Depuis qu'il a accédé à sa présidence, Jean-Pierre Chevènement affiche clairement sa volonté de dynamiser les activités et le rôle de l'Association d'amitié France-Algérie par la prise d'initiatives novatrices à même de contribuer utilement au développement des relations multiformes entre les deux pays. Le colloque «L'Algérie et la France au XXIe siècle», tenue tout au long de la journée de samedi à l'Assemblée nationale française, s'inscrit dans cette perspective.L'initiative a reçu un écho favorable au regard de la participation de plus de 300 personnes et des personnalités qui ont marqué de leur présence : trois anciens Premiers ministres (Edith Cresson, Jean-Pierre Raffarin, Sid-Ahmed Ghozali), des ministres (Chérif Rahmani) ou ex-ministres, les ambassadeurs des deux pays et trois anciens ambassadeurs français, des intellectuels (Régis Debray et Malek Chebel), des chefs d'entreprise comme Rebrab, des parlementaires, des romanciers (Rachid Boudjedra et Boualem Sensal), etc. Un très large panel pour un programme incluant tous les thèmes des relations algéro-françaises avec l'objectif de cerner les problèmes et avancer des idées et des projets pour tirer vers le haut la coopération entre Alger et Paris. La richesse de ce colloque est telle qu'un compte rendu de presse ne peut être que sélectif, partiel. Les six thèmes abordés et les huit sous-thèmes méritent l'attention avec leur floraison d'idées dont devraient s'accaparer les pouvoirs politiques. Politiques ont été les interventions de l'ancien Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, et de l'ex-chef de la diplomatie algérienne, Lakhdar Brahimi, sur «Quelle géopolitique dans la globalisation ?»Pour M. Raffarin, «les relations algéro-françaises ont besoin d'une vision stratégique dans un monde en grande mutation que caractérise le déplacement de la croissance de l'Occident vers les pays émergents, qui modifie le rapport de force, l'émergence de ces pays continents», avec, en plus, leurs atouts financiers et «le retour des Etats» pour sauver un capitalisme en crise. C'est à partir de ces trois paramètres que le Monsieur Algérie du président Sarkozy installe les relations algéro-françaises dans sa vision stratégique en partant de ce postulat : «L'Algérie est l'un des pays les plus pertinents du XXIe siècle en raison de son formidable potentiel de croissance, et avec lequel la France peut travailler dans le cadre d'une coopération multiforme.» «Avec sa volonté politique, ce pays peut créer aujourd'hui une dynamique de croissance forte.» M. Raffarin évoque aussi les nombreuses opportunités d'investissements porteuses de valeur ajoutée. Il cite l'industrie automobile avec le projet Renault et les grandes possibilités qu'offre la construction d'une industrie pétrochimique, en soulignant qu'«il est dommage que ce grand pays n'ait pas aujourd'hui d'industrie de transformation qui crée de la valeur ajoutée et, pour lequel, des groupes français peuvent être des partenaires».M. Raffarin relève que, outre son fort potentiel de croissance, l'Algérie a un autre atout. «L'Algérie a une position intercontinentale stratégique Euro-Afrique. Quand je vois les pôles s'organiser, l'Euro-Afrique est un espace géopolitique qui doit participer à la politique du monde. Dans ce cadre, l'Algérie peut être le pivot, le centre de gravité. Avec sa capacité d'appartenir à plusieurs réseaux, au Nord de l'Afrique, au Sud de l'Europe et dans le Monde arabe, elle aura des atouts considérables, le jour où elle décidera de les jouer simultanément. La France et l'Algérie sont placées pour travailler dans cette perspective», dira-t-il. Pour l'orateur, il y a trois conditions pour la réussite du bilatéral comme pour la stratégie régionale : faire preuve de respect, agir de manière pragmatique et avoir une vision opérationnelle.Lakhdar Brahimi a choisi, lui, d'aborder «le concret, voir s'il y a des domaines où la coopération (internationale) algéro-française peut être féconde». Il commence par le Sahara occidental, soulignant que «la question du Sahara occidental est à l'ONU où la France occupe un siège au Conseil de sécurité. Les Etats-Unis essaient d'être assez ouverts et indépendants pour trouver une solution politique. La France a choisi le Maroc. Ce faisant, elle ne rend même pas vraiment service au Maroc. C'est un sujet où, malgré tout, il y a l'espace pour un dialogue ouvert».Concernant la Libye, M. Brahimi souhaite que pour la reconstruction de ce pays, «l'Algérie, la Tunisie et l'Egypte, voisins directs de la Libye, puissent engager une coopération active avec l'Europe, et notamment la France». Sur la question nucléaire iranienne, M. Brahimi se demande si «l'Algérie ne pourrait pas aider à engager un dialogue plus constructif avec l'Iran». Pour la Syrie, il estime qu'il peut y avoir «un terrain favorable à une action commune entre la France et l'Algérie, du moins une concertation active pour aider les Syriens à sortir de la grave situation dans laquelle ils se trouvent». Quant au conflit israélo-palestinien, il suggère «un dialogue franco-algérien ambitieux, qui pourrait formuler de nouvelles idées susceptibles de favoriser une paix réelle en Palestine». A ce propos, sa griffe à l'encontre de Tony Blair, représentant du Quartet, est acerbe : «M. Blair fait des affaires pour s'enrichir, plutôt que de militer pour la paix.»En conclusion du colloque, J. P. Chevènement exprimera sa satisfaction des travaux de la journée. «Cette rencontre montre qu'il existe quelque chose de puissant, d'indéfinissable mais de palpable, que j'appellerai ‘‘l'identité franco-algérienne'' qui transcende nos appartenances nationales», dira-t-il.