Agression sioniste contre l'Iran: appel à une désescalade suivie d'une trêve    Bonnes nouvelles pour les femmes au foyer    quels impacts sur la sphère énergétique ?    Ambiance maussade en Israël où la guerre des ombres devient l'apocalypse publique    Donald Trump appelle à la reddition de Téhéran    Le MCA a un point du titre, suspense pour le maintien    Seize joueurs pour préparer le championnat arabe    Succès retentissant de l'Algeria Bid Round 2024    Rush sur le Parc de Mostaland    Vers l'intégration de 40 nouvelles spécialités dans le domaine numérique dès la rentrée prochaine    Un lieu pour l'éveil des enfants à La Haye    Forum africain de l'énergie: Yassaâ souligne le rôle stratégique de l'Algérie dans la transition énergétique en Afrique    Le Conseil de la nation prend part à Rome à la 2e conférence parlementaire sur le dialogue interreligieux    Attaf reçoit un appel téléphonique de son homologue jordanien    Oran: cérémonie de sortie de la 55e promotion d'élèves officiers et d'officiers stagiaires à l'Ecole Supérieure de l'Air de Tafraoui    Conseil de la nation: Bouzred présente le texte de la loi de règlement budgétaire pour l'exercice 2022 devant la commission des affaires économiques et financières    La manifestation "Alger Capitale de la Culture Hassaniya" du 21 au 23 juin à Alger    Tennis/Tournoi M25 Monastir: Toufik Sahtali qualifié au 2e tour    Il y a 20 ans disparaissait l'icône du style "Tindi", Othmane Bali    Constantine: 11e Festival international de l'inchad du 25 au 30 juin    Bac 2025: plusieurs condamnations à des peines de prison pour fraude et fuite de sujets d'examen    Wilaya d'Alger : Saison estivale, rentrée scolaire et grande campagne de nettoyage au cœur d'une réunion    Adhésion du CODESA à l'Organisation mondiale contre la torture    ANP : arrestation de neuf éléments de soutien aux groupes terroristes en une semaine    Chlef: plus de 300 projets enregistrés au guichet unique    Déjouer toutes les machinations et conspirations contre l'Algérie    « Abdelmadjid Tebboune n'a pas accordé d'entretien à des journaux français »    Campagne de sensibilisation autour des menaces sur les récoltes de la tomate industrielle    Ligue 1 Mobilis: le leader tient bon à Chlef, CRB nouveau dauphin    Les MAE de plusieurs pays arabes et musulmans condamnent    Au cœur des Hauts Plateaux de l'Atlas saharien, Aflou offre bien plus qu'un paysage rude et majestueux    Para-athlétisme/GP de Tunis: 11 médailles pour l'Algérie, dont 4 en or et un record mondial signé Berrahal    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie au Koweït    L'USMA stoppe l'hémorragie, l'USMK enchaîne    Une date célébrée à travers plusieurs wilayas de l'est du pays    L'Autorité nationale indépendante de régulation de l'audiovisuel met en garde    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



De la célébration de Camus au procès de l'ALN
Encore la démystification et la désinformation comme arme préférée du lobby néocolonial
Publié dans La Tribune le 25 - 02 - 2010

Avant même qu'elle ne soit publiée, «l'alerte aux consciences anticolonialistes» a provoqué des réactions en chaîne de la presse et de la blogosphère françaises. On peut y lire des informations de ce genre : «Si vous voulez vraiment lire l'Etranger, le Mythe de Sisyphe [...] alors faites preuve de discrétion, allez les lire à l'abri des regards», a ironisé, vendredi 19 février, le quotidien arabophone El Khabar, en condamnant les «objecteurs de conscience et les gardiens du temple qui font en ce moment la chasse à tous ceux qui lisent Camus» (in le Monde du 21.02.2010). L'information est d'évidence plus crédible si elle est reprise d'un quotidien algérien arabophone. Pas de doute dans ce cas-là : si même un journal arabophone s'insurge contre «des objecteurs de conscience», c'est que l'affaire doit être sérieuse et les milices mobilisées autour des librairies ! Mais dans le même article, Nacer Djabi, sociologue arabophone, il est utile de le souligner, nous prend à contre-pied : «C'est une bataille de la génération des plus de 50 ans, les jeunes ne connaissent pas Camus». Destinataire de la pétition, cet universitaire a refusé de la signer.
