De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Le théâtre s'est longtemps muré dans l'amateurisme et le bricolage dans la wilaya de Tizi Ouzou où l'activisme politique a empêché le quatrième art de disparaître. Mais avec la réhabilitation du théâtre régional Kateb-Yacine de la ville des Genêts, inauguré en grande pompe en novembre dernier, l'espoir est revenu de voir cette discipline culturelle et artistique remonter la pente, surtout que l'équipe placée à sa tête avec Fouzia Aït El Hadj, comme directrice, n'avait pas attendu l'inauguration pour montrer une volonté de fer de bien faire les choses, notamment en s'entourant de professionnels chevronnés. Avant même l'achèvement des travaux de réhabilitation et avec tous les soucis que pouvait suggérer l'indisponibilité d'un siège, Fouzia Aït El Hadj et son équipe n'ont pas hésité à monter des pièces de théâtre de qualité et lancer une campagne de formation au théâtre au profit de plusieurs animateurs culturels de la wilaya de Tizi Ouzou. Le travail réalisé avant l'inauguration du théâtre Kateb-Yacine était de bon augure pour le quatrième art dans cette wilaya qui pullule de troupes théâtrales amatrices mais avides d'amélioration. Cela correspondait à ce qui apparaissait comme une volonté des pouvoirs publics d'encourager l'activité théâtrale, surtout que des festivals dédiés à cet art sont institutionnalisés avec ce même objectif de le remettre sur les rail après des années de disette.Mais ce qui s'est passé ces dernières semaines n'est pas à même de maintenir cet espoir. Du moins à première vue, puisque les choses sont encore confuses depuis qu'on a appris que Fouzia Aït El Hadj n'est plus la directrice du théâtre régional Kateb-Yacine. S'ensuivirent toutes sortes d'informations contradictoires entre limogeage et démission. Son remplacement ne s'est pas fait attendre et c'est Ahmed Khoudi, ex-directeur du théâtre régional de Béjaïa, qui sera installé à sa place. L'on apprendra par la suite que Fouzia Aït El Hadj était en congé pour des raisons médicales. Mais l'on apprendra aussi de plusieurs sources que Fouzia Aït El Hadj a décidé de jeter l'éponge pour des raisons de prérogatives qu'auraient piétinées les responsables du secteur de la culture, particulièrement sur la question du recrutement du personnel, après l'inauguration du théâtre régional. En effet, selon certains comédiens et personnes du monde de la culture à Tizi Ouzou, Fouzia Aït El Hadja subit des pressions de la part de quelques jeunes des quartiers voisins à l'institution qu'elle dirigeait, à qui l'«on a promis» des postes d'emploi à la fin des travaux de réhabilitation du théâtre régional. Le refus de la désormais ex-directrice du théâtre régional de se soumettre à ces injonctions qu'elle considère «inacceptables» l'a conduite vers la sortie. Mais, semble-t-il, la compétence et le professionnalisme de celle qui est à l'origine de la renaissance de l'activité théâtrale à Tizi Ouzou sont reconnus en haut lieu, d'où le rejet, toujours selon les mêmes sources, de sa démission par le ministère de la Culture qui lui a accordé un congé de deux mois nécessaires pour des soins prévus à l'étranger. Son sort à la tête du théâtre régional sera connu définitivement dans quelques jours, après son retour de l'étranger. Son remplaçant, Ahmed Khoudi, qui a déjà eu l'occasion de mettre en scène des pièces théâtrales, ne veut pas s'attarder sur ces faits et se met au travail, dès son installation, il y a environ un mois, d'autant plus que le théâtre régional Kateb-Yacine était attendu au Festival national du théâtre professionnel dont le lancement a eu lieu hier à Alger. Toutefois, on apprend que le nouveau directeur a refusé que la pièce El Haraz de Mohamed Cherchali, que Fouzia a montée, représente le théâtre de Tizi Ouzou en compétition au festival national… !?Beaucoup s'interrogent sur le devenir du théâtre dans la wilaya de Tizi Ouzou avec le départ de Fouzia Aït El Hadj de la tête du théâtre qui porte le nom de l'immense Kateb Yacine. La wilaya de Tizi Ouzou reste aujourd'hui dans l'expectative et attend pour voir si le théâtre sera géré et dirigé par des hommes de théâtre ou bien les pouvoirs publics le risque de s'immiscer dans la gestion, avec tous les risques bureaucratiques qui guetteraient l'activité théâtrale. Surtout que la socialisation de la culture et la reconquête du public qui a abandonné le quatrième art depuis des années, ne peuvent être une mission exclusive de l'Etat, les professionnels étant les meilleures solutions pour son développement réel. Un avenir proche nous dira si l'espoir de voir le théâtre remonter la pente dans la wilaya de Tizi Ouzou était éphémère.
