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Un livre raconte Tizi Ouzou avant et pendant la révolution
Les Récits de la mémoire de Salah Mekacher
Publié dans La Tribune le 22 - 10 - 2009

Quand Salah Mekacher a décidé d'écrire son livre les Récits de la Mémoire – Tizi Ouzou, le destin d'une ville et de sa région, c'est qu'il avait compris que l'histoire de la ville de Tizi Ouzou avait rarement fait l'objet d'écriture de la part de ses autochtones, ses indigènes comme les appelaient les colons qui y vivaient avant l'indépendance. L'ancien secrétaire du poste de commandement (PC) de la Wilaya III historique qui a servi la révolution sous les ordres des
colonels Amirouche et Mohand Oulhadj, raconte dans son récit la vie avant et pendant la guerre de libération nationale dans la région de Tizi Ouzou où il vivait jusqu'en 1957 quand, recherché par l'armée coloniale pour ses activités dans une cellule de fedayin, il dut rejoindre les troupes de l'ALN au sein de laquelle il sera affecté plus tard au PC de la Wilaya III en qualité de secrétaire. Donc, c'est tout naturellement qu'il détient de nombreuses informations intéressantes non seulement pour les historiens mais aussi pour le grand public.
De la conquête à 1930
C'est ce qu'il a fait en 2006 à l'occasion de la publication de son premier livre Au PC de la Wilaya III et c'est ce qu'il fait dans les Récits de la Mémoire –
Tizi Ouzou, le destin d'une ville et de sa région sorti en 2008 et dans lequel l'auteur commence par présenter au lecteur la région de Tizi Ouzou à travers sa faune et sa flore, son climat et ses températures, ses sources avant de donner un bref aperçu historique de la ville et de sa région limitrophe du temps du début de la colonisation caractérisé par une résistance populaire farouche à l'envahisseur français jusqu'à la défaite de Lalla Fadhma N'Soumeur à Icheriden en 1857, soit vingt-sept années après le débarquement de l'armée française à Sidi Fredj. Salah Mekacher raconte qu'«après les effets ravageurs de la défaite et des massacres successifs qui s'ensuivirent, après les expéditions punitives et la terreur perpétrée par les zouaves et les autres tirailleurs, l'état-major et le
maréchal Randon déployèrent un nouveau stratagème ; l'appauvrissement de la région pour que la misère succède à la détresse. A travers ce procédé, ils allaient obtenir un autre succès : celui du renversement de l'ordre social».
S'ensuivra le changement à la tête des archs, des villages et des douars et l'installation de nouveaux cheikhs et de nouveaux amines, les lourdes amendes qui écraseront les communautés kabyles et le changement de nom pour les biens et les fortunes. «Bientôt avec la paupérisation, la désolation régnera dans les villages avec son lot de misères, de famine, de maladies et d'épidémies. Quiconque aura survécu à la guerre et n'aura pas choisi l'exil, périra dans le désespoir et la folie», ajoute encore l'auteur qui précisera plus loin que la Kabylie connaîtra une période de massacres et de déportation à chaque soulèvement, comme celui de 1871 qui a vu la région subir la colère de l'armée coloniale pendant plusieurs années.
Après une période de calme et de résignation, voilà l'année 1930 qui arrive et qui donne l'occasion à l'administration coloniale et au lobby des colons locaux d'humilier encore la population indigène en célébrant avec faste et mépris le centenaire de la colonisation.
Une célébration qui est restée en travers de la gorge des autochtones dans la mesure où les colons et les autorités coloniales ont présenté un bilan positif de cent ans de présence française en Algérie et ont surtout fêté de façon arrogante leurs différentes victoires sur les résistants de la région.
D'autant plus que l'administration coloniale a impliqué les indigènes dans cette célébration en faisant aligner leurs « chefs» et leurs familles pendant les festivités.
«Les indigènes ne sont pas oubliés dans cette célébration. Bien au contraire ! Mais détrompez-vous : ce n'est pas pour bénéficier d'un quelconque avantage. Ce sera pour des motifs plus accablants, plus humiliants.
