«Halilhodzic est un entraîneur spécial, avec un caractère très spécial ! » «J'ai suivi le match Angleterre- Algérie. Il était d'un bon niveau» Emmanuel Adebayor a reçu Le Buteur à l'hôtel Golden Tulipe de Casablanca, mardi, où il a accepté de répondre à nos questions concernant le tirage au sort de la CAN et la présence du Togo ainsi que de l'Algérie dans le même groupe. Sans protocole, la star incontestée du football togolais a accédé à notre demande dès la première sollicitation, après nous avoir demandé de lui accorder un peu temps pour se reposer. Au moment de l'interview, on n'avait pas l'impression qu'il s'agissait d'un grand joueur ayant porté les couleurs des Galactiques du Real Madrid, le plus prestigieux club au monde. Pour lui, c'est un grand plaisir de s'adresser au public algérien. Appréciez l'interview... Comment se déroulent les préparatifs pour ce match amical face au Maroc ? Ça va. Ça se passe dans de très bonnes conditions. On se prépare comme il se doit pour ce match face au Maroc. Malgré son caractère amical, il est important pour nous parce qu'avec un tel match nous préparons la phase finale de la CAN. Tout l'effectif est là, il ne manque que deux ou trois joueurs. C'est un match important parce que le Maroc a presque le même style de jeu que vos deux adversaires de la CAN, à savoir l'Algérie et la Tunisie... Ah oui. Je pense que le staff technique et la fédération ont pris cette décision après le tirage, pour nous permettre de bien préparer nos deux matchs. L'Algérie et la Tunisie sont deux bonnes équipes. Je pense que le fait de jouer face au Maroc est une bonne chose, même si nous connaissons les joueurs algériens et tunisiens. L'Algérie et le Togo ont raté la CAN 2012. A votre avis, pourquoi deux grands ténors ont manqué ce rendez-vous ? Pour nous, c'était un peu difficile. On s'était bien préparés pour la CAN 2010. Je ne vous cache pas qu'on était allés en Angola pour jouer nos chances à fond et, pourquoi pas, décrocher le titre. On s'est retrouvés avec deux morts, après la fusillade du bus en Angola. Par la suite, beaucoup de joueurs ont décidé de prendre du recul après ce qui s'est passé. Mais comme on dit, il vaut mieux reculer pour mieux sauter. Maintenant, on prépare cette CAN pour réaliser de bons résultats. Sans doute visez-vous quelque chose pour cette CAN... Oui, bien sûr. On ira en Afrique du Sud pour défendre nos chances à fond. L'équipe du Togo est réputée parmi les meilleures. On a toujours eu une bonne équipe et de bons joueurs. Cette fois-ci, on va jouer pour atteindre un stade plus avancé dans la compétition, pour gagner le trophée. Vous allez jouer face à trois grands ténors du football africain, à savoir la Côte d'Ivoire, la Tunisie et l'Algérie, ce ne sera pas facile... Oui, je sais pertinemment que ce ne sera pas facile pour nous. On va affronter trois grandes équipes, mais permettez-moi de vous dire que ce sera aussi un très grand plaisir pour nous. On va livrer trois gros matchs de très haut niveau. Je sais que nous allons tout faire pour gagner. Ces matchs, c'est les meilleurs qui vont les remporter et je reste persuadé qu'à la fin les meilleurs seront les Togolais. Actuellement, il y a une volonté chez les joueurs, le staff technique et les responsables de la fédération pour réaliser de très bons résultats, et même le gouvernement est en train de nous aider. Affronter la Côte d'Ivoire en premier, ça ne vous dérange pas ? Non, pas du tout. Ce n'est pas un match décisif. Si on réalise un résultat positif, nous allons changer notre vision sur les autres matchs. Comme je vous l'ai dit, ce sont trois grands matchs que nous allons livrer. En Afrique, il est très important de savoir si on est dernier ou si on a avancé au classement. Gervinho a estimé aussi que la Côte d'Ivoire a tiré trois gros matchs durant le premier tour de la CAN... Oui, je suis du même avis. On va jouer trois gros matchs durant ce tournoi. Gervinho connaît bien le Togo et il me connaît parfaitement. D'aucuns ont prétendu que ce groupe est celui de la mort, moi je dis que c'est le groupe du football. C'est un groupe où tout peut arriver. On ne connaît pas les deux qui seront qualifiés en quart et les deux qui seront éliminés à l'issue du premier tour. Didier Six a déclaré qu'Adebayor est le leader de cette équipe, est-ce une lourde responsabilité ? Je suis le plus ancien dans cette équipe. Je porte les couleurs de la sélection depuis presque dix ans. C'est vrai, je suis le capitaine, mais ce n'est pas lourd à porter. Au contraire, je suis à la disposition de la sélection et de mes coéquipiers. Celui qui me demande un conseil, je le lui donne avec un grand