Face à un public venu nombreux, le documentaire événement El Gusto, de la réalisatrice algéro-irlandaise Safinez Bousbia, a été projeté vendredi dernier à la salle Cosmos de Riadh El Feth donnant ainsi l'occasion à de nombreux algérois de découvrir cette œuvre qui a fait couler beaucoup d'encre. Tout a commencé par une histoire de miroir qui a séduit le regard de la réalisatrice, l'attirant ainsi vers une petite échoppe des ruelles de la Casbah la conduisant ainsi vers une rencontre qui l'a bouleversée à tout jamais. En effet, c'est en acquérant ce petit objet chez un artisan miroitier que Safinez découvre que ce vieil homme assis face à elle n'est autre que l'ancien chef d'orchestre du cardinal Mohamed-El hadj Al Anka. Musicien-accordéoniste, Mohamed El Ferkiou, et de confidence en confidence, fait part à la réalisatrice de son passé glorieux au sein de l'élite de la musique Châabi. À travers son récit teinté de nostalgie, El Ferkiou laisse transparaitre aux yeux de Safinez un Alger dont elle n'aurait jamais soupçonné l'existence, là où, il y a un demi siècle de cela, la musique châabi a réussi à réunir autour d'une seule passion des musiciens natifs de la Casbah et des Pieds-Noirs de confession juive. Entouré de vieilles photographies et d'affiches de galas de l'époque, Ferkiou raconte à la réalisatrice ce fabuleux chapitre de sa vie. Touché par son récit, Safinez, comme par illumination est prise d'une folle idée, celle de réunir les musiciens de cet orchestre plus de 50 ans après leur séparation. S'appuyant sur les témoignages d'anciens musiciens ayant fait partie de cet orchestre, la réalisatrice, grâce aux anciens élèves du cardinal reconstituera, pour les spectateurs, l'histoire de l'évolution de la musique châabi et sa place au sein de la société Casbadji. Déterminée à réunir ces hommes séparés, aujourd'hui vieux et malades pour certains, éparpillés sur les deux rives de la Méditerranée, sa recherche durera au total deux ans pour reconstituer enfin cet orchestre rebaptisé El Gusto. Les musiciens évoqueront aussi la Guerre de libération et leurs contribution à la Révolution tout en se remémorant le départ douloureux de leurs «amis» Pieds-Noirs avec lesquels ils ont partagé une passion, le châabi. René, Robert Castel, Mohamed El Bernaoui, Abdelkader Chercham et tant d'autres se retrouveront ainsi en France 50 ans après leur séparation pour redonner vie à leur orchestre, et c'est le début d'une fabuleuse histoire. El Gusto se produira par la suite au théâtre de l'Olympia ainsi qu'au Zenith de Paris sous la direction d'El Hadi El Anka, fils du cardinal. El Gusto enregistra par la suite deux albums avant de se produire sur de nombreuses scènes au niveau international. Techniquement parlant, le documentaire est très beau et montre Alger sous son meilleur visage, où l'on découvre les ruelles étroites de la Casbah. Alger est filmé d'en haut et de la mer. Pour l'instant, l'orchestre n'attend qu'une simple invitation pour venir en Algérie. «Nous avons déposé des demandes et des dossiers partout où il est possible d'en déposer», affirme la réalisatrice. Produit par Quidam Production et distribué en Algérie par Cirta Film, El Gusto est à l'affiche de la salle Cosmos durant tout le mois de Ramadhan. W. S.