Les festivités se déroulent en leur présence. On convoquera, certes, les chefs indigènes des tribus et des douars les plus reculés de la région. On regroupera leurs enfants, élevés dans les écoles en ville et dans les montagnes, et il leur fut distribué des drapeaux tricolores pour les agiter au passage des cortèges officiels aux cris de “Vive la France !”.
Il fallait du décorum. Il fallait de la liesse, de la joie, pour créer une atmosphère de fête et, pour cela, il n'y avait pas mieux pour traduire la chaleur ambiante des fêtards que les “cris” et les “bravos” des indigènes humiliés, conscients de leur condition lamentable, qui clameront, en hérauts de circonstance, leur détresse tragique !»
relate Salah Mekacher qui ne manquera pas de souligner qu'à l'issue de cette épisode seront baptisées deux rues nouvellement tracées des noms de deux militaires sanguinaires, Beauprêtre et Fourchaut qui s'étaient distingués par des massacres sanglants quand il s'agissait de mater une rébellion et de soumettre la population.
La marche vers la renaissance
La population de Tizi Ouzou vivra très mal la double humiliation de la célébration du centenaire de la colonisation et de la dénomination de ses rues. Surtout que les officiers Beauprêtre et Fourchaut étaient connus pour avoir entamé le processus d'appauvrissement et d'acculturation de la population que les autorités coloniales avaient décidé de poursuivre à la faveur de la réussite de la célébration du centenaire. C'est néanmoins à cette période que les autochtones ont décidé de reprendre le dessus en activant d'abord sous la bannière de l'association des oulémas avant de créer en 1934 leur Association
d'éducation et d'enseignement Ech-chabiba sous la direction d'un ancien élève de Ben Badis, en l'occurrence Hassan Hammoutene, un natif de la ville qui formera de nombreuses promotions d'étudiantes et d'étudiants, et ce, jusqu'à la veille du déclenchement de la guerre de la libération nationale. Cette activité se fera en parallèle avec les activités politiques légales caractérisées par la lutte, plutôt fratricide, entre les partisans du PPA/MTLD de Messali Hadj et l'UDMA de Ferhat Abbas dont les représentants à Tizi Ouzou se disputaient les sièges électoraux de second collège comme imposé par l'administration coloniale, dirigée à l'époque par le maire Weinmann. Viendra ensuite la création du groupe des scouts musulmans que Rabah Boubrit mettra sur pied en 1939 après avoir fait connaissance, une année auparavant, avec Mohamed Bourras, le pionnier du scoutisme musulman qui venait de créer le premier groupe scout à Alger. Son action a été la plus efficace, d'après le récit de Salah Mekacher, dans la mesure où le groupe enseignait les valeurs scoutes, les chants scouts et patriotiques ainsi que les éléments rudimentaires du droit musulman. En somme, le groupe sera plus efficace dans l'opération d'éveil (ou de réveil) de la fibre patriotique, d'où le succès que connaîtra, en mai de la même année, le défilé de la fête du Mouloud qui s'ébranla avec fanfare et chants patriotiques du village colonial (centre-ville actuel) vers la dechra (haute-ville) sous les regards étonnés et inquiets des européens. «La mémorable marche des scouts à travers les rues et ruelles du village, au son de la fanfare et des chants patriotiques, avait incontestablement inauguré une nouvelle ère et un avenir
prometteur de liberté et de dignité pour les musulmans», dit encore l'auteur du récit qui ne tardera à aborder l'aspect sportif de la période qu'il qualifie de renaissance en racontant la création du Rapid Club de Tizi Ouzou, dissous par ses dirigeants désunis en 1932, la tentative de créer l'Union sportive de Kabylie en 1942 et ensuite la formidable épopée qui a caractérisé la création de la Jeunesse sportive de Kabylie en 1946 par des jeunes nationalistes du quartier Lalla Saïda de la haute-ville.
Pour Salah Mekacher, ce sont toutes ces activités qui ont joué un rôle indubitable dans le réveil des autochtones à la politique. En plus de la situation économique et sociale qui commençait à s'améliorer, de manière relative, certes, grâce surtout à l'occupation allemande de la France qui engendrait une situation de besoin d'une activité économique en Algérie avec notamment l'implication des commerçants autochtones.
