De notre correspondant à Bouira Nacer Haniche Pour les artistes de l'ancienne génération, la production artistique et culturelle dans le pays vit, ces dernières années, sous l'emprise du commercial. Plusieurs vedettes de la chanson et des poètes reconnaissent qu'il existe de nombreuses compétences et des tentatives chez les jeunes de la nouvelle génération pour se lancer dans le domaine de la production culturelle, notamment par la chanson et la poésie, mais que ces derniers cherchent le profit à tout prix et oublient que, pour arriver au sommet de la gloire, il faut apprendre et parfaire ses connaissances dans les différentes disciplines de la culture. De l'importance de l'apprentisage Invité, mardi dernier, à participer au colloque organisé par la direction de la culture de Bouira en hommage à la mémoire de la célèbre chanteuse Bahia Farah, native de la région, M. Kamel Hamadi s'est exprimé brièvement, avec amertume, quant au devenir de la production artistique, notamment avec l'émergence de la nouvelle vague de jeunes chanteurs tournés vers les nouveaux styles de musique. L'orateur, qui a passé en revue le parcours artistique de la défunte, a souligné à plusieurs reprises et à travers sa carrière personnelle, l'importance de la formation et de l'apprentissage auprès des spécialistes du domaine. «On n'hésitait pas accompagner les grands chanteurs afin d'apprendre les techniques de l'écriture de la musique et la composition des chansons, et nos maîtres étaient toujours disponibles à nous guider et à nous orienter». Cet état de fait n'est pas d'usage actuellement et il poursuit : «Il y a beaucoup de jeunes qui viennent me dire de les aider pour enregistrer un album, mais rares sont ceux qui cherchent à apprendre». Toutefois, avec modestie, le même interlocuteur a reconnu qu'à chaque génération son style de culture, mais cela ne veut pas dire qu'il faut oublier le passé et le patrimoine culturel développé par l'ancienne génération. Il ajoute aussi que les nouveaux instruments électroniques de haute technologie utilisés n'encouragent pas les nouveaux artistes à apprendre ; les nouvelles vagues et genres musicaux sont dominés par la technicité et s'éloignent de plus en plus des genres anciens où l'artiste était tenu d'être en contact permanent avec ses maîtres. Cet état de fait empêche donc l'émergence d'une catégorie d'artistes capables de présenter des œuvres de qualité sous différents aspects et de redorer le blason de la culture dans les années à venir. Le fossé des générations Par ailleurs, certains observateurs de la scène culturelle indiquent qu'il existe un grand fossé entre les anciens artistes et les jeunes qui veulent se hisser vers le sommet de la gloire. Les premiers reprochent aux jeunes artistes leur impertinence, leur manque d'expérience et leur tendance à faire dans l'adaptation. De leur côté, les jeunes considèrent qu'il sont obligés de se faire d'abord connaître auprès du public puis de parfaire leurs connaissances dans le domaine de la production artistique, tout en soulignant l'indisponibilité des anciens à les encadrer et à leur transmettre leur savoir-faire. Sur un autre registre, les animateurs des associations pensent que le fossé entre l'ancienne et la nouvelle génération est aussi d'actualité dans les autres domaines, tel que l'artisanat où des anciens métiers sont sur le point de disparaître sous l'effet des nouvelles technologies introduites dans les domaines de l'industrie et de l'agriculture. N. H. La chanteuse Bahia Farah ressuscitée à Bouira Pour la première fois et en présence de quelques membres de sa famille, la célèbre chanteuse Bahia Farah, de son vrai nom Fatma Zohra Bounouar, née en 1917 à Bouira, a eu droit de cité à l'occasion du colloque organisée par la direction de la culture depuis mardi dernier jusqu'à aujourd'hui au niveau de la maison de la culture du chef-lieu de wilaya. La défunte, qui est née orpheline, est considérée comme l'un des piliers de la chanson féminine et de la culture algérienne, du fait qu'elle a pu devenir célèbre dans les domaines de la danse et la chanson, dans des moments difficiles frappés d'un double interdit ; le pays était colonisé et la société était impitoyable envers les femmes qui montraient des aptitudes dans n'importe quel domaine de l'art et surtout la danse et la chanson. Ce colloque a été organisé en collaboration avec le comité des activités culturelles et artistiques de la wilaya de Bouira, sur deux jours et comprend une exposition permanente d'articles de presse, des photos et copies de ses correspondances qu'elle a écrites pour ses amis, deux conférences animées par Abdelkader Bendameche sur les thèmes «Aperçu sur la vie et l'œuvre de Bahia Farah» et Abdenour Abdesslam «Aperçu sur le chant féminin de la guerre de libération» avec la présence remarquable du célèbre musicien et compositeur Kamel Hamadi qui a présenté un témoignage émouvant sur la vie et le parcours artistique et révolutionnaire de la défunte, en déclarant que l'entrée dans le monde de l'art de cette dernière a été comme «danseuse amateur». Par sa force de travail et sa persévérance, elle accède au rang de danseuse professionnelle, dans le style oriental. Puis, elle a fait la connaissance d'autres artistes de talent, comme Mohamed El Kamel, Djamel Badri, Saïd Khondio et Arab Bouyezgaren, avec lesquels elle s'est produite comme choriste. Elle a également chanté en duo avec le grand chanteur de l'époque Slimane Azem Attas ay sevragh. Plus tard, elle rejoindra la troupe de Mahmoud Aziz aux côtés de Seloua ou de Khedoudja. Elle fut la doyenne de cette troupe, ce qui a conduit le FLN à lui confier un poste de responsabilité.
