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La violence intercommunautaire à Berriane motivée par des objectifs politiciens
Les habitants dénoncent des manipulations
Publié dans La Tribune le 25 - 02 - 2009


Photo : S. Zoheir
De notre envoyé spécial à Ghardaïa
Samir Azzoug
«Berriane était surnommée la petite Suisse de la région», nous rappelle Salah, la trentaine, installé à la terrasse d'un café populaire de la ville. Les tables sont rares et toutes les chaises occupées. Deux cafés et un thé coûtent 40 DA. Malgré la présence de clients, le calme est surprenant, car ici on ne parle pas à haute voix, on chuchote. Depuis le mois de mars dernier, la daïra vit au rythme des émeutes. Quarante mille habitants divisés par l'appartenance communautaire et la route nationale n°1 se surveillent, s'épient et se toisent. Sunnites ibadites et sunnites malékites, les deux appartenant à la même religion : l'islam. Ils se regardent en chiens de faïence. Beni Mzab et Arabes, algériens tout de même, se jaugent. «La rancœur a gagné les cœurs. La violence des affrontements a creusé un fossé entre les deux communautés», regrette le jeune Mohamed. Depuis le déclenchement des premières émeutes, le 19 mars 2008 et celles du 30 janvier dernier, 4 morts, des dizaines de blessés, plusieurs arrestations, des magasins et des habitations saccagés sont à déplorer. A travers toute la ville on sent comme une tension dans l'air. Une atmosphère électrique. Cette sensation est accentuée par la présence importante des forces de l'ordre, les rideaux de plusieurs commerces baissés et les traces des récents affrontements. Seule signe apaisant, le trafic routier. A voir le nombre de camions de gros tonnage en circulation, on comprend l'importance de la RN1.
Berriane était un havre de paix
«On vivait en parfaite harmonie. Les différences se diluaient devant la dynamique de la vie. Chacun acceptait les particularités de l'autre. Des familles arabes habitaient au milieu des mozabites et vice versa, sans se sentir menacées. Il y a même des frères de lait issus des deux communautés», se souvient El Hadj Mohamed, membre influent de la communauté arabe. Le cheikh qui dit avoir des amis intimes parmi les ibadites, reconnaît toutefois que des divergences ont, de tout temps, caractérisé les deux communautés. Qui sont les premiers habitants de la vallée du Mzab ? Qui sont les derniers arrivés ? Quels sont ceux qui sont favorisés par les autorités et qui sont les laissés-pour-compte ? Quelle communauté gère à son avantage les affaires de la localité et laquelle en est écartée ? Laquelle des deux communautés est la plus suspicieuse et la plus intransigeante ? Toutes ces interrogations ont des relents existentiels, des caractéristiques qui incarnent toute société constituée de populations qui présentent des disparités, si infimes soient-elles. Mais le respect de l'autre et le bon sens ont, pendant des siècles, fait de ces différences une richesse qui a relégué toutes ces polémiques au rang de simples opinions sans conséquences fâcheuses. D'autant que, aussi bien du côté des Beni Mzab que des Arabes, les sociétés sont bien structurées. Les sages - «echouyoukh» - des deux bords, organisés en assemblées, décidaient du sort de leurs fidèles. Ces derniers leur vouaient un respect et une écoute sans faille. Les décisions étaient observées à la lettre.
Une évolution sociale déstabilisatrice
Ces dernières années, la vie a évolué dans la région. Le boom démographique, le brassage des communautés, avec l'arrivée d'autres populations du nord de l'Algérie, et le changement des mœurs dans la société ont fait que les cheikhs ont perdu le contrôle sur une bonne partie des jeunes générations. Toutefois, cela n'explique pas totalement les émeutes de Berriane. Et ce n'est point le niveau de vie des habitants ou le chômage qui créent la tension. «A Berriane, ne travaille pas que celui qui ne le veut pas. Ici, le travail est disponible.
Dernièrement, la Sonelgaz a ouvert grandement ses portes aux jeunes. Elle a embauché sans compter. Pour ce qui est du coût de la vie, entre autres, les prix des denrées alimentaires, c'est beaucoup moins cher ici qu'ailleurs», atteste Salah. Qu'est-ce qui pousse ces jeunes à cette haine de l'autre ? «Les Beni Mzab [appellation usitée pour désigner les ibadites mais contestée par les Arabes, car elle renvoie à la primeur dans l'occupation de la région] ont une stratégie. Ils veulent chasser les malékites de Berriane. Les ibadites ont la mainmise sur l'administration locale et le commerce. Ils ne souffrent pas de concurrence et ne veulent pas se mélanger aux autres», tels sont les griefs formulés par un adolescent malékite à l'encontre des Beni Mzab. Un autre adolescent, côté ibadite, ne mâche pas ses mots. «Les Arabes de Berriane sont des provocateurs, des voleurs. Ils ne supportent pas le fait que nous soyons mieux organisés et structurés. Ils nous traitent de khaouaridj et de mécréants, nous raillent et nous provoquent sans cesse.» Chacun des adolescents, rencontrés séparément, assure que le fauteur de trouble c'est l'autre. «Ils sont toujours les premiers à recourir à la violence», affirment-ils sans se concerter, prouvant que la rumeur et la manipulation obscurcissent leurs esprits. A coup de «on-dit», de racontars, de tracts, de vidéos et d'images internet, on alimente la rivalité, creusant de plus en plus le fossé qui sépare les deux communautés. «Le début du malaise date des années 1990. L'ouverture du champ politique et la présence en force du FIS dissous ont commencé à semer la discorde. En 1985, les émeutes entre Mozabites et Chaamba ont fait beaucoup de mal aux deux communautés», constate El Hadj Mohamed. Le vieil homme accuse ouvertement des partis politiques d'être à l'origine des manipulations. «Certaines personnes,
impliquées dans des partis politiques et d'autres associations à caractère communautariste, récemment créées aux sein des ibadites, attisent le feu et veulent déstabiliser Berriane. Pour se renforcer, ils inculquent aux jeunes qu'ils sont haïs et opprimés.
