-Unis et URSS, s'affrontaient au nom de leur système politique
Publié dans La Tribune le 14 - 02 - 2017

La mer de Chine du Sud a retrouvé sa vocation commerciale millénaire. Suivant les chaînes logistiques éclatées dans la région, un chassé-croisé de porte-conteneurs gorgés de composants et de produits semi-finis fait exploser les échanges régionaux. En toile de fond, la Chine et les Etats-Unis s'affrontent à coup de grands projets et d'accords de libre-échange.
Il fut un temps où les deux géants mondiaux - les Etats-Unis et l'Union soviétique - se confrontaient au nom de leur système politique. Désormais les deux plus grandes puissances de la planète - les Etats-Unis, toujours là, et la Chine émergente - se battent à coup de traités de libre-échange. Sur la même longueur d'onde idéologique, celle du commerce sans entraves, chacun essaie d'enrôler sous sa bannière le plus grand nombre de pays.
Washington a repris à son compte l'idée d'un partenariat transpacifique (PTP, connu sous le nom anglais de Trans-Pacific Partnership, TPP), lancée par quatre petits pays d'Asie-Pacifique - Brunei, Chili, Nouvelle-Zélande, Singapour - en 2005. Les dirigeants américains multiplient les rencontres pour convaincre leurs interlocuteurs privilégiés dans la région - l'Australie, la Malaisie, le Vietnam, le Japon, ainsi que le Pérou. La Chine n'a pas été invitée à la table des discussions. L'ambition du président américain Barack Obama est d'entraîner les principales économies de l'Asie du Sud-est, de l'Océanie et du continent américain (Canada, Mexique, déjà acquis), afin de contenir la puissance économique chinoise en pleine ascension. Le PTP, ainsi défini, engloberait près de la moitié des richesses produites dans le monde, un quart du commerce international et 30% de la population.
De son côté, Pékin a riposté en proposant son propre projet de partenariat économique régional intégral (PERI ou Regional Comprehensive Economic Partnership, RCEP) dont sont exclus les Etats-Unis. Participent aux négociations, les dix pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-est (Anase, ou Asean en anglais) - Birmanie, Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam-, le Japon, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, engagés dans les négociations du PTP, ainsi que l'Inde et la Corée du Sud, qui ne le sont pas. Au total, le PERI concernerait la moitié de la population mondiale, 40% des échanges internationaux.
Il faut reconnaître que, dans le domaine commercial, les dirigeants chinois ont une longueur d'avance à l'échelle régionale : Pékin a signé un accord de libre-échange (baisse des droits de douane, libéralisation partielle des investissements) avec les dix pays de l'Anase dès 2004. Elle a développé des accords bilatéraux avec la plupart de ses voisins. Et s'apprête à en signer un avec la Corée du Sud, tout en menaçant de couper court aux discussions dès lors que Séoul accepterait le déploiement d'une batterie antimissiles réclamée par Washington. En 2014, les échanges des pays asiatiques entre eux représentent près de 42% du commerce régional (31% en 2000) et plus de la moitié (54%) de leurs exportations. Cette interdépendance constitue incontestablement un atout pour une éventuelle intégration asiatique.
Transatlantique ou pacifique, les tendances du libre-échange convergent. Ainsi, la prochaine étape du PTP américain comme du PERI chinois concernera moins les droits de douane en régression au fil du temps que les diverses protections non tarifaires que chaque nation s'est forgées : sélectivité des investissements étrangers ou libéralisation de certains droits de licence (sur les médicaments) en Chine et en Inde ; protection de l'agriculture au Japon ; quotas d'importation de certains produits de haute technologie en Corée du Sud… Ce sont ces normes que les multinationales veulent faire sauter. Pas un secteur ne devrait y échapper : l'industrie comme l'agriculture, les services et la finance comme les transports et les grandes infrastructures.
Toutefois, qu'elles se déroulent sous les auspices américains ou sous l'égide chinoise, les négociations sont loin d'être bouclées. Au Japon, par exemple, les freins portent notamment sur ce que les économistes nomment les «cinq vaches sacrées» : le riz, le blé, la viande de bœuf et de porc, le sucre, les produits laitiers - soit cinq cent quatre-vingt-six produits protégés par un système de quotas. Les importations de riz ne peuvent pas dépasser 5 à 8% de la consommation intérieure. Au-delà, le gouvernement impose des droits de douane pouvant se monter à 780% ; pour le blé ou les produits laitiers, ils atteignent 252%.
