«Yebda, tes frères à Mekla te demandent de venir en EN» Lorsque Hassan Yebda étalait toute sa classe en Europe il y a quelques années, ils étaient peu d'Algériens à suivre ses performances tant c'était un jeune que peu de gens connaissaient à l'époque. Et pourtant, un petit plongeon dans les origines du charmant garçon nous renseigne qu'il est bel et bien des nôtres. Actuellement, il fait les beaux jours du club phare de la capitale portugaise, le célèbre Benfica Lisbonne, au moment où plusieurs autres formations françaises se mettent en ligne droite pour s'arracher ses services. Après l'intronisation de Rabah Saâdane à la tête de la sélection nationale et l'arrivée de Hadj Raouraoua aux commandes du sport roi national, la piste Yebda a été relancée de plus belle. Au tout début, ce contact butait sur plusieurs contraintes, plus particulièrement cette loi qui interdisait jusqu'à tout récemment à tout joueur ayant porté les couleurs d'une sélection nationale en jeunes d'aller enfiler, une fois senior, le maillot d'une autre EN, fût-elle celle de son pays d'origine. C'est bien le cas de Yebda et de ses deux autres compatriotes Meghni et Lacen. Raouraoua a fait de l'annulation de cette disposition son cheval de bataille dans les arcanes mondiales du football. L'on se souvient qu'au mois de juin dernier, le congrès de la FIFA tenu aux Bahamas a finalement entériné l'abrogation de cet article et qu'enfin notre équipe nationale et toute l'infrastructure qu'il y a derrière pouvaient passer du stade du souhait à celui de la démarche effective pour récupérer les enfants du pays. Parmi eux, Hassan Yebda bien sûr, l'enfant de la haute Kabylie. Originaire du village Taourirt Adene, dans la commune de Mekla, il pourra désormais défendre les couleurs de l'Algérie comme l'ont fait ses aînés avant lui. Yebda en équipe nationale de football, oui c'est possible. Hassan est un Kabyle de Mekla Taourirt Adene, le village dont est originaire Hassan Yebda, est la deuxième agglomération de la daïra de Mekla, après Djemaâ n'Saharidj, en nombre d'habitants. Le chef-lieu de Mekla est distant de 30 km de la ville de Tizi Ouzou. Les habitants de Mekla nous ouvrent leur cœur Dans le but d'en savoir davantage sur les origines de Yebda, nous nous sommes rendus dans son village, Taourirt Adene. Vingt minutes en voiture et nous voilà en plein centre de Mekla où nous attendait son beau-frère Nacer Kemal, cadre à l'Algérienne des Eaux et ancien édile municipal. C'est en sa compagnie que Hassan passait la majeure partie de son temps lorsqu'il est venu en vacances au mois de juin dernier. Il n'était pas le seul à nous attendre à notre arrivée. Il y avait aussi Brahim Yebda, le cousin de Hassan, qui ne sera pas avare de détails sur la famille Yebda et sur son digne fils en particulier. Première escale : le café de la ville On ne peut pas se pavaner là où Hassan aime à faire un détour lorsqu'il est de retour au patelin sans qu'on constate que les jeunes de la ville sont nombreux à chercher après les nouvelles de leur coqueluche parce que, ici, c'en est vraiment une. rs, il n'y a pas un qui ne fouine pas chaque matin dans notre journal en quête de chaque détail en rapport avec la carrière de joueur professionnel du jeune Hassan, surtout depuis qu'il est annoncé pour très bientôt dans les rangs de l'équipe nationale. Dans les cafés par exemple, des posters de différentes tailles du champion local sont accrochés partout sur les murs. L'arrivée du jeune Yebda dans les rangs de l'EN dans cette étape cruciale de qualifications à la Coupe du monde est vécue comme un événement historique ici à Mekla. «Il est d'accord pour venir. Il n'attendait que ça. Il aime beaucoup son pays. Il a à cœur de contribuer à la qualification de l'Algérie au prochain Mondial. Certes, au départ, il était bloqué par cette loi qui lui interdisait d'intégrer l'EN de son pays d'origine. Maintenant que les choses sont réglées dans le sens qu'il voulait, il se dit prêt à venir défendre les couleurs nationales. Il était assis là juste à côté en compagnie de son beau-frère lorsqu'il me l'a dit. Ce serait fantastique pour nous, gens de Mekla, de le voir enfin faire ses merveilles avec notre équipe nationale», nous déclarait avec ce brin de commentaire en plus le propriétaire du café. La joie était double dans le tout Mekla après Algérie-Egypte Le 7 juin 2009, une date qui restera gravée à jamais dans la mémoire collective nationale. Ce