Distraire les supporters, c'est si simple ! On peut avoir été star nationale en Algérie et champion d'Afrique et vivre en Pologne. C'est le cas de Toufik Hakem, ancien gardien de but international de la sélection nationale de handball. C'était ce gardien volant des années 90, enfant de Béchar, qui écœurait à lui seul bien des défenses, que ce soit avec la sélection ou avec le MC Alger et qui avait terminé 5e meilleur gardien lors du championnat du monde de 1999. Aujourd'hui, il est «polonais». Le handball n'y est pas étranger, même si ce n'est pas la pratique de ce sport qui l'y a amené. Au début, une histoire d'amour lors d'un stage En fait, entre Hakem et la Pologne, c'est une histoire d'amour. L'amour d'une Polonaise qu'il a rencontrée au cours d'un stage de préparation en 2000. Elle était employée chez Youcef Naïm, l'organisateur algérien du stage. Les deux amoureux se sont mariés, mais le gardien de but a continué à jouer en Algérie en faisant des allers-retours au cours de l'année pour voir son épouse. Cela a duré jusqu'à ce que le MCA le prive de 12 millions de sa prime de signature, à cause d'un retard à la reprise. «J'étais bloqué par la neige en Pologne. Ce n'était pas juste qu'on me fasse une retenue de presque la moitié de ma prime de signature. Déjà, les handballeurs touchaient moins que les footballeurs. Je me rappelle que Tarek Lazizi, qui était mon ami, touchait comme prime de signature un montant équivalent au total de ce qu'on donnait aux handballeurs de club en salaires et primes.» Cela l'a décidé à mettre un terme à sa carrière, après les Jeux méditerranéens de 2002. Entraîneur des gardiens de but à Varsovie, Rotterdam puis Limoges Il s'est alors installé en Pologne où il a trouvé un poste peinard à l'ISTS local. «Mon travail était d'être un gardien de but lors des cours pratiques pour montrer la relation que doit avoir un gardien de but avec ses coéquipiers. C'était payé 300 euros, un bon salaire par rapport à ce que touchent beaucoup de Polonais.» Ce travail le fait remarquer par un club de Rotterdam qui le recrute comme entraîneur des gardiens de but. «J'ai passé une année pleine là-bas et je me suis fait un peu d'argent. D'ailleurs, cet argent m'a servi à acheter une maison à Varsovie que j'ai enregistrée au nom de mon premier garçon, Salim.» L'appel du terrain étant le plus fort, il est parti à Limoges pour y travailler, sans son épouse dont il a divorcé. «J'ai revu là-bas d'anciens coéquipiers en sélection et j'ai pu exercer le métier dans le domaine que j'aime et pour lequel j'ai fait 5 ans d'études à l'ISTS : le handball.» L'appel de son fils et une Polonaise musulmane l'ont fait retourner en Pologne L'histoire aurait pu en rester là, mais l'amour s'en est encore mêlé. Cette fois, c'est l'amour filial. «Mon fils me manquait terriblement. Lorsqu'il m'a dit qu'il avait besoin de ma présence à Varsovie, j'ai tout laissé tomber et je suis rentré. Un autre facteur a favorisé mon retour : j'ai rencontré une Polonaise qui était disposée à se marier avec moi, mais elle a insisté pour que ce soit un mariage... islamique. Vous ne pouvez pas savoir à quel point cela m'a fait du bien. Nous sommes partis en France où nous nous sommes mariés religieusement à la mosquée de Pontoise, puis nous nous sommes installés à Varsovie où nous nous sommes mariés civilement.» «Je parle 5 langues... plus le Kabyle !» L'un des rares avantages pour Hakem de sa longue carrière internationale est d'avoir visité pas moins de 132 pays. «Cela m'a permis de parler 5 langues : en plus de l'arabe et du français, je parle l'anglais, l'italien et le polonais. Plus même : je parle aussi le kabyle !» Bizarre pour un natif de Béchar, non ? Il nous en donne l'explication en riant : «Lorsque j'étais étudiant à l'ISTS, mes deux meilleurs amis étaient Sofiane Abbas et Redouane Aouachria, deux Algérois qui parlent très bien le kabyle. C'était plus que des amis, de véritables frères, si bien que j'ai fini par apprendre de nombreuses expressions en kabyle en les côtoyant.» Il nous en a cité quelques-unes sans faute, preuve que son exil en Pologne ne lui a pas fait perdre la mémoire. Oublieux, il ne l'est pas. La preuve : «J'ai donné deux prénoms à mon premier garçon : Salim Victor. C'est en hommage à Aouachria, qu'on surnommait Victor Hugo en sélection tellement il lisait bien le jeu. Quant à mon deuxième garçon, né de mon deuxième mariage, il se prénomme Tarek Sofiane Abbas, en hommage