Certes, les paysans représentent moins de 4% de la population active japonaise, mais la très puissante Union centrale des coopératives agricoles (JA-Zenchu) se ramifie bien au-delà du monde paysan. Elle garantit les prix, joue un rôle de banquier et d'assureur dans le monde rural et pour les familles qui en ont issues.
Pressé par Washington, le Premier ministre Abe Shinzo a réussi, après des années de bataille, à démanteler une partie de ce pouvoir (celui, notamment, de superviser les coopératives). Cela devrait lui donner quelques marges de manœuvre pour négocier l'entrée des produits américains. Mais il lui faudra aussi compter avec les consommateurs japonais fort attachés à leurs normes alimentaires. M. Abe n'est pas au bout de ses peines.
Du côté chinois, les obstacles ne sont pas moins grands. L'Inde, dont la Chine est le premier fournisseur, cherche à rééquilibrer ses échanges en ouvrant son pays à des capitaux de préférence japonais ou américains, tout en protégeant ses services informatiques. Deuxième pays d'accueil des investissements étrangers (derrière les Etats-Unis), la Chine veut garder la main sur les technologies sensibles (système d'information, domaine spatial…). Acceptera-t-elle de lâcher prise ? Rien n'est moins sûr. D'autant qu'elle fait face simultanément à un ralentissement de sa croissance (7% au premier trimestre 2015) et à la délocalisation de certaines industries (textile, par exemple) vers des contrées aux salaires moins élevés (Vietnam, Bangladesh…).
Pourtant, les obstacles à la conclusion rapide du PERI tiennent moins de l'économie que de la diplomatie. Dans ce domaine, Etats-Unis et Chine avancent à front renversé. Les premiers disposent d'alliés politiques et militaires indéfectibles (Japon, Corée du Sud, Philippines, Australie...) mais peinent à imposer leurs produits, leurs marques, leurs normes. La Chine, elle, a réussi à tisser une toile commerciale et financière dont elle occupe le centre mais ne parvient pas à nouer des alliances stratégiques solides. Pis, les querelles territoriales en mer de Chine (1) risquent d'entraver ses capacités de déploiement économique : les investissements japonais dans le pays ont chuté de 38,8% en 2014 (2). Un signal d'alerte, même si Tokyo figure toujours parmi les investisseurs les plus actifs, notamment dans l'industrie chinoise.
Sans renoncer à convaincre ses voisins du Sud-est asiatique, essentiels pour le développement du pays, le président Xi Jiping a décidé de se tourner résolument vers l'Ouest, ressortant des cartons la vieille Route de la soie. Cette mythique référence renvoie à l'époque de la richesse et du rayonnement de l'Empire, pour les Chinois ; aux épopées à dos de chameau du Livre des merveilles de Marco Polo, au temps des découvertes et des conquêtes pour les Européens.
Sa version actuelle comporte trois branches : l'une, maritime, qui passe au plus près des ports que Pékin a contribués à moderniser comme au Sri Lanka ou au Pakistan ; une autre traverse la Chine d'est en ouest avant de franchir le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne, l'Allemagne et les Pays-Bas ; la troisième, terrestre elle aussi, passe plus au sud pour rejoindre l'Ouzbékistan, l'Iran, la Turquie. Ces vastes projets visent tout à la fois à assurer des marchés supplémentaires pour les entreprises chinoises, à ouvrir de nouvelles voies pour contourner le Pacifique contrôlé par les Etats-Unis, à sécuriser les frontières occidentales et à façonner des relations diplomatiques interdépendantes dans cette région moins défavorable à Pékin.
Routes et chemin de fer ouvrent la voie au commerce
Certains, comme le chercheur chinois Yang Xiyu, y voient le «signal d'un changement historique de la politique chinoise (3)». De son côté, le quotidien des affaires américain The Wall Street Journal parle d'un «plan Marshall chinois (4)», en référence à l'initiative américaine en Europe après la Seconde guerre mondiale. «A première vue, il s'agit de la même proposition gagnant-gagnant» : les entreprises chinoises et les pays d'accueil. La croissance boostée contre le libre-échange maîtrisé…
L'idée est née sous la précédente équipe. Yuxinou, la ligne de chemin de fer reliant Chongqing (ses trente-deux millions d'habitants, ses usines gigantesques) à Duisbourg en Allemagne (5) était inaugurée dès juillet 2001. A l'époque, on comptait un convoi par mois. Désormais, quatre transitent chaque semaine sur les onze mille kilomètres de voies transportant les produits de l'américain Hewlett Packard (HP) dont les deux tiers sont fabriqués à Chongqing, ou encore les voitures allemandes BMW ou Mercedes-Benz.
