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Warda ne chantera plus l'Algérie !
La Soukahrassienne de Paris a conquis l'Egypte pour rayonner sur la chanson arabe
Publié dans La Tribune le 18 - 05 - 2012


Photo : Riad
Par Noureddine Khelassi
Elle ne chantera plus son amour indéfectible pour son pays. Elle ne chantera plus l'amour. Le sien, pluriel. Elle ne chantera plus, tout court. Elle était née sous le signe du Cancer, mais c'est un arrêt cardiaque qui lui aura été fatal. A 72 ans, son cœur l'a lâchée au Caire où son astre artistique a longtemps scintillé dans le ciel étoilé de la chanson arabe, à accents égyptiens. Warda El Djazaïria ne chantera plus l'Algérie, le 5 juillet prochain. Sa voix puissante, chaude, profonde et mélancolique, qui donne le spleen tout en chassant le blues, résonnera fortement mais manquera cruellement, en live, lorsque son pays célébrera le cinquantenaire de son indépendance. Sa dernière profession d'amour, fut, paradoxalement, un spot publicitaire pour un opérateur de téléphonie mobile, dont le nom évoque ce que Warda fut dans sa vie d'artiste. La vidéo, chant fugace dans un parcours d'un demi-siècle de chansons, porte un titre comme un défi, comme un testament, comme un espoir de jours algériens qui chantent. «Mazalna waqfine», nous sommes encore debout, nous Algériens, psalmodie patriotique de Warda, a été mise en scène dans le décor champêtre de Tipaza. Vêtue d'une robe blanche, ornée de roses rouges et vertes, les trois couleurs du drapeau algérien, l'Oum Kalsoum algérienne dit que «sa voix crie je t'aime mon pays».
Warda, c'est l'amour, bien sûr. C'est avant tout l'amour de son pays, chanté dans l'exil, avec la voix d'une enfant de onze ans. C'était en 1951, à Puteaux, dans les Hauts-de-Seine où elle est née le 22 juillet 1940, d'une mère libanaise et d'un père de la famille Ftouki, issue de la grande tribu des Némenchas, dans la région de SoukAhras. Et c'est déjà cette mère mélomane qui lui enseignera tôt l'art de la vocalise et l'initiera à la magie du tarab, le chant de l'extase arabe. Voix rare et talent précoce s'exprimeront alors très vite au Tam-tam, club musical de Saint-Michel dans le Quartier latin parisien, propriété de son père et creuset du nationalisme maghrébin. Entre rue de La Harpe et rue de La Huchette, les Algériens de France et les artistes arabes de passage à Paris, comme Farid El Atrache, seront séduits par la gamine au doux regard qui reprenait, avec brio, des titres phares d'Oum Kalsoum, Mohamed Abdelwahab, Abdelhalim Hafez et Leila Mourad. Elle les impressionnera aussi par la fougue qu'elle mettait à chanter le pays de son père et à exalter déjà le nationalisme algérien. Il est vrai que ce père, nationaliste algérien et maghrébin, convaincu de la première heure et nourri aux valeurs de l'Etoile Nord-africaine, avait baptisé son établissement le Tam-tam, en référence à l'instrument de percussion mais surtout à la Tunisie, l'Algérie et le Maroc dont il avait emprunté les premières lettres des noms. En 1958, Le Destour tunisien, le FLN algérien et l'Istiqlal marocain se retrouveront à Tanger, pour le premier sommet d'un Maghreb rêvé par les nationalistes des trois pays. Warda l'artiste, est née donc ans cette atmosphère où le nationalisme, l'amour et la convivialité étaient chaque soir à la fête. Et c'est au Tam-tam que lui sera donné le nom artistique de Warda El Djazaïria. Warda l'Algérienne, la petite rose bourgeonnante de la chanson. Sous la houlette de son père, de son frère Messaoud et de sa sœur Nadia, elle se fait connaître rapidement pour ses chansons patriotiques, dont la sublime «Ya émrawwah léblad sallamli âlihoum», où l'amour et la nostalgie de l'Algérie étaient servis par une voix jeune mais déjà épanouie. Puis se sera des tournées dans le monde arabe où elle engrange des recettes pour le FLN combattant et fit beaucoup pour la notoriété de la cause algérienne bien avant les footballeurs de la célèbre équipe du FLN. Cet activisme artistique, expression d'un engagement militant, lui vaudra de quitter Paris pour Rabat, ensuite pour Beyrouth. Jusqu'à la libération de l'Algérie. Avant d'y être, elle avait déjà chanté ses propres chansons, sur des airs du compositeur tunisien Sadeq Thuraya, qui a favorisé son autonomie artistique et lancé sa jeune carrière.

