La grande distribution en Algérie demeure encore au stade embryonnaire. Elle n'arrive pas à se développer malgré un marché de plus 35 millions de consommateurs. Les expériences tentées jusqu'ici par le groupe Blanky et l'enseigne française Carrefour se sont avérées infructueuses. Le groupe Cevital qui, à travers sa filiale de grande distribution Numidis, a lancé des hypermarchés Uno à Alger (Rouiba en 2007, cité Garidi en 2008 et Bab Ezzouar en 2010), constitue une exception. Dans sa stratégie de déploiement, Numidis compte créer encore 12 à 15 autres hypermarchés Uno de la même envergure que ceux d'Alger. Mais ce projet n'arrive pas à démarrer «faute d'assiettes de terrain suffisantes pour ce genre d'infrastructures commerciales», a expliqué le patron de Cevital, Issad Rebrab. Des opérateurs, qui étaient intéressés à investir dans le domaine de la grande distribution, ont vite changé d'avis jugeant que le risque de non-rentabilité est élevé tandis que d'autres ont préféré remettre à plus tard leur projet par prudence.Cette frilosité est tout à fait justifiée en raison de la concurrence déloyale du marché de l'informel et des petits commerces de proximité. Autres réalités du terrain, une grande majorité de nos producteurs locaux ne savent pas produire en série de grandes quantités, de qualité constante et livrer à temps. Des contraintes auxquelles ne sauraient s'accommoder les investisseurs, «car c'est sur ces paramètres que repose le développement de la grande distribution» n'ont de cesse d'insister des experts dans le domaine. Ils signalent aussi que la grande distribution en Algérie ne peut se développer en l'absence d'une infrastructure et d'un secteur logistique organisés et adaptés. En clair, sans l'existence de centrales d'achat, le circuit de la grande distribution ne saurait se développer. «Un déploiement qui, d'ailleurs, est souhaité dans la mesure où la grande distribution peut être un moteur efficace de l'économie nationale car elle offre aux producteurs locaux un marché immense pour peu que ces derniers se modernisent et se professionnalisent», indiquent des experts de la grande distribution. Pour ces derniers, l'instauration de l'activité de la grande distribution à travers la multiplication de grandes surfaces de type hypermarchés, proches des centres urbains, ne peut que favoriser «une politique de développement économique favorable aux consommateurs, aux distributeurs et aux producteurs», précisent-ils, non sans soutenir qu'il ne peut y avoir une baisse des prix à la consommation sans grande distribution moderne.Autres retombées positives de cette activité commerciale : elle peut bousculer le ronronnement de l'économie traditionnelle et «exacerber la concurrence», expliquent les experts. Le développement de la distribution moderne peut aussi avoir un effet destructeur sur le commerce traditionnel. En somme, la distribution traditionnelle laissera progressivement la place à la distribution moderne.S'agissant des effets socioéconomiques de la grande distribution, les experts dans le domaine estiment qu'elle augmente le pouvoir d'achat des ménages et cela même si les revenus n'augmentent pas En d'autres termes, «le revenu nominal ne change pas mais sa contrepartie en biens de consommation augmente», expliquent les experts. Sur un autre plan, le développement de la grande distribution contribue également à l'aménagement du territoire ainsi qu'à la création d'emplois. «La grande distribution, une fois développée, peut être un gisement de postes d'emploi. Elle peut, en effet, créer des emplois directs au niveau des points de vente, des centrales d'achat, de la logistique et de l'approvisionnement, mais aussi des emplois indirects dans les transports, les entreprises de stockage, les industries de conditionnement.»Le développement de la distribution moderne a également un impact direct sur la production car elle oblige les producteurs à adapter leurs stratégies en vue d'optimiser leur potentiel productif et d'améliorer tant qualitativement que quantitativement leurs productions. «Il va de soi que ce sont les procédures qualité qui permettront le mieux d'introduire la rigueur nécessaire pour livrer en quantité, en qualité et à la date prévue les distributeurs qui ne peuvent pas se permettre d'avoir des rayons vides. Cette mise à niveau représente un autre coût lié au développement de la distribution moderne», indiquent les experts. Or, pour l'heure, si d'aventure la grande distribution s'instaure, elle ne peut que se heurter à des approvisionnements en dents de scie faute de constance dans la production et la livraison que pourraient assurer des producteurs professionnels. Quant à ceux existant, pour différentes rasions, ils préfèrent travailler dans l'informel. Ainsi, cette activité économique et commerciale qu'est la grande distribution n'est pas près de connaître l'essor attendu. Pour peu que l'administration cède dans les délais des assiettes de terrain, la perspective de voir la grande distribution sortir enfin de son stade embryonnaire pourrait se dessiner. Z. A.