«Ce n'est pas facile de défendre Albert Camus en 2010 du fait de l'arabisation de la culture et des petites guéguerres avec les Français», ajoute-t-il. (in
le Monde du 21.02.2010)). Voilà bien un paradoxe. Il faudrait qu'il nous explique comment l'arabisation qui touche tous les moins de cinquante ans parmi les universitaires fait que les plus de cinquante ans s'élèvent contre un lobby qui entend utiliser Camus pour diaboliser notre guerre de libération, traiter notre combat d'entreprise terroriste et modifier substantiellement notre perception de l'identité nationale ? Les arguments de Nacer Djabi ont eu un succès foudroyant.
La blogosphère les reprend en boucle. En voici un exemple : «A ce premier débat vient s'ajouter une guerre entre arabophones et francophones qui, depuis quelques années, tend à évincer les auteurs de langue française tels que Camus.» Arabophones et francophones se crêpent le chignon et chacun peut imaginer les scènes cocasses devant les librairies. Voici un autre exemple du succès de Nacer Djabi : «Et toute tentative de célébration de l'œuvre d'Albert Camus se heurte rapidement à de nombreuses difficultés de réalisation. Le gouvernement ne donne pas facilement de l'argent pour ce type de projets. Pour autant, cela reste une bataille conduite par l'arrière-garde et les nouvelles générations algériennes connaissent très peu l'œuvre de Camus.»
Ces réactions regrettent déjà que des sponsors algériens, qui avaient prévu de financer la caravane, se mettent à douter des véritables buts de cette manifestation et que certaines institutions officielles soient moins enthousiastes maintenant qu'il s'avère que cette manifestation est plus une entreprise politique qu'un hommage purement esthétique.
Il faut, une fois de plus, déblayer la montagne de mensonges et de mystification pour restituer quelques vérités élémentaires. Rassurons d'abord le public : il n'existe nulle milice de la lecture et les livres de Camus se vendent et se lisent en toute liberté. Rappelons que, depuis 2004, année de lancement de la première campagne autour de cet auteur, en appui à la loi du 23 février 2005, Camus tient le haut du pavé médiatique en Algérie. Tous les auteurs algériens de sa génération et véritables fondateurs de la littérature algérienne n'ont pas bénéficié du centième de la surface médiatique consacrée à Camus. En plus des articles spécifiques, du Camus, il y en avait «en veux-tu, en voilà» jusqu'à l'overdose. C'est même cette overdose qui a attiré l'attention et révélé que les articles, les séminaires, les pèlerinages s'apparentaient à une campagne dont le financement désignait les maîtres d'œuvre. Au cours de cette campagne, il a été très peu question de l'œuvre elle-même -hormis un long article– mais beaucoup de l'identité de Camus : est-il Algérien ? La question de l'identité est une question politique pas un souci esthétique. La campagne a été énorme et a donné lieu à toutes les contorsions des «déchirures» de Camus à ses «tourments». Cela ne constitue toujours pas un souci esthétique mais une question politique. Bien sûr, ses promoteurs et ses intervenants posaient la question en postulant la grandeur littéraire de Camus. Il leur importait peu que camus ait répondu à la question en militant pour le maintien de l'Algérie française et donc qu'il se considérait comme Français. Mais pas seulement. Dans le vocabulaire de Camus, l'identité algérienne était réservée aux seuls pieds-noirs et aux pieds-noirs seuls. Nous étions pour lui des «Arabes» et il nous l'a rappelé tout au long de notre guerre de libération en nous proposant comme solution la reconnaissance d'une «personnalité» arabe, pas même le statut de français à part entière. Camus vivant aurait dénié le statut d'Algérien à tous ces universitaires, journalistes, éditeurs mobilisés autour d'une question identitaire soigneusement camouflée en célébration d'un auteur. Il est utile de rappeler qu'à l'époque les initiateurs de cette campagne avaient besoin de réveiller l'image d'un pied-noir qui pouvait faire oublier ou du moins contrebalancer celles des Bugeaud et des Bigeard. En sous-main déjà, on travaillait l'idée que les pieds-noirs et la colonisation présentaient des effets positifs et que la guerre de libération avait eu au moins le défaut d'avoir été hâtive et précipitée.
Les rares réactions à la campagne de 2004 et de 2005 n'ont à aucun moment attaqué Camus ni sa lecture. Elles ont dénoncé l'entreprise politique sous le camouflage littéraire. Rares réactions, trop rares pour être significatives.