L'amour des ancêtres, l'amour d'un homme
Au lendemain même de l'Indépendance, elle rentre au pays. Elle rencontre en même temps que l'amour des ancêtres retrouvé, la passion amoureuse pour le premier homme de sa vie. Il s'agit de M. Kessri, alias Nehru, un grand «Malgache», bras-droit de Abdelhafid Boussouf, patron du MALG, outil de renseignement de la Révolution algérienne et ancêtre des services secrets de l'Algérie indépendante. Elle quitte ainsi la scène artistique pour le cocon d'une vie familiale et le bonheur d'une mère d'un garçon et d'une fille. Jusqu'en 1972. C'est alors que le président Houari Boumediene lui-même et un certain Abdelaziz Bouteflika lui demandent de revenir à la chanson, à l'occasion de la célébration des noces d'étain de l'indépendance algérienne. Et alors qu'elle était tenue par un pacte signé avec Nehru, qui avait exigé d'elle de ne plus chanter en public, elle accède à la demande pressante du chef de l'Algérie socialiste et retrouve le bonheur de la scène. Et ce fut grandiose. Cette année, à la salle Atlas, devant Boumediene, elle chante une magnifique ode d'amour patriotique de Salah Kherfi, intitulé «Ad'oûka ya Amalia Wa ahtifou mine baïd», je t'implore ô mon espoir, de loin je te supplie. A l'occasion, l'amour du pays rencontre celui d'un autre homme, un grand artiste, l'Egyptien Baligh Hamdi, qui a composé le poème de l'Algérien Salah Kherfi. Le divorce avec Nehru était déjà consommé, le «malgache» ayant coupé le lien conjugal lorsque Warda avait elle-même rompu l'engagement de ne plus chanter. Boumediene et l'envie irrépressible de retrouver l'univers du chant y furent beaucoup pour quelque chose. Retour donc à la case de départ artistique et nouvel élan dans la vie sentimentale avec un homme qui lui composera de très belles chansons d'amour dans un répertoire exceptionnel de plus de 300 titres. Elle quitte aussi Alger pour Le Caire.
Dans la capitale d'Oum Eddounia, l'Egypte, mère de l'univers artistique, sa voix d'or croisera aussi d'autres compositeurs au talent encore plus affirmé que celui de Baligh Hamdi. Ce sera alors la rencontre avec Riad Essoumbati, Sayed Mekkaoui et, surtout, l'immense Mohamed Abdelwahab, pharaon de la chanson arabe et maestro des compositeurs orientaux. Le monde arabe, charmé par cette voix venue d'Algérie, via la France, tenait avec Warda, celle qui pouvait devenir la seconde Oum Kalsoum, à défaut de la supplanter sur scène et dans les cœurs. Les Arabes chanteront alors avec Warda, entre autres, «Aho da el kalam», l'émouvante «ahibbak fouq matéttssawwar», «Ichtirini», «Ya leïl tawwèl», «Ya Khossara», «Ya sidi», «Ahdono el ayyam», «Hikayti mâa ezzaman», «Loula él malama», «Ya gharib», qui révèlera le profond humanisme de la chanteuse. Et encore, «El oûyoune essoud», «Harramt ahibbak», «Fi youm oulila», «Batwannass bik», «Dandana», «Khallik hina» et bien d'autres morceaux encore, toujours dans les oreilles et dans les cœurs.

