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Le forgeron des fugues
Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire de Sarah Kaminsky
Publié dans La Tribune le 14 - 01 - 2010

Tous les moyens sont-ils valables pour servir l'humanité et la sauver des dangers de mort et de l'humiliation lorsque la folie des hommes la jette dans les pires tourbillons ? En tout cas, le faire dans la peau d'un faussaire n'est pas pour autant reprochable contrairement à la morale prêchée par ceux qui n'ont que des slogans à brader sans faire accompagner la pensée d'un acte. Car le vrai sens d'un faussaire diffère d'un mercenaire et c'est là la leçon d'Adolfo Kaminsky, l'enfant qui rêvait d'être peintre et dont la guerre a radicalement changé le rêve. Il n'a pas peint de chef-d'œuvre, certes, mais il a sauvé des enfants, des femmes et des hommes, une autre pratique de l'art d'être homme, la vraie pour ainsi dire quand les valeurs humaines sont menacées.
Sous la plume de sa fille Sarah, cet ancien faussaire narre son fabuleux itinéraire de résistant de l'ombre et d'humaniste qui, sa vie durant, a contribué au combat contre les injustices et les racismes qui ont singularisé le vingtième siècle et le siècle naissant.
Dès sa prime jeunesse, il a travaillé pour la liberté de l'être et son épanouissement. Issu d'une famille juive originaire de Russie, il est né en Argentine, teinturier de formation et passionné de chimie et, enfin, humaniste par vocation, il ne tardera pas à mettre son savoir-faire et sa passion de l'humain dans de nombreuses luttes.
«Ma formation, si l'on peut dire a commencé lorsque j'ai emménagé à Vire, en Normandie. J'avais treize ans.» Car, pour lui, «ne rien faire, ne rien dire c'est déjà être complice». Tout son dévouement est sous le signe de ce principe éthique.
Après s'être arraché du sinistre camp de Drancy où il a vu défiler la mort, il rejoint un laboratoire à Paris pour fabriquer de faux papiers, aidant ainsi les juifs alors pourchassés par la Gestapo à prendre un autre chemin que celui d'Auschwitz.
L'auteure restitue l'épopée de son père, de sa naissance à son métier en ponctuant la narration par des histoires qui s'enchevêtrent. Elle entraîne dans les dédales d'une vie fabuleuse, car quoi de plus digne que de mener une double vie afin de sauver la vie, lorsque la mort vorace la traque. De la Seconde Guerre mondiale jusqu'au combat des résistants grecs en passant par la guerre d'Algérie, le combat espagnol, les combats du tiers-monde et jusqu'à ce passeport pour Chen Bendit, interdit en France en 1968, Adolpho Kaminsky raconte ses périlleux engagements mais ô combien salutaires dans l'humilité et l'humanité d'un être soucieux du devenir humain.
C'est un résistant des causes et non de la cause. Ce pluriel est à souligner, parce que c'est là, que réside le secret de cet homme qui «défendait fermement l'idée que chaque individu, particulièrement s'il est traqué et que sa vie soit en danger, puisse jouir du droit de circuler librement, de traverser les frontières, de choisir la destination de son exil».
Il était profondément marqué par cette main tendue lorsque la mort ouvrait horriblement sa gueule, et ce souvenir nourrira tout le sens de sa vie. C'est au cours d'une de ces monstrueuses rafles, qu'il donne sens à sa vie : sauver la vie.
En découvrant la magie de la chimie, alors qu'il était teinturier, il se met vite à forger des fugues hors les camps. Ce livre rappelle bien que l'histoire s'écrit par des hommes grands parce que humbles, n'aboyant pas la guerre pour occuper un fauteuil. Alors que des résistants, et souvent de pacotille, vendent leur âme au diable en faisant des courses mortuaires au pouvoir.
Sa conviction c'est d'avoir fait la guerre pour ensuite se donner la légitimité de tricher comme il est d'ailleurs de coutume de notre temps, plutôt rester vigilant et continuer sa propre révolution. Après la Seconde Guerre mondiale, il estime que sa mission est terminée dans la résistance et que participer aux conquêtes coloniales, c'est se renier. Il raconte : «Je commençais à détruire les documents, lorsque mon supérieur, le colonel, Pommès-Barrère, est venu m'entretenir d'une nouvelle urgence. Il ne s'agissait plus de faux papiers, mais d'un laborieux travail de cartographie de l'Indochine en vue d'une éventuelle reprise par la force de la gouvernance française de la colonie […]. Si l'insurrection des Indochinois devait avoir lieu, ne devrais-je pas la comparer à ce qu'avait été la Résistance pour les Français ? Le terme n'existait pas encore à l'époque, mais j'étais profondément anticolonialiste. Le lendemain, j'ai donc décidé, malgré l'entêtement de mes supérieurs à vouloir me garder, de démissionner.» Dans cet admirable parcours, tout est traversé par la mort, les cadavres et,
surtout, l'amour. Adolphe ne renonce jamais, contre vents et marées, lui qui n'a jamais «baissé les yeux devant Brunner», il résistera, car il est profondément déterminé par une chose qui ne ressort que de l'intelligence : l'Autre. Il suffit juste d'avoir la nature de la lutte pour qu'il donne un coup de main tout en gardant son indépendance. Son engagement en faveur de l'indépendance de l'Algérie est une merveilleuse traversée, il rappelle son travail dans le réseau Jeanson ainsi que celui d'Henri Curiel, réseau qui reprend l'organisation du soutien après le démantèlement du réseau Jeanson, et le réseau de l'hébergement d'Algériens (de Jacques Charby) traqués par la police. Il raconte une belle anecdote à propos d'un certain Philippe, ancien de la résistance de la jeunesse sioniste chez qui il avait ramené un haut responsable du FLN. Alors que Philippe était un fervent défenseur de l'Algérie française. Cette rencontre fera dire à Philippe plus tard : «Adolphe, viens chez moi, il faut que je te parle», exige-t-il d'un ton autoritaire. Après hésitation, peur de dispute ou de désaccord, Adolphe entendra dire Philippe : «Ah Adolphe ! Ton Algérien, il était d'une grande culture ! Dans le fond, ce qu'il fait, c'est de la résistance, comme nous. Si tu en as d'autres comme ça, tu peux me les envoyer.»
C'est par ces anciennes amitiés qu'il est retourné vivre en Algérie avant de reprendre les tortueux chemins de l'exil après dix ans de vie. Il rappelle avec amertume que «les luttes fratricides engendrées par la course au pouvoir des anciens responsables de la révolution m'avaient totalement décontenancé. La lutte anticolonialiste achevée, ils se faisaient la guerre entre eux».
Lorsque sa femme lui demande de quitter l'Algérie avec les enfants, elle n'avait pas tort, son regard anticipateur était lucide, surtout eux qui incarnent une belle convergence, quelques années plus tard, la différence sera condamnée au nom d'une religiosité étrangère même à Dieu.
Le plus surprenant et même arrogant avec l'histoire officielle, est qu'elle ne devance que ceux qui la fabriquent et, souvent, de toutes pièces afin d'étouffer non pas le mensonge qui la menace mais bien de liquider la vérité et légitimer l'idiotie. Avec Adolpho Kaminsky, on apprend à forger une autre histoire, cette fois-ci la vraie, celle d'être utile et indépendant de la servitude du pouvoir, avec lui on ne finit jamais d'apprendre l'infini de l'humain.
A. L.


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