jour-là, les Verts ont battu l'Egypte à Blida et en y mettant la manière de surcroît. Pour les gens de Mekla, comme pour le reste des Algériens rs, ce match-là est historique tant il a ouvert grande la voie à la qualification au Mondial sud-africain. La joie était pour ainsi dire immense à Mekla et d'autant plus immense que quelques jours avant une première perspective s'ouvrait. Celle de voir Yebda venir enfin jouer pour l'Algérie. Hassan se trouvait à Mekla même lorsqu'il a appris cette nouvelle par le biais d'un proche, nous confie Nacer son beau-frère. Hassan était là, il a fait le tour de la ville Nous continuons le tour de la ville avec nos deux accompagnateurs. Nous faisons une halte dans un salon de coiffure pour hommes dont Hassan aime bien être l'hôte lorsqu'il est de retour au bled. Là, nous rencontrons Belaïd Bouziane qui nous raconte le jour où il l'a emmené pour la première fois au stade du village. Le môme avait à peine 11 ans. Certes, il aimait jouer au foot, mais ce jour-là, il avait pleuré tant le stade se trouvait très loin du village. Hassan est venu rencontrer Belaïd dernièrement et lui a dit la chose suivante : «Oui, c'est presque fait. Je serai bientôt en équipe nationale. Les choses s'accélèrent. C'est Da Nacer qui se chargera du reste. Il me transmettra les papiers nécessaires. J'aurai mon passeport algérien bientôt. Vive l'Algérie !» Juste à côté, un libraire, Hakim Bedrici, un habitant de Taourirt Adene. Une des occupations favorites de Hakim : passer en revue l'ensemble des titres de la presse nationale chaque matin. Il garde en archives tous les articles où le nom de Hassan apparaît. A chaque fois qu'un habitant de Mekla voyage en France, il lui transmet des plis et le charge de les faire parvenir à qui de droit. «Hassan vient souvent chez moi dans ma librairie faire une lecture sommaire des différents titres de presse. Dernièrement, il est venu passer un bon moment chez moi. C'est un fervent lecteur du Buteur. Il aime beaucoup votre journal. Vous parlez de lui depuis bien longtemps. A chaque fois, je lui garde des articles et je les lui envoie en France. Tout le village est fier de lui, Mekla, la Kabylie. Toute l'Algérie lui tend la main. Je suis sûr d'une chose : si tout est OK, il sera là face à la Zambie, c'est sûr», affirme ce libraire sur le ton de la satisfaction. Les Yebda, une digne famille de révolutionnaires La famille Yebda du village Taourirt Adene a payé un lourd tribut au colonialisme français. Plusieurs de ses membres sont tombés au champ d'honneur pendant la lutte de libération nationale. Le grand-père Mohand Yebda en fait partie. Les jeunes impatients de le retrouver A notre arrivée au village Taourirt Adene, nous avons eu le plaisir d'aller visiter le café maure du coin. Un lieu prisé par le père de Hassan. En fait, c'est ici qu'il passe le plus clair de son temps lorsqu'il est dans les parages. Il était 14 heures. Les jeunes auraient déserté les lieux le temps d'une sieste, nous disait le propriétaire. Ce dernier ne manquera pas de nous dire également que le jeune Yebda était là il y a quelques jours. Qu'il avait bien envie de se ressourcer au même endroit où son père aime à rester seul. Le jeune Hassan, toujours selon le tenancier du café, lui aurait déclaré : «Je ne suis pas venu pour jouer aux cartes. Je suis là tout simplement pour voir où mon père aime à se relaxer lorsqu'il n'est pas dans la maison familiale.» Il nous montre aussi la table préférée de Da M'barek, le père Yebda. Une table qui donne directement sur une forêt d'oliviers. Hassan honore bien les valeurs kabyles Ne dit-on pas que celui qui est Kabyle l'est dans le sang. Même s'il a vécu en France et qu'il joue actuellement au Portugal, le jeune Hassan n'en est pas moins imprégné des valeurs kabyles, transmises de génération en génération ici au bled des ancêtres. Les jeunes du village, ceux de sa génération, sont les premiers à avouer que lorsque Hassan est là, il n'hésite pas à faire don de son argent comme il l'a fait pour la mosquée qui avait laissé ouverte une caisse pour les souscriptions des villageois. Les jeunes de Taourirt sont convaincus qu'il aidera davantage les siens à l'avenir. Taourirt, le village des champions En plus de Hassan, qui reste l'idole des habitants de Taourirt Adene, on y retrouve les traces d'une autre gloire locale. Il a pour nom Malik Bouziane, un champion d'Europe de boxe dans la catégorie des poids coq. A