L'amour sublimé, l'amour magnifié
Si elle a sublimé l'amour comme Oum Kalsoum, Leïla Mourad, Assmahan, Faïrouz, Faïza Ahmed et Chadia l'ont magnifié, chacune dans son registre propre, Warda y ajouta sa voix sublime et ses chansons comme autant de roses dans le jardin embaumé de la chanson d'amour arabe. Mais la rose algérienne de la chanson arabe fut surtout la chanteuse de l'amour patriotique algérien, comme Oum Kalsoum le fut pour son Egypte bien-aimée. Si elle a chanté aussi «Aïd el Karama», devant le président Chadli Bendjedid, Warda
El Djazaïria résuma son amour pour l'Algérie, mieux que tout un répertoire, en trois chansons. Qui sont autant de dates et de déclarations d'amour révélé, renouvelé et à jamais clamé sur tous les tons. Ce triptyque amoureux, c'est «Ya émrawwah léblad», «Ad'oûka ya amali» et «Mazalna waqfine». Le patriotisme de Warda et son profond amour pour l'Algérie, sont presque à fleur de peau. Même quand il s'agissait de football, et que l'honneur de son pays était souillé par un chauvinisme égyptien déferlant, dégoulinant de bêtise nationaliste et débordant de xénophobie imbécile. Par exemple, dans un palace du Caire, en marge d'un banquet, le 6 mai 2010, en l'honneur d'hommes d'affaires arabes, elle fustige avec beaucoup de dignité l'hystérique campagne médiatique contre l'Algérie. C'était à la suite du match d'appui au Soudan qui avait expédié l'Algérie en Afrique du Sud et l'Egypte dans l'enfer de la déception.
Le patriotisme de Warda, c'est aussi ce rapport tout en retenue et en sobriété qu'elle avait à l'argent. Qui fait que la diva de la chanson arabe, n'ait jamais exigé de cachet à l'Algérie et réglait souvent elle-même les frais de ses musiciens et autres compositeurs. Warda, c'était l'élégance, le raffinement, le bon goût des choses, le goût des Autres, l'œcuménisme culturel, la polyvalence linguistique, l'intelligence et la finesse d'esprit. Elle n'hésitait pas à donner leur chance à de jeunes et talentueux compositeurs, comme le Libanais Marwane Khoury, l'Egyptien Walid Saïd ou le Tunisien Saber Rebaï. Ainsi de son dernier album «Amal» avec Marwane Khoury, diffusé en boucle sur Radio Rotana Delta. Il en est de même avec le compositeur Salah El Sharnoubi, l'auteur lyrique Omar Batiécha et le musicien Tareq Akef, une association de talents arabes qui a donné naissance à trois de ses albums ayant reçu la récompense du «meilleur album de l'année» en Egypte, en 1991, 1992 et 1994.

Warda, Paul Eluard et Jean Ferrat
Warda savait surmonter les barrières linguistiques et artistiques. Avec une grâce et une légèreté qui lui ont permis de chanter Jacques Prévert, par exemple, avec Les feuilles mortes, chantée en français et en duo avec le grand Yves Montand. Et c'est encore des duos avec Georges Moustaki et Michel Fugain, quand en arabe, elle ne chantait pas des titres qui ont fait la gloire de Saliha la Tunisienne, comme avec «mène frag ghozali». Warda, qui n'a jamais fait de la politique, savait s'en mêler dès qu'il était question de l'Algérie ou des peuples arabes. Trois mois avant son envol pour l'Eden des artistes comblés, elle avait adressé une philippique aux dirigeants de la chaîne Al Jazira, critiquant sévèrement leur couverture du Printemps arabe. «Vous avez tué des milliers de libyens et vous continuez à faucher un grand nombre d'innocents en Syrie […]. Si vos maîtres touchent leur salaire du pétrole, vous percevez le vôtre du sang arabe parce que vous êtes des marionnettes dans leurs mains sales […] ; et plus vous lancez des fatwas et faites perdre la vie aux gens, plus vous êtes payés», a-t-elle notamment écrit. A la suite de Paul Eluard, Warda pouvait dire «j'ai vécu comme une ombre, et pourtant j'ai su chanter le soleil». Pour elle, comme le chantait Jean Ferrat, c'était «pouvoir encore regarder, pouvoir encore écouter, et surtout pouvoir chanter, c'est beau, que c'est beau la vie.» La vie de Warda, malgré les douleurs personnelles, celles du cœur et du corps perclus de maux divers, au crépuscule de sa vie, fut belle, très belle. Au service du bonheur des Autres. Comme dans la chanson Ya gharib où elle «chante pour la cordialité, la tolérance, les déprivés et les accablés, les perdus de la vie, les perplexes, pour faire patienter leurs cœurs». Avec sa voix, dans laquelle il y avait l'odeur du cèdre du Liban de sa mère et le parfum de thym et d'armoise du Souk-Ahras natal de son père, Warda a su chanter le soleil et enchanter des millions de cœurs dans le monde arabe. «Puisque tu sais chanter ami, tu sais (donc) pleurer», disait Alfred de Musset. Elle a chanté pour nous, et nous la pleurons aujourd'hui. Comme les siens de Souk-Ahras où elle n'a jamais vu le soleil se lever ou se coucher. Car, de son propre aveu, elle ne s'y est jamais rendue. Mais là-bas, à Alger, ailleurs dans le pays, comme partout dans le monde arabe, Warda chante encore «Rahalla ya ômri rahalla». Errante, partout errante, ma vie durant. Surtout entre Alger, Paris et le Caire, triangle de sa vie artistique et de notre bonheur de mélomanes. Warda, désormais une rose au paradis. Madame, merci.


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