Ils revendiquent même le statut de communauté minoritaire demandent des traitements spécifiques comme la séparation dans les établissements scolaires des élèves ibadites et malékites, l'intégration du rite ibadite dans le cursus scolaire et d'autres requêtes qui pourraient définitivement séparer les deux communautés», déplore notre interlocuteur. Un autre sage du côté ibadite dénonce les mêmes agissements, mais accuse d'autres parties. «Les salafistes ne sont pas étrangers à ces manipulations. Leur pouvoir de nuisance est grand. Même les partis politiques traditionnels jouent sur cette pomme de discorde pour attirer le plus de sympathisants. Ils profitent de la situation pour conforter leurs listes en vue des prochaines élections», dira cheikh Abdellah.
A se fier aux déclarations des uns et des autres, les raisons de la colère sont éminemment politiques. Les différences communautaires et ethniques sont, certes, sources d'appréhension et de méfiance, mais le nœud gordien du malaise reste l'utilisation de ces spécificités à des fins perverses et haineuses, pour ne pas dire séparatistes. Mais, les sages des deux communautés ont saisi la dangerosité de la situation. Ils attestent que, de leur côté, les autorités publiques ont compris la gravité de la situation. L'intermédiation du ministre délégué chargé des collectivités locales, Daho Ould Kablia, dépêché à Ghardaïa, début février, juste après les dernières émeutes, est une action salutaire, témoignent les responsables des deux bords.
L'espoir est donc permis. Après les émeutes de mars 2008, les deux communautés ont constitué des assemblées (djamaa) composées de cheikhs et d'intellectuels pour tenter d'organiser la vie, être à l'écoute des jeunes, calmer les ardeurs et apaiser les tensions. Malékite ou ibadite, les djamaa prennent le relais des organisations féodales et servent d'intermédiaires entre les jeunes et les sages d'un côté, et entre les deux communautés, de l'autre, avec les autorités nationales en troisième lieu. «Nous aurions pu régler cette situation avant les dernières émeutes. A la veille de la signature d'un protocole d'accord entre les deux communautés, en mai 2008, en quelque sorte un modèle de code de bonne conduite dénonçant les agissement des uns et des autres, des éléments perturbateurs ont tout fait capoter», révèle un participant aux négociations de rite malékite. Cette fois, les solutions proposées et les étapes programmées pour assainir la situation restent secrètes.
Rien ne filtre. «Il s'agit de prendre les agitateurs par surprise. Tout ce que je peux dire, c'est qu'une enquête est menée par les pouvoirs publics pour déterminer les responsabilités et dévisager les fauteurs de troubles», informe-t-il.
Rencontré à son bureau, le chef de département de psychologie à l'université de Laghouat, le Dr Bourguiba, porte-parole officiel de la djamaa M'zabia, fait part des points importants à régler dans l'immédiat. Il s'agit, entre autres, de désarmer les gens, de prendre en charge les victimes et sinistrés des derniers affrontements et autres inondations, de régler la situation sociale des écoliers, de réviser la carte sécuritaire, d'intégrer les jeunes dans les affaires de leur commune et de statuer rapidement sur les personnes en détention arrêtées suite aux émeutes. «Le rôle des oulémas et du ministre des Affaires religieuses est important. Il faut qu'ils réagissent en conséquence. Les spécificités de la région doivent être prises en considération. Il faut savoir que nous n'avons aucun problème avec les autorités. Les partis politiques n'ont pas tant d'influence que ça dans notre communauté. Mais, le règlement de la situation ne saurait tarder», soutient-il.
Dans la cité universitaire de Laghouat, on rencontre des étudiants de Berriane. Leur colère, ils l'exploitent positivement. «Nous avons décidé de créer une association des jeunes cadres de Berriane. Il faut que l'on s'organise pour donner la meilleure image des Arabes de la ville. On doit intégrer les institutions. On s'inscrira sur les listes électorales et on votera. Le prochain maire de Berriane sera malékite», s'enthousiasme Bachir. Même si les voeux de l'étudiant sont empreints de communautarisme, l'idée de vaincre par les urnes est salutaire. La rivalité existe, alors autant qu'elle se manifeste de manière démocratique. Il faut seulement parer au plus pressé avant que la violence ne s'installe durablement.


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