La mystification avait amplement réussi.Bien sûr, entre cette campagne de 2004/2005 et aujourd'hui le travail d'entretien s'est fait. A partir de décembre 2009, les choses ont pris une nouvelle tournure. Sans que les Algériens soient informés d'une préparation avancée d'une caravane célébrant Camus -jugez de la loyauté de la démarche !- une nouvelle campagne médiatique s'enclenche. Elle ne pose plus la question de l'algérianité de Camus : elle répond en allant plus loin. Camus n'était pas pro-OAS ni pro-FLN. En écho, le petit-fils de Camus rappelle dans une émission télé que le FLN était une organisation terroriste devant un directeur du Centre culturel algérien qui reste muet face à cette résurgence du langage des Lagaillarde et des Massu. Reprenons : qu'est-ce que le FLN et l'OAS viennent faire dans une question esthétique ? Alors que les promoteurs de cette campagne pour Camus ne cessent de se revendiquer de la seule littérature et de la seule esthétique, ils n'arrêtent pas de faire de la politique. Camus est donc bien un prétexte. Pourtant, la comparaison du FLN et de l'OAS nous pose plus de questions qu'elle n'en résout. D'abord un problème de vérité historique : Camus n'était pas neutre entre le FLN et l'OAS. Personne ne sait s'il aurait été ou non pro-OAS, il est mort avant le développement de cette organisation. Mais il était anti-FLN. Il n'était pas neutre à l'égard du FLN, il était contre. Il a été même le premier intellectuel français à mener la contre-offensive idéologique contre l'ALN avec sa chronique de septembre 1955. Ensuite, que veut dire cette comparaison entre FLN et OAS ? Que le FLN était une organisation terroriste. La mystification bat son plein. Le FLN de la guerre de libération n'a pas déclenché son action contre l'OAS mais contre l'ordre colonial et a combattu l'armée coloniale française. Du coup, l'armée coloniale est dédouanée de ses crimes et le combat du FLN de la guerre de libération remis en question. Quelle réécriture de l'histoire ! «De l'admiration de Camus au jugement de l'ALN», voilà le contenu essentiel de cette campagne selon l'expression de Samia Zennadi. Il est permis aux auteurs de cette comparaison de nous frapper dans nos martyrs et dans nos torturés ; de nous faire injure dans notre combat et dans nos familles en réanimant la vieille propagande coloniale sur «les terroristes du FLN».
Il oublie, et avec lui tout le lobby néocolonial, que le FLN de la guerre de libération, c'était nous, l'écrasante majorité de notre peuple contre lequel on avait aussi mobilisé des supplétifs. La méthode a encore du succès. Reprenez toutes les déclarations et tous les articles, nous ne sommes que dans ce genre de mystifications, de mensonges, de torsions de la réalité et de la vérité historique. «L'alerte aux consciences anticolonialistes» ne fait autre chose que dénoncer ces buts réels du lobby néocolonial : faire le procès de notre guerre de libération sous le couvert de célébration littéraire ; discuter notre identité nationale ; remettre en cause le processus de décolonisation. Cette alerte s'attaque au lobby même si elle est obligée de montrer pourquoi Camus est l'homme idoine pour la besogne. La France est libre de fêter l'un de ses enfants et de le célébrer. Les Algériens sont libres de lire, d'aimer ou de ne pas aimer Camus. Les signataires de cette alerte ne constituent pas une secte ou un peloton de zouaves aux ordres d'un adjudant. Chacun d'eux est libre de s'exprimer sur cette question comme il veut, y compris en s'attaquant à Camus. Si Eric Zemmour est libre de traiter Sartre de barbare dans une émission française, il n'y a pas de raison que camus échappe à des regards critiques ou alors serait-ce un blasphème de le discuter quand Sartre est attaqué ; la liberté de penser et de s'exprimer est toujours soumise au double standard ? La France officielle est libre de célébrer Camus ; elle n'est pas en droit de faire de son agenda culturel notre actualité nationale ni de vouloir rejouer le match dont l'histoire a sifflé la fin. Il fallait à cet Etat français et à son lobby néocolonial franco-algérien beaucoup nous sous-estimer pour nous faire passer ce combat pour celui de l'arrière-garde d'une armée défaite. C'est à ses tentatives de reconquête néocoloniale que nous nous opposons. Et nous nous opposerons.
M. B.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.