Mais c'est M. Xi qui a donné à ces «routes de la soie» du XXIe siècle une dimension économique et géopolitique inédite, en accélérant la manœuvre en utilisant son arme de persuasion massive : l'argent. Il a, coup sur coup, annoncé la création d'un fonds d'investissement et d'une banque multilatérale.
Ainsi, en novembre 2004, un Fonds d'investissement pour la route de la soie voit le jour doté de 50 milliards de dollars (40 milliards d'euros), montant qui sera doublé début 2015. Objectif ? Financer les grands projets (transports, autoroutes, aéroports, centrales électriques, pipelines) mais aussi créer tout au long de ces routes des «parcs industriels, plates-formes de coopération» - en fait des zones de libre-échange.
Symbole de cette accélération, l'annonce en grande pompe de la construction d'un «corridor économique» entre la Chine et le Pakistan qui relierait Kashgar (au Xinjiang, dans l'ouest chinois) au port pakistanais de Gwadar, à moins de cent kilomètres de l'Iran et de ses puits de pétrole. Il comporterait la construction d'un barrage, de centrales électriques au charbon, la modernisation du chemin de fer… Pékin investirait 28 milliards de dollars. De quoi fournir des marchés aux entreprises chinoises actuellement en surcapacité, sécuriser ses approvisionnements énergétiques, participer au redressement de l'économie pakistanaise, disposer de moyens de pressions sur Islamabad pour éradiquer les extrémistes religieux (qui menacent au Xinjiang) et l'inciter à pacifier ses relations avec Kaboul. Comme toujours, Pékin mêle intérêts économiques et visée stratégique.
Dans le même temps, M. Xi a lancé la proposition d'une Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (BAII), ouverte à tous les pays qui le désirent et, comme son nom l'indique, chargée de financer des grands projets dans cette zone. Une décision ouvertement tournée contre la Banque mondiale dominée par Washington et la Banque asiatique de développement (BAD) sous influence de Tokyo. Longtemps Pékin a réclamé une place plus conforme à son rang de deuxième économie mondiale. En vain.
Un échec majeur pour la démocratie américaine
Espérant encore marginaliser l'initiative, M. Obama a fait pression pour que ses alliés - Japon et Australie en tête - boycottent l'initiative. L'échec est presque total. Seul Tokyo s'est aligné. La BAII compte cinquante-sept membres fondateurs : trente-sept pays asiatiques, vingt en dehors de la région dont le Royaume Uni, le premier à avoir annoncé sa participation, l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Iran, Israël… Un vrai succès pour Pékin.
Déjà, des économistes comme l'Australien Andrew Elek estiment que cette banque «est nettement plus efficace économiquement que le projet de partenariat transpacifique (TPP) pour développer l'intégration économique entre pays asiatiques et entre l'Asie et le reste du monde (...). Ce qui entrave le plus le flux de marchandises aujourd'hui, ce ne sont pas les barrières douanières mais la faiblesse des infrastructures de transport et de communication (6)». Sans doute ce diagnostic est-il partagé par la plupart des pays fondateurs de la BAII. Dans le nouveau Far West chinois, l'heure est aux affaires.
M. B.
(1) Lire Olivier Zajec, Nouvelle bataille du Pacifique autour d'un archipel, et Stephanie Kleine-Ahlbrandt, Guerre des nationalismes en mer de Chine, Le Monde diplomatique, respectivement janvier 2014 et novembre 2012.
(2) Statistiques du ministère du Commerce, Tokyo, mars 2015.
(3) Cité dans «One belt, one road» initiatives key for building a safer Asia, Xinhuanet, 25 septembre 2014.
(4) China's «Marshall Plan», The Wall Street Journal, New York, 11 novembre 2014.
(5) Rail linking Europe to open up China's West, China Daily, 2 juillet 2011.
(6) Andrew Elek, AIIB miles ahead of TPP in promoting integration, EastAsiaForum, 14 avril 2015.
In Le Monde diplomatique


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