plaisir. Ici, c'est comme une famille, on rigole bien, on se chamaille bien, on travaille aussi. Ce match face au Maroc, c'est un match de plus qui nous permettra d'être encore plus forts. Beaucoup de footballeurs africains ont eu des soucis avec leurs clubs à cause de la CAN. Avez-vous eu ce problème ? Non, jamais. A chaque fois que je reçois une convocation, je parle à mon entraîneur ou à mon dirigeant pour lui annoncer que je vais rejoindre mon pays. A chaque fois, je trouve un terrain d'entente avec mon club. Parfois, on me demande de jouer un match de plus, mais je ne dis jamais oui, ni non. Il faut se donner le temps de réfléchir pour prendre la bonne décision. Dieu merci, je n'ai jamais eu ce problème. J'ai disputé avec le Togo trois Coupes d'Afrique des nations et une Coupe du monde. Il faut que les joueurs soient honnêtes vis-à-vis de leurs clubs. Après chaque match, il faut revenir très vite au club parce que c'est lui qui paye les joueurs. Savez-vous qui est l'entraîneur de l'Algérie ? Oui, Halilhodzic. Un entraîneur spécial, avec un caractère très spécial. Il est connu pour être un coach très à cheval avec la discipline et son intransigeance avec les stars... Ben, c'est tout à fait Vahid. Cette méthode lui réussit assez bien néanmoins. Est-ce que vous avez une idée sur le football algérien ? Pas trop. J'ai eu la chance de voir jouer la sélection algérienne à la Coupe du monde 2010. J'ai suivi le match face à l'Angleterre, qui était d'un bon niveau. L'Algérie a une équipe très technique et compte dans ses rangs de bons joueurs. De toute façon, on connaît les caractéristiques du football maghrébin, du jeu court et des dribbles et toujours de l'avant. Avez-vous suivi le match barrage Algérie-Egypte pour le Mondial 2010 ? Ah, le match où il y a eu beaucoup de problèmes. Je n'ai pas regardé le match, car j'étais à l'entraînement, mais quand je suis rentré à la maison, j'ai mis les chaînes sportives pour voir ce qui s'est passé. C'est vrai que tout le monde voulait passer, mais ça ne devait pas se passer ainsi. Je pense que des deux côtés on a commis des erreurs et c'est malheureux. On doit savoir donner l'exemple et montrer à l'Europe qu'on est loin de la violence. Quand on joue un match, il y a trois résultats possibles : victoire, nul et défaite. Il faut être prêt à les accepter. C'est vraiment dommage qu'après une défaite, on use la violence pour exprimer sa déception. En parlant de violence, ça vous fait quoi quand je vous dit Cabinda ? Je ressens une haine et un dégoût que je ne peux vous expliquer. Je ne sais qui, ni pour quel motif, on nous a tiré dessus. Cet épisode tragique m'a poussé à prendre un peu de recul et à renoncer à la sélection. Après, j'ai parlé à ma famille et à mes proches qui m'ont fait revenir à la raison. Avant tout, je suis Africain et je me dois de mouiller le maillot de mon pays. Je pense que pour mieux oublier cet incident de Cabinda, on doit enchaîner avec une autre CAN et faire un bon tournoi. Vous avez joué 4 ans à Metz, avez-vous côtoyé Mehdi Meniri ? Non, il est venu après mon départ du club, je ne le connais pas trop, mais je sais que c'est un bon joueur. Avez-vous déjà joué avec des joueurs algériens par le passé ? Non, je ne pense pas. En Angleterre où vous évoluez depuis plusieurs années maintenant, il y avait Belhadj et Yebda qui jouaient à Portsmouth. Les connaissez-vous ? Oui, je connais bien Belhadj. Un bon ami et qui a joué avec mon idole, Kanu. Que pensez-vous de lui ? C'est un très bon joueur. Il court beaucoup et va tout le temps vers l'avant. Il sait aussi dribbler et apporter le surnombre en attaque. Un joueur que j'adore. J'espère vraiment le voir à la CAN. Ce ne sera pas possible, puisqu'il a pris sa retraite internationale... Ah bon ! C'est ça qui est malheureux en Afrique. On prend trop tôt notre retraite internationale. Après, s'il a décidé de raccrocher, c'est qu'il a ses raisons. Peut-être qu'il a voulu se concentrer sur sa famille. Actuellement, il évolue au Qatar. Est-ce qu'on pourra voir un jour Adebayor jouer au Qatar ? Vous savez, moi je suis ouvert à tout. J'ai beaucoup d'ambition et si je vois que je peux faire un truc bien au Qatar, je répondrai à la sollicitation avec plaisir. Je n'ai jamais imaginé jouer un jour au Real Madrid ou à Arsenal, mais c'est ça le destin. Moi, je travaille chaque jour pour être meilleur et on verra ce qui arrivera à l'avenir. Et qu'en est-t-il de Yebda ? C'est un bon joueur lui aussi. Il a beaucoup de qualités techniques. Je suis certain que lorsque je les verrai à la CAN, je me souviendrai de beaucoup de joueurs algériens. Vous connaissez certainement Feghouli qui évolue à Valence... Honnêtement, je