«L'équipe d'Algérie est capable de créer la surprise, mais il ne faut pas exiger d'elle de passer au 2e tour» L'ex-sélectionneur français, Aimé Jacquet, qui a gagné l'unique Coupe du monde avec l'Equipe de France en 1998, nous a accordé une interview dans laquelle il n'a pas manqué de parler des critiques que subit l'actuel entraîneur des Bleus, Raymond Domenech, lui qui a déjà vécu cette situation dans les années 90. Il nous livre aussi ses impressions sur la participation de l'équipe d'Algérie au Mondial sud-africain, après un demi-siècle d'absence. Tout d'abord, quel commentaire faites-vous sur la liste des 23 Français qui se distingue par l'absence de Benzema, Nasri et Ben Arfa ? Je ne commente jamais les choix de l'entraîneur Domenech, car je sais qu'il est difficile pour n'importe quel entraîneur de faire des choix. Le sélectionneur élabore sa liste sur des bases professionnelles. En fait, il choisit les joueurs selon sa stratégie. Je soutiens les choix de Domenech, puisque j'ai déjà vécu pareille expérience. Vous faites allusion aux critiques que vous avez essuyées lors du Mondial 98, après avoir écarté Cantona et Ginola… Je dois d'abord préciser que j'en ai été victime en 95 après avoir choisi la liste des joueurs, non pas en 98. C'est tout à fait différent de ce que vit l'actuel sélectionneur. Mais je sais à quel point il est difficile de prendre de telles décisions et d'établir la liste des 23. C'est la mission la plus difficile pour un sélectionneur. Raison pour laquelle je soutiens Domenech dans ses choix. Quel commentaire faites-vous sur le rendement de l'équipe de France contre la Tunisie ? Je ne peux faire le moindre commentaire, pour la simple raison que je n'ai pas vu le match. Mais ça reste un bon test quand même avant le Mondial, n'est-ce pas ? Le stage, qui a été une réussite, a permis aux joueurs de se concentrer et retrouver leurs repères sur le terrain. C'est la phase la plus importante au cours de laquelle l'entraîneur peut mettre tous les joueurs dans les mêmes conditions de préparation. Parlons maintenant de l'EN d'Algérie qui a préféré se préparer à Crans-Montana. Que pensez-vous de ce choix ? C'est un choix judicieux. Le sélectionneur national a choisi de se préparer dans des conditions similaires à celles qu'il trouvera en Afrique du Sud. Je le soutiens donc dans son choix d'opter pour les hauteurs de la Suisse. Avez-vous suivi le dernier match de l'Algérie contre l'Irlande ? Malheureusement non. En fait, je n'ai pas vu les derniers matchs amicaux disputés par toutes les sélections qui iront au Mondial, pas seulement celui de l'Algérie contre l'Irlande. Etiez-vous en voyage ? Exact, je viens de rentrer en France, mais je ne suis plus l'actualité avec la même attention. Concernant la défaite de l'Algérie, je pense que ce n'est pas grave. On ne peut évaluer le niveau d'une équipe sur un match amical joué en fin de stage de préparation. L'entraîneur a aligné de nouveaux joueurs, en l'absence de plusieurs cadres de l'équipe blessés, ce qui a influé sur le rendement de l'équipe… C'est inquiétant, car les blessures nuisent à la stabilité du groupe. L'entraîneur ne peut donc travailler et préparer la Coupe du monde avec des joueurs blessés qui ne s'entraînent pas avec leurs camarades. Je vous assure que les blessures sont l'ennemi des entraîneurs. Meghni a été écarté pour cause de blessure justement ; que pensez-vous de l'absence de celui qu'on considère comme la relève de Zizou ? Je ne le connais pas, mais je l'ai vu jouer. Du moment que l'entraîneur l'a écarté, cela veut dire qu'il n'est pas prêt pour la compétition. Il ne peut pas se passer d'un joueur de sa trempe sans raison valable. Bien qu'il ait un poids dans l'équipe, la vie doit continuer sans lui, c'est cela le football. Il n'y a pas de joueur