Au moment où une mission d'observation de l'ONU a confirmé que l'avion qui avait abattu le 20 avril dernier un drone géorgien au-dessus de l'Abkhazie appartenait bien à l'armée russe, les chefs de la diplomatie de l'Union européenne ont donné carte blanche pour le lancement de négociations sur un futur partenariat stratégique avec Moscou. Devant débuter fin juin 2008, lors du prochain sommet UE-Russie, ces pourparlers aboutiraient d'ici l'an prochain à un pacte élargi qui remplacerait celui en vigueur depuis 1997. Ceci explique-t-il le fait que les deux partenaires sont à présent plus «conscients» qu'il est vital d'aller de l'avant, à un rythme plus soutenu, pour sceller leur rapprochement ? Pourtant, les Vingt-sept ont déployé d'intenses efforts pour parvenir à cette «fin». Il faut dire que les obstacles ont été nombreux sur le chemin d'une alliance plus solide entre les deux blocs. Si ce n'était le contentieux entre la Russie et la Pologne sur les exportations de viande, le chemin conduisant vers l'ouverture de ces négociations aurait été plus praticable. Sauf que d'autres écueils ont solidifié la glace sur les deux côtés de la frontière. Citons la Lituanie qui a maintenu un blocage constant jusqu'à ce que Moscou change d'attitude et améliore ses relations envers ses voisins, la Moldavie et la Géorgie. Vilnius a fini par retirer son veto la semaine dernière après que l'Union européenne eut inscrit ses exigences. Suite au récent rapport rendu par les observateurs des Nations unies à propos de la «guerre du ciel» que se livrent Tbilissi et Moscou, des voix s'élèveront-elles pour remettre en question les pourparlers Russie-UE à peine amorcés ? D'éventuels reports sont peu envisageables vu l'importance des leviers que le gouvernement Medvedev tient en main. En ces temps de hausses record des prix du pétrole et du gaz et d'inquiétudes sur les réserves, Moscou peut rouler son carrosse. Devant la plupart des pays européens qui sont dans l'obligation de resserrer les liens avec l'ex-URSS s'ils veulent régler les actuels contentieux sur l'approvisionnement énergétique. Et surtout faire en sorte d'en éviter de nouveaux dans le cas où la Russie déciderait de réduire le débit. Les autorités moscovites n'hésiteraient-elles pas à aller jusqu'à fermer les vannes si certains pays européens s'aventuraient dorénavant à parler le même langage que leur allié outre-Atlantique et évoquer à tout bout de champ la question des droits de l'Homme ? Les termes d'un accord de partenariat stratégique doivent d'emblée être clairs comme l'eau de la mer de Barents. On ne traite que d'égal à égal, prévient le Kremlin qui a fait des pieds et des mains pour «sauver l'honneur» de Belgrade à la veille de la proclamation unilatérale de l'indépendance du Kosovo. Ce qui a fait dire au chef de la diplomatie polonaise, Radoslaw Sikorski, que les pourparlers seraient longs et difficiles. Du fait de la complexité des dossiers mais également en raison de la position de force dont jouit la Russie qui n'est plus ce géant aux pieds d'argile, Vladimir Poutine ayant consacré ses deux mandats à la réhabilitation de l'image de son pays à l'étranger. Son successeur se laissera-t-il convaincre plus facilement par les 27 d'ouvrir le vaste secteur énergétique russe aux investisseurs de l'Europe occidentale ? Ce, au moment où, du côté de l'Amérique latine en général et du côté de Caracas en particulier, l'heure est aux nationalisations en chaîne, histoire ne pas tomber dans le puits du «néo-colonialisme» et afin de contrer l'hégémonie des Etats-Unis. Si prudent au Kremlin, l'œil de Moscou veillera nuit et jour sur les frontières de la Russie où l'extension de l'Alliance Atlantique Nord vers les vieilles républiques soviétiques n'est plus la bienvenue. Aussi, le bouclier antimissile US n'arrive toujours pas à trouver en Europe un terrain à sa démesure. Stratégique ou non, tout partenariat doit se faire respecter par les voies du multilatéralisme. A. D.