ce duo de champions, vient s'ajouter Samir Abbar. Un enfant du patelin qui défend bien sa place au sein de l'équipe de football de l'US Créteil. L. A. Houria Yebda (sa tante) : «On est fiers de lui car il va porter le maillot national» * Pouvez-vous nous parler de votre neveu en quelques mots ? Que voulez-vous que je vous dise sur mon adoré Hassan, mon neveu. C'est un garçon calme depuis son enfance. Il est très respectueux. * Que gardez-vous de lui enfant ? Lorsqu'il venait en compagnie de ses parents dans la maison familiale au village, il avait toujours un ballon collé à ses pieds. Je me rappelle que lorsque les gens s'apprêtaient à faire la sieste durant les vacances d'été notamment, Hassan prenait son ballon et le tapait contre tous les murs de la maison. Ma mère que Dieu lui prête vie courait toujours derrière lui pour le rattraper. Elle demandait toujours autour d'elle d'arrêter son espiègle de petit-fils de peur qu'il ne détruise toute la demeure (rire). * Savez-vous Madame que votre neveu est proche d'intégrer l'EN algérienne ? Tout à fait. Nous sommes au courant qu'il pourra désormais jouer pour l'Algérie. Nous suivions les choses du début à la fin. C'est notre vœu le plus cher aussi. D'ailleurs, il était là, chez moi, lorsqu'on a appris cette bonne nouvelle. On était tous contents pour lui. * Comment a-t-il réagi à son niveau en apprenant cette nouvelle ? Hassan aime beaucoup l'Algérie et c'est tout naturellement qu'il a sauté de joie en prenant connaissance que les choses étaient enfin réglées pour lui. Toute la famille est fière de lui. Il va porter les couleurs nationales, c'est immense. Entretien réalisé par Lyès A. Yebda ne dira pas oui à l'Algérie avant d'avoir changé de club Depuis que la FIFA a décidé de donner la chance aux binationaux de plus de 21 ans de changer de sélection, Hassan Yebda ne s'est adressé à la presse algérienne qu'à deux reprises et il l'a fait au Buteur. Nos lecteurs ont sans doute remarqué qu'à aucun moment Yebda n'a dit clairement qu'il était partant pour jouer avec les Verts alors qu'il avait accepté volontiers de se déplacer au consulat d'Algérie à Paris pour se faire établir un passeport algérien. Ce n'est pourtant pas une contradiction. Yebda veut effectivement jouer pour l'Algérie et il n'attend que le moment de revêtir le maillot de l'équipe nationale, mais il ne veut pas le dire publiquement. Pourquoi ? Pour la simple raison que le joueur de Benfica, qui est actuellement en contact avec plusieurs clubs dont Everton, ne veut pas que sa participation plus que probable à la prochaine Coupe d'Afrique des nations en Angola ne bloque les clubs intéressés, notamment ceux anglais. Comme tout le monde le sait, en Angleterre, le championnat n'observe pas de trêve et les joueurs africains s'absentent souvent pendant un mois pour aller jouer la CAN, ce qui porte préjudice aux clubs employeurs. Yebda préfère donc signer dans son nouveau club avant de déclarer publiquement qu'il a choisi l'Algérie. De plus en plus proche d'Everton Après une excellente saison au Benfica, Hassan Yebda intéresse plusieurs formations huppées en France, en Italie et en Angleterre. La première équipe à s'être intéressée à lui c'est l'Inter et son entraîneur portugais José Mourinho qui a supervisé le joueur algérien à plusieurs reprises. Deux clubs français ont pris le relais, l'Olympique Lyonnais et les Girondins de Bordeaux. Mais le seul club qui est allé au bout de ses intentions en faisant une offre officielle au Benfica, c'est Everton. 3,5 millions d'euros ont été mis sur la table pour convaincre les responsables lisboètes de laisser partir leur milieu de terrain. Les négociations sont toujours en cours et les deux équipes pourraient probablement trouver un accord dans les jours à venir. Benfica fait monter les enchères Sous contrat avec Benfica jusqu'en 2012, Hassan Yebda n'a pas, pour ainsi dire, son destin en main. Le dernier mot revient donc aux dirigeants lisboètes qui ne semblent pas emballés par les 3,5 millions d'euros de leurs homologues d'Everton, sachant que ces derniers étaient prêts à donner plus pour le Belge Steven Defour et le Français Stéphane M'bia qui vient, lui, de signer à Marseille. L'agent du joueur, qui n'est autre que son frère Karim, refuse de polémiquer et déclare que jusqu'à preuve du contraire son frère est au Benfica. En tout cas, le quotidien Record est catégorique : Yebda y restera encore la saison prochaine.