ne le connais pas. Il est l'un des meilleurs joueurs de Valence depuis le début de saison et il marque beaucoup de buts... C'est bien ça. Ben, vous savez, moi, quand je vois un Africain s'illustrer en Europe, je suis heureux. Je lui souhaite beaucoup de réussite, en attendant de le rencontrer à la CAN. Le Buteur organise annuellement une cérémonie pour récompenser le meilleur joueur algérien. Pensez-vous que le fait qu'il évolue dans un grand club comme Valence lui permet d'avoir une certaine avance sur les autres joueurs ? Non, je ne le pense pas. Jouer dans un grand club ne signifie pas que vous êtes automatiquement le meilleur. Seuls les performances comptent. Vous avez joué au Real Madrid. Parlez-nous un peu de ce Clasico qui fascine le monde entier... Le Real et le Barça sont deux clubs qui ne s'aiment pas, sur le terrain, ce sont deux clubs ennemis et chacun cherche à gagner. Néanmoins, à la fin du match, on oublie tout, et tout le monde rigole. Il faut voir les joueurs espagnols comment ils se déchaînent sur le terrain, mais après, quand ils se rencontrent en sélection, ils sont les meilleurs amis du monde. C'est extraordinaire. C'est ça l'état d'esprit d'un footballeur professionnel. Je n'ai joué que six mois à Madrid, mais croyez-moi, j'ai appris beaucoup de choses. Justement, comment avez-vous vécu ces six mois ? Le Real, c'est tout d'abord un club familial. Quand tu arrives là-bas, tu découvres un autre monde. Tout est prêt et organisé. Les gens font tout pour te mettre à l'aise et t'aider à progresser. J'ai joué dans des clubs prestigieux, comme Arsenal, Monaco et d'autres encore, mais Madrid, c'est la gamme au dessus. Vous êtes plus Cristiano ou bien Messi ? J'ai eu la chance d'évoluer avec Ronaldo et de voir Messi jouer à plusieurs reprises. Maintenant, si je devais choisir, moi, je voterai Ronaldo, pour tout ce qu'il a fait cette année. Souvent buteur avec le Portugal, il a surtout remporté presque à lui seul la Liga pour le Real. Il mérite de brandir le Ballon d'Or cette année. En France, vous êtes pour le PSG ou l'OM ? Pour être franc, ces deux clubs ne me disent rien. Il y a longtemps, je devais aller jouer à l'OM, et aussi à Paris quelques années après, mais ça ne s'est pas fait. Pour moi, ce sont deux grands clubs que je respecte énormément. Cette année, le PSG dispose d'un budget fabuleux. Ils ont ramené de grands joueurs comme Silva et Ibrahimovic et ont beaucoup d'ambition. Sincèrement, entre les deux clubs, je ne peux pas choisir. Justement, que pensez-vous du projet du PSG et est-ce que ce club peut remporter la Ligue des champions prochainement ? On ne peut pas ambitionner de gagner la Ligue des champions en deux ans seulement. Il faut avoir une base, construire une équipe et attendre quatre à cinq ans pour pouvoir remporter cette compétition. L'exemple de Manchester City en est la preuve. Ce club, et malgré son argent, a réussi à gagner la Premier League et la Cup, mais on constate qu'en Ligue des champions, il trouve beaucoup de mal. Pour gagner cette compétition, Paris doit patienter encore quatre à cinq ans. Décrivez-nous le personnage Mourinho... Je le vois plus comme un frère qu'un père. Il est là, il t'écoute et il te donne des conseils. Il te charrie parfois, mais quand il attend de toi quelque chose, il te parle d'homme à homme. Il veut que ses joueurs se donnent à fond sur le terrain. Il a le feeling aussi et sait communiquer. Pour moi, c'est le meilleur entraîneur au monde. Le Ballon d'Or africain vous fait-il rêver ? Par le passé oui, mais plus maintenant. Je l'ai déjà remporté, donc on peut dire qu'on a goûté à sa joie. Désormais, mon objectif, c'est de toujours tout donner sur le terrain et aider mon équipe à gagner ses matchs. Qui mérite de le remporter cette année, selon vous ? Après ce qu'ils ont fait lors de la CAN 2012, je vois bien un Zambien remporter cette distinction. Katongo a été énorme et mérite de gagner ce Ballon d'Or. Votre pronostic pour la CAN et le groupe D ? J'espère que l'Algérie et le Togo se qualifieront tous les deux, même si la tâche va être difficile. Après, je vois bien le Togo remporter la CAN. Vous le pensez réellement ? Et pourquoi pas ? Il faut avoir de l'ambition, sinon ça ne sert à rien d'aller en Afrique de Sud. Vous êtes musulman ? Non, mais mon grand frère l'est. Pour moi, le plus important, c'est de croire en Allah. Un mot pour les supporters algériens... Tout d'abord, je voudrais les saluer et leur dire de soutenir leur équipe. L'Algérie est une grande nation du football et a toujours eu de grands joueurs par le passé. J'espère qu'on assistera à une belle CAN et que tout ira bien. ---------
