Quatre ans après sa disparition, le géant de la guitare et maître du blues, Ali Farka Touré, est l'objet d'un documentaire projeté samedi dernier à la salle Ibn Zeydoun. Ali Farka Touré, le miel n'est jamais bon dans une seule bouche, titre inspiré d'un vieil adage sorai, du réalisateur français Marc Huraux, a été présenté au Ciné musique de la 3ème édition du Festival international du diwan d'Alger. Le public était composé de jeunes fans et de professionnels. L'œuvre cinématographique commence avec l'image d'Ali Farka Touré entouré de ses musiciens et choristes dans une vieille habitation qui leur servait de studio d'enregistrement. Cela se passe dans le village de Nifanké au Mali, le lieu d'enfance d'Ali ou plus précisément au bord du fleuve des Génies, comme le nomment les Maliens. Loin d'être une biographie de l'artiste, le documentaire est un regard tendre et curieux que jette le réalisateur aux enfants du fleuve et leur maître spirituel Farka ou le résistant. Étant le seul fils après le décès de ses neufs frères, Ali est nommé Farka pour conjurer le mauvais sort. Retour à la terre mère, c'est une sorte de pèlerinage qu'effectuent désormais Ali et Marc au Mali. Enfant d'une famille noble et persuadé d'être un Berbère noir, Ali n'est pas destiné à être musicien puisqu'il n'est pas griot. Véritable cultivateur et connaisseur des cultures de sa région, notamment la culture des génies du fleuve, Ali, au-delà de son succès, demeure très proche de ses racines. «Quand on a une seule pomme, on la partage avec dix personnes car nul ne sait ce qui va se passer après. Celui qui fait le bien reçoit toujours du bien.» C'est ainsi que résume Ali sa philosophie. Très jeune, Ali s'initie à la musique avec la guitare monocorde, «l'instrument qui sert à invoquer les génies au Mali», puis se dirige vers la guitare. Maîtrisant plusieurs dialectes maliens, il enrichit ses influences musicales et se dirige vers le blues, un style qui lui ouvrira les portes des Etats-Unis. Fervent croyant en sa culture, Ali considère les régions de la boucle du Niger comme le centre du monde. Il n'hésite pas à déclarer aux artistes noirs américains : «Nous sommes le tronc et vous êtes les feuilles.» Le documentaire est pauvre en commentaires, le réalisateur laisse la parole à Ali qui enchaîne les anecdotes et parle de philosophie. Le réalisateur nous montre un Ali Farka Touré talentueux, ouvert, humain et modeste, très apprécié dans son village dont il sera le maire avant son décès en 2006 à Bamako. Parmi les images marquantes, celle d'Ali entouré de ses amis dans un vieux café écoutant un vieux 33 tour d'Otis Redding. Le public verra également Ali sur ses terres au bord du fleuve du Niger auxquelles il voue une attention particulière. Le réalisateur capte les visages, les expressions avec en arrière-plan le majestueux fleuve, le son des vagues côtoie celui des instruments, offrant au public un aspect artistiquement beau. Telle une quête de vérité, le documentaire est un voyage, un périple mystérieux qui recèle pleins de trésors cachés. Le public sortira de la salle bouleversé, la tête pleine de questions auxquelles il ne trouvera peut-être jamais les réponses.