indispensable. Comment voyez-vous les chances de l'Algérie dans le groupe C ? Ce sera une mission très difficile pour l'Algérie dans un groupe relevé. Mais il faut toujours espérer, surtout si les Algériens font une belle entrée en matière. Mais il faut se préparer convenablement à ce rendez-vous. Mais l'équipe d'Algérie a montré de belles choses lors des éliminatoires ; est-elle capable de créer la surprise au Mondial ? J'ai suivi le parcours de la sélection d'Algérie qui a réalisé de belles choses, que ce soit sur le plan collectif ou individuel. Mais il faut exploiter tout ce temps pour se préparer et créer la surprise. Car le plus important, c'est d'être prêts à 100 % le jour du match. L'Algérie est capable de créer la surprise en Afrique du Sud. Affronter l'Angleterre, l'une des équipes favorites, stimulera davantage votre équipe. Dans ce genre de tournois, il y a une différence au niveau de la préparation d'un joueur à un autre. Il y aura des surprises, c'est certain. L'Algérie, qui a bénéficié de la nouvelle loi FIFA, a récupéré des joueurs formés en France ; qu'en pensez-vous ? C'est une décision sage et sert l'intérêt de l'Algérie qui a récupéré des joueurs formés dans les meilleurs centres de formation français. C'est une solution pour l'Algérie qui a pu récupérer des joueurs qui jouaient dans le haut niveau. Cette loi a permis à ces joueurs de choisir l'équipe de leur cœur. Votre dernière visite en Algérie avec l'Equipe de France-98 vous a permis certainement de voir à quel point les Algériens aiment leur sélection, n'est-ce pas ? Je n'étais pas surpris par cette ambiance et l'accueil des Algériens qui aiment le football, quand on sait que ce n'est pas ma première visite en Algérie. Je dois rappeler que je me suis rendu en Algérie plusieurs fois lorsque je jouais à Saint-Etienne avec mon ami Mekhloufi. Je dois dire que c'est toujours avec la même ferveur que les Algériens nous reçoivent. Etes-vous en contact avec Mekhloufi ? Absolument. Je suis toujours en contact avec lui, puisque je le considère comme mon maître. Il a beaucoup donné à Saint-Etienne et au football français en général. Je garde de bons souvenirs de lui. Si on vous propose un poste au niveau de la fédération pour contribuer au progrès du football algérien, l'accepteriez-vous ? Non, ma carrière sportive est terminée. J'ai tout donné au football et je veux à présent me reposer. Saâdane vit la même situation que vous avez vécue en 98 en essuyant des critiques sévères ; un commentaire ? Tous les entraîneurs sont exposés aux critiques. C'est normal, puisque c'est tout le monde qui se considère comme entraîneur dans ce pays (il rit). Mais il faut faire abstraction de tout ce qui se dit et travailler jusqu'à atteindre ses objectifs. Saâdane doit supporter la pression, car cela fait partie de son métier. Comment voyez-vous les chances de l'Equipe de France au Mondial ? La France reviendra en force et je la vois atteindre les quarts de finale. Au-delà, ce sera compliqué. Nous avons de bons joueurs et il faudra en cueillir les fruits un jour. C'est le même cas de l'Algérie qui est capable de créer la surprise. Elle a besoin de travail et de rigueur, cette équipe progressera, c'est certain. A votre avis, l'Algérie est-elle capable de passer au deuxième tour ? Absolument, l'Algérie possède une jeune équipe. Même s'il ne faut pas exiger d'elle de passer au 2e tour, elle est capable de créer la surprise. Quelles sont les chances des autres équipes africaines au Mondial ? Il y a la Côte d'Ivoire et le Cameroun qui sont capables d'aller loin. Il y a aussi le Ghana et le Nigeria que je ne connais pas bien, mais qui possèdent des joueurs qui évoluent dans les meilleures équipes européennes. Merci beaucoup monsieur Jacquet… Merci à vous et salutations à tous les Algériens.