Une situation dont ont su profiter certains commerçants de Tizi Ouzou, dont Ali Bouzar et Ali Khalfi, les plus en vue d'entre eux qui avaient créé des entreprises de conditionnement de la figue, un fruit disponible en abondance dans la région de Kabylie et qu'ils exportaient vers la métropole, créant ainsi une activité économique bénéficiant beaucoup plus aux autochtones qui trouvaient des emplois et relevaient leur niveau de vie. D'autres commerçants se lanceront dans la compétition de la figue et créeront davantage de richesses autour d'eux, alors que d'autres exploiteront l'olivier, en commercialisant l'huile d'olive mais aussi en utilisant l'huile extraite des grignons dans la fabrication du savon, notamment au niveau de l'usine Iachouren. Pour les ménages de Tizi Ouzou, toute activité constituait une bénédiction, selon Salah Mekacher qui citera plus loin les autres activités que l'administration coloniale a dû autoriser comme les transports, la torréfaction, la briqueterie et la limonade. Cela a «créé une atmosphère de compétition et de rivalité qui a balayé les sentiments défaitistes et d'infériorité congénitale propres à la condition d'hygiène», dit encore l'auteur qui en fait une parfaite transition vers le déclenchement de la guerre de libération nationale.
La guerre d'indépendance
«La surprise fut totale. A Tizi Ouzou, circulait la rumeur. De murmures en chuchotements, chacun s'imaginait les moudjahidine en justiciers innombrables», raconte Salah Mekacher à propos des jours qui ont suivi la nuit du premier novembre 1954, durant lesquels la population répondait favorablement aux instructions du FLN qui avait commencé par donner des consignes de boycott devant permettre de paralyser, du moins perturber, toutes les structures de l'administration coloniale. Il raconte aussi les différentes exactions de l'armée coloniale qui arrêtait toute personne valide sur simple dénonciation pour ensuite les emprisonner, les torturer et/ou les assassiner et qui démolissait tout sur son passage lors des fouilles effectuées dans les habitations de Tizi Ouzou.
Après avoir présenté quelques étudiants et lycéens de Tizi Ouzou ayant répondu à l'appel de l'UGEMA et du FLN/ALN comme Moh Arezki Haddadou, Mouloud Hamdad, Cherif Oubouzar, Moh Ouidir Bouferrache et Mustapha Nouri, l'auteur de ces récits précisera que Krim Belkacem accordait une importance capitale au ralliement de la ville de Tizi Ouzou.
«Vois-tu, Ahmed, si la ville nous rejoint, c'est gagné !» disait Krim Belkacem à celui qu'il nommera commandant de la région, en l'occurrence Ahmed Lamali.
Ensuite, ce sera la constitution d'une cellule de fedayin dirigée au début par Rabah Tabti suivi de Amar Belgacemi, dit Amar Charlot. Ce dernier, nommé en novembre 1955, «fera trembler Tizi Ouzou pendant toute une année. Il sera derrière tous les attentats qui se dérouleront dans les deux artères de la ville ; la grand-rue et la rue de la Paix où souvent ce sont les cafés-bars et les commerces gérés par des Français qui seront ciblés, surtout qu'ils étaient très fréquentés par les militaires.»
Des opérations qui amèneront l'armée coloniale à renforcer sa présence dans la région jusqu'à faire de Tizi Ouzou un camp retranché, raconte encore Salah
Mekacher qui se souvient que les représailles étaient terribles entre les évacuations et destructions de villages et les pillages et exécutions. «Tizi Ouzou sera
exsangue après l'hémorragie provoquée par la perte de ses enfants, arrêtés ou tués par centaines. Elle sera livrée à la loi des harkis et des goumiers, au diktat de la DOP [Centre de torture en ville, ndlr], aux rapts de la Main rouge, cette organisation secrète animée par les colons» se rappelle l'auteur non sans préciser que même les nombreux réseaux de soutien, appelés OPA ou organisation politico-administrative, seront démantelés par l'armée coloniale tout au long de leurs campagnes. Ce sera aussi une période où le DOP, le Détachement opérationnel de protection, installé au niveau de l'usine Iachouren, abritera les pires tortures infligées aux indigènes et aux membres de l'ALN, par le sinistre capitaine Chauvin qui deviendra d'ailleurs un officier de l'OAS pour perpétrer en Kabylie en général et à Tizi Ouzou en particulier, les plus odieuses des atrocités et les crimes les plus horribles. Selon Salah Mekacher, ce personnage quittera Tizi Ouzou au lendemain du cessez-le-feu, avec une grosse fortune ramassée par ses opérations de racket.