à Abbas. Lorsque j'avais débarqué à Alger à l'âge de 16 ans, beaucoup de gens au MCA m'ont aidé à m'intégrer. Cependant, les deux qui étaient mes inséparables et qui m'ont bien fait connaître Alger étaient Abbas et Aouachria. Je leur rends donc un hommage à ma manière.» «J'avais prévu que Tyton arrête le penalty contre la Grèce» Aujourd'hui, Hakem a une vie bien rangée. Il travaille comme manager dans une grande surface de restauration, est propriétaire de deux maisons et est en train d'en construire une grande «afin de regrouper mon ancienne et mon actuelle épouse et, ainsi, mes deux enfants car, en tant qu'Algérien, je garde l'esprit de famille et, en tant qu'ancien handballeur, je garde l'esprit du groupe.» Même à la retraite, il garde encore le regard et les réflexes du gardien de but. «Lorsque je regarde des matches, ma femme prend plusieurs fois ma main sur son visage, tellement je suis auteur parfois de réflexes comme si j'étais sur le terrain. Plus même : lors du match d'ouverture de l'Euro-2012 entre la Pologne et la Grèce, j'avais bien dit à mon épouse à l'avance que le gardien de but polonais remplaçant Tyton allait arrêter le penalty. Je sais, par expérience, qu'un remplaçant a la motivation de démontrer qu'il est meilleur que le titulaire. C'est ce qui fut fait.» Quand on est champion, c'est pour la vie. ---------------- Distraire les supporters, c'est si simple ! Faire des matchs de l'Euro une fête pour tous les supporters : tel est le leitmotiv de l'UEFA depuis de nombreuses années. A chaque phase finale, des actions sont imaginées et mises en place afin de faire participer les supporters des deux équipes antagonistes au succès du match et, surtout, tenter de les rapprocher pour qu'en définitive, ce ne soit qu'un match de football et non pas une bataille rangée. Ces actions sont simples et efficaces. Comme dirait l'autre, il suffisait juste d'y penser. Les téléspectateurs algériens ne les voient pas sur leur petit écran, mais elles n'en sont pas moins efficaces. La Fan Zone pour être au stade sans y être La première mesure a été de penser aux supporters –qui se comptent souvent par milliers- qui veulent assister à un match, mais n'ont pas de ticket d'entrée. Comment faire en sorte qu'ils vivent le match sans être sur le terrain. Plutôt que de recourir au classique écran géant sur une place publique, l'UEFA a trouvé mieux : aménager dans chaque ville hôte des matchs de l'Euro une Fan Zone, qui est un espace spacieux et fermé où on fait comme si on est au stade : les supporters de chaque équipe prennent un côté, ils suivent le match sur un écran géant avec commentaire en live, ils peuvent acheter les mêmes amuse-gueules, sandwiches et boissons que dans les stades et même une boutique officielle de maillots, écharpes, casquettes et autres produits dérivés est à leur disposition. Bref, on est au stade sans y être physiquement. Pour exemple, la Fan Zone de Varsovie a accueilli, lors du match Pologne-Russie du 12 juin dernier, pas moins de 106 000 supporters ! Le concept a connu un tel succès lors des précédentes éditions que la FIFA s'en est inspirée pour créer des espaces similaires lors des grands tournois qu'elle organise, à la seule différence sémantique qu'elle les nomme Fest Zone. La Ola n'a pas su remplacer la course du tifo La deuxième mesure consiste à créer une complicité entre les supporters des deux camps avant un match. En somme, trouver un moyen pour les associer et en faire des alliés, voire des «coéquipiers» afin de dépassionner le match qui va suivre. Pour l'Euro-2012, trois actions sont mises en pratique. La première est de diffuser la chanson officielle de l'Euro de chacune des sélections devant disputer le match, avec défilement des paroles sur les écrans du stade de manière à permettre à tout le monde, y compris aux supporters adverses, d'essayer de la chanter. La deuxième est de faire réaliser la fameuse Ola (la vague humaine) par tous les supporters réunis dans une sorte de concours entre les huit stades abritant les matches pour obtenir la Ola la plus spectaculaire. Cependant, force est de constater que cette action n'a pas eu le succès escompté pour une raison bien simple : elle est exécutée une demi-heure avant le coup d'envoi du match, alors que la majorité des supporters n'ont pas encore rejoint leurs sièges respectifs. Lors de l'Euro-2008, il y a eu une action qui avait obtenu un large succès : faire circuler le plus