Ils sont une cinquantaine de magistrats à avoir refusé de prendre leur mal en patience. A continuer d'exercer dans une parodie de justice. Ils ont, en prévision de la tenue de la session ordinaire du Conseil supérieur de la magistrature qui s'est déroulée samedi dernier, introduit des demandes de démission. Ce qui est rare dans un secteur comme celui dirigé par Tayeb Belaïz. On ne rend pas son tablier quand on occupe un poste aussi stratégique que celui de magistrat avec tout ce que cela implique comme accompagnement. Mais aussi avec tout ce que cela implique comme décision relative à la liberté des individus. Pourtant, les démissionnaires n'ont pas hésité à jeter l'éponge car leur lutte s'est révélée vaine et ils n'ont pu venir à bout des pressions exercées de toutes parts. Ils ont refusé d'être instrumentalisés et d'être au service d'une justice que beaucoup tentent de caporaliser. Le geste de ces magistrats vient démentir de manière fulgurante les éternels discours du premier responsable du syndicat des magistrats qui ne cesse de clamer que ses pairs exercent en application de la loi en dehors de toute pression ou injonction. Les déclarations des concernés, samedi dernier, tranchent également avec le discours du garde des Sceaux lui-même à propos de l'indépendance de la justice. Laquelle n'est consacrée que par des textes. Elle se heurte aux dures réalités du terrain. Combien d'affaires avons-nous suivies et qui sentaient déjà l'intervention du politique ? Le procès Khalifa, au-delà du préjudice causé au Trésor public, aux particuliers, a eu le mérite de renseigner sur la manière dont son traitement a été instrumentalisé. Les observateurs présents à Blida il y a plus d'une année ont appris énormément lors des auditions. Ils ont surtout confirmé l'instrumentalisation de la justice dans le supposé procès du siècle qui, au demeurant, est très loin d'avoir livré ses dessous. Aussi, la démission des cinquante magistrats, au risque de se retrouver en train d'émarger à l'ANEM pour les moins chanceux, prouve que les fonctionnaires de la justice ne sont pas tous véreux. Qu'il existe parmi eux des personnes intègres, dont la conscience ne leur permet pas de se jouer de la liberté des justiciables parce que des injonctions leur ont été données. Cette cinquantaine de magistrats ont démontré qu'il ne s'agit pas pour eux d'avoir des salaires mirobolants, des logements, véhicules et tutti quanti en contrepartie desquels ils se voient contraints d'exécuter des ordres venus soit de la chancellerie, soit d'une quelconque officine. Ils ont préféré troquer leur fonction contre leur conscience. Ils quittent leur poste avec la ferme conviction que l'indépendance de la justice relève d'une véritable volonté politique et qu'elle est une condition sine qua non de la promotion de l'Etat de droit et le moyen de sa préservation. Une démocratie se mesure au degré d'indépendance de la justice. Les magistrats démissionnaires viennent d'en donner un bel exemple. Ils sont jaloux de leur liberté et n'ont pas une piètre idée de la justice. F. A.