Elles ont trouvé le truc pour se faire un genre : chanter des standards de la musique populaire ou andalouse, ou même du music hall ….un peu de jazz ..bref un peu de tout avec un accent qui n'est ni tout à fait arabe ni tout à fait français. On les appelle les Orientales, elles sont trois, mais lors du concert animé ce lundi à l'auditorium du Théâtre de verdure à l'occasion des soirées ramadanesques proposées par Arts et Culture, elles n'étaient que deux : Sylvie Baaz et Samira Brahmia qui donne d'ailleurs rendez-vous en solo le 22 septembre prochain au même endroit. Elles ne paraissent donc ni tout à fait arabes ni tout à fait françaises dans leurs tenues de ville arborées ce soir là pour chanter comme elle disent entre autres “le françarabe”, ce style inventé déjà depuis plus d'un demi siècle par le défunt Lili Boniche, dont les titres font également partie du large répertoire des Orientales. Ahlan wa sahlan, ahlan bikoum. Voilà comment ce groupe