Le moral de la population était à son plus bas. La propagande de l'armée française à travers la radio, les journaux, les affiches murales et les déclarations des ralliés proclamant la victoire sur l'ALN a fini par créer une psychose en ville et a réussi à tétaniser la population. Donc, il était impératif pour l'ALN d'agir pour faire renaître l'espoir au sein de la population et rappeler à l'administration coloniale que la partie n'était pas encore terminée. C'est ainsi qu'une nouvelle cellule sera constituée sur ordre du colonel Mohand Oulhadj, commandant de la Wilaya III historique. Dirigée par le lieutenant Si Idir Hamki dit Ouvouyali, la cellule prendra le titre de commando et multipliera les faux barrages près de la prison civile, du stade municipal, au carrefour du Dr Salhi et au boulevard du Nord. Des embuscades meurtrières seront dressées sur la route qui mène vers le sanatorium. Plusieurs militaires français seront tués ou blessés. «Les embuscades, les enlèvements et les exécutions d'otages bouleversent l'échiquier et provoquent un grand désarroi dans les états-majors de l'ennemi qui constate sa déroute», raconte encore Salah Mekacher pour qui ces activités héroïques ont créé une onde de choc qui a fait gonfler les poitrines et balayé les réticences parmi la population locale.
Le commando se permettra même de s'attaquer au mess des officiers fréquenté souvent par un certain général Faure que le groupe, agissant sur
renseignement, visait personnellement. Ce dernier sera sauvé par un empêchement de dernière minute mais tous les présents seront tués lors de cette attaque qui a emporté le porte-drapeau du général absent.
Et la réorganisation des troupes de l'ALN en petits groupes mobiles n'a pas facilité la tâche aux responsables de l'armée française qui déployaient ses forces vainement et qui, emportés par la furie décidaient encore de s'attaquer à la population en guise de représailles face à la déroute de leur armée pourtant puissante. L'auteur du récit raconte dans ce sillage l'assassinat par un soldat français d'une femme enceinte au village d'Ihesnawen, tout près de Tizi Ouzou. A l'aide de sa baïonnette, le soldat retire le fœtus de sa victime et le jette dans un puits. Une atrocité qui affectera le lieutenant Si Idir, ce «chef prestigieux qui traînait derrière lui le souvenir de nombreux exploits et d'actes de bravoure qui honorent l'ALN tout entière». Si Idir devient, selon Salah Mekacher, méconnaissable après cet épisode de l'atrocité de l'armée coloniale.
Tizi Ouzou, ville maudite
Désormais, il est grognon et bougonne à longueur de journée jusqu'à ce qu'il décide, lui aussi, de s'attaquer à des civils européens, une famille de fermiers installée près de Oued Aïssi, à la recherche d'un dépôt d'armes et de munitions. Sans examen approfondi et le crime d'Ihesnawen dans l'esprit, Si Idir et son commando en s'attaquant à la ferme ne trouvent pas d'armes mais décident de se retirer, après des coups de feu des militaires installés non loin de la ferme, mais en mettant le feu à la ferme et prenant en otages les quatre membres de la famille Pruvost qui seront exécutés quelques heures plus tard pour avoir délibérément cherché à ralentir le groupe dans sa retraite. Mais pour le commando, cette affaire intervient après la directive du commandement de la Wilaya III qui interdisait aux éléments de l'ALN de s'attaquer aux civils, y compris européens. Si Idir sera convoqué par ses supérieurs mais, au cours de son déplacement, il sera dénoncé par un félon, qui venait de se rallier à l'ennemi, sera arrêté et subira les pires des calvaires de la part du sinistre capitaine Chauvin qui l'exécutera après d'atroces tortures. Salah Mekacher se souvient également du martyre du nouveau groupe dirigé par Ramdane El Kechaï dont la constitution coïncide avec la visite du Premier ministre français Michel Debré à Tizi Ouzou. Les membres du commando voulant un attentat spectaculaire, préparent plusieurs bombes qu'ils devaient faire exploser au passage du cortège de Debré.