rapidement possible, par les supporters des deux équipes, un grand tifo avec chronométrage à l'appui. Dommage qu'elle n'a pas été reconduite dans cet Euro ! Le coup d'envoi donné par les supporters, une idée de génie ! Et puis, il y a cette troisième mesure, une idée de génie qui constitue le must du must de la participation des supporters à un match : faire donner le coup d'envoi officieux d'un match par le public. Qu'on se rassure : on ne fait pas descendre les supporters jusqu'au rond central. C'est plus simple : déclencher un compte à rebours. Ainsi, une fois les deux équipes prêtes à débuter le match, le speaker du stade demande au public en anglais de faire le compte à rebours comme indiqué sur les écrans. 10 ! 9 ! 8 ! 7 ! 6 ! 5 ! 4 ! 3 ! 2 ! 1 ! Après le 1, l'arbitre siffle le coup d'envoi du match. Les supporters ont ainsi l'impression symbolique d'avoir fait débuter le spectacle. En Algérie, les supporters sont agressifs faute d'animation Tout cela ne se voit pas à la télévision, mais ça crée un climat vraiment convivial et une ambiance festive, avant et après les matches. Il suffit de faire preuve d'un peu d'imagination pour occuper les supporters dans le bon sens. Pourquoi cela ne se fait-il pas en Algérie ? A force d'être livrés à eux-mêmes durant plusieurs heures, sans animation ni moyen de s'occuper, les supporters s'énervent et deviennent agressifs. Certes, il n'y a pas les mêmes infrastructures, mais nos responsables sont censés être dotés de cerveaux et peuvent donc réfléchir à des mesures efficaces en adéquation avec nos moyens. Quand on veut bien faire, on y arrive. Il suffit juste de remuer un peu ses neurones. ---------------- La talonnade de Madjer Un vrai Clasico ibérique Quand Cristiano Ronaldo va, tout va pour le Portugal. Et dans cet Euro, on peut dire que le capitaine de la Seleçao a redonné de l'oxygène à cette équipe. Mais de l'autre côté, il y aura malheureusement le tenant du titre européen et mondial en même temps. Ce ne sera pas facile, mais tout reste possible dans une demi-finale. Certes, l'Espagne part avec un ascendant psychologique historique, pour avoir battu le Portugal 16 fois pour seulement 6 défaites. En 299 minutes, seule l'Italie a pu tromper la vigilance de Casillas dans cet Euro. Mais le Portugal jouera sans pression, au contraire de l'Espagne qui aura le poids de la terre sur ses épaules. Ronaldo sait que si le Portugal gagne, ce sera un grand exploit, mais s'il perd, on dira que c'est logique, au vu de la forme époustouflante des Espagnols. Et c'est peut-être là que se fera la différence, dans la pression mentale que subissent Del Bosque et ses joueurs. La motivation est, certes, énorme quand on joue pour marquer l'histoire, comme c'est le cas de la Roja. Mais cela peut perturber la quiétude des joueurs. Il va leur falloir un mental d'acier inoxydable pour ne pas s'effondrer, comme ce fut le cas pour le Real et le Barça en demi-finale de la Champion's League. L'équipe du Portugal me semble assez équilibrée cette fois pour remporter ce Clasico entre Ibériques. Ils les ont tout de même battus 4-0 en novembre dernier, même en amical. Un point important chez les Portugais. Ronaldo se démarque de Nani et ses coéquipiers de par son statut de superstar. Mais le respect y est et cela se sent, quand ils s'effacent devant lui. L'union est une des clés majeures dans une équipe. Dans le jeu, l'on est persuadé que les Portugais auront très peu la possession du ballon, il va falloir le rentabiliser comme le ferait un commerçant intelligent avec très peu de moyens. Chaque ballon doit être précieux. Chaque attaque doit ressembler à la dernière chance du match. Tout le monde doit rester concentré sur son positionnement, les options qu'il a et celles qu'il offre à ses coéquipiers pour aider et porter le danger. Il en sera de même en défense. Tout dépendra aussi des choix de Paulo Bento : s'inspirer de Mourinho avec le Real et garder une prudence «bétonnée» derrière, ou laisser le génie et la technique du footballeur portugais affoler Del Bosque. L'audace, oui, mais pas trop face à la «Furia Roja» qui devient comme une science qu'on décortique dans les labos. Ce qui est un peu triste pour les Espagnols, c'est que même s'ils parviennent à gagner cet Euro, il y aura moins de sensation autour de leur exploit. Un peu comme si Nadal gagnait encore un Grand Chelem... Et pourtant, les Espagnols sont les plus forts partout ces dernières années.