La veille, l'artificier voulant inspecter les bombes commet une maladresse et fait exploser tous les engins, tuant les six membres du commando. Le martyre des membres du commando sera vécu par Salah Mekacher comme une malédiction tombée sur les moudjahidine du secteur de Tizi Ouzou parce que pour lui, la bleuïte qui n'a pas épargné la ville de Tizi Ouzou, était une autre malédiction qui n'a pas manqué d'emporter des éléments importants de l'ALN comme Mohamed Mellata dit Hadj Moh Oulhadj et un déserteur de l'armée française Slimane Belaïdi. Un tandem qui a fait trembler l'armée française et les colons de la ville notamment par des obus tirés à partir de Redjaouna contre le siège de la gendarmerie et les bâtiments de la garde mobile. Un duo d'enfer atteint par la bleuïte qui y sèmera la suspicion. Les responsables de l'ALN décident d'agir et font embarquer Hadj Moh Oulhadj qui sera exécuté. Slimane Belaïdi qui a senti le coup arriver ne trouvera rien d'autre à faire que de se rendre à l'ennemi et collaborer même avec le capitaine Chauvin au niveau de la sinistre DOP.
Il deviendra renégat. Cette purge touchera plusieurs secteurs de la Wilaya III, selon Mekacher, qui cite, entre autres, les régions d'At Douala et de Larba Nath Iraten.
Tizi Ouzou, plaque tournante de la révolution
Mais tous ces drames n'ont pas altéré l'engagement de Tizi Ouzou dans la guerre de libération nationale, particulièrement en tant que plaque tournante de la révolution mise en place par Tayeb Seddiki, dit cheikh Tayeb qui réorganise la Wilaya III en matière d'acheminement de courrier, d'effets et d'argent grâce notamment à deux personnages de la région, en l'occurrence Mohamed Idris, dit Moh Baïleche, entre la haute-ville et Redjaouna et Saïd Hadjili à Boukhalfa. Et ce, depuis que la Wilaya III s'était vu confier la reprise en main de l'organisation FLN d'Alger et de la Wilaya IV. Leurs domiciles bien situés servaient de refuges aux moudjahidine alors que leurs activités, gérant d'une pompe à essence et commerçant respectivement, servaient d'outils de transmission de différentes sortes. La pompe à essence était une véritable boite à lettres de l'ALN alors que le camion de Saïd Hadjili faisait de longs trajets vers Sétif, Bordj Bou Arréridj et Alger pour l'acheminement de provisions de toutes sortes. L'auteur du récit rend hommage ainsi à ces deux personnages au même titre
qu'à ceux des cars de transport «Amirouche» de Mekla qui ont servi la révolution dans un engagement total. Dans un autre chapitre, il rendra hommage à un autre moudjahid, Hadj Ali Boulou qui a servi comme artificier pour le compte de l'ALN et dont plusieurs bombes ont explosé dans la capitale, Alger.
Ses bombes cibleront également des ponts et des trains.
Il tombera au champ d'honneur en 1961 au moment où il se déplaçait vers un refuge à Boukhalfa. Salah Mekacher réservera les dernières pages de son livre aux personnes disparues. Il y en a plusieurs mais l'auteur présente trois commerçants très engagés aux côtés du FLN et de l'ALN, en l'occurrence Hedjal Mohand Ouamar, Aït Mouloud Mohand Oussalem et Mostefaoui Hocine qui seront enlevés quasi simultanément par des soldats de l'armée française et qui ne
donneront plus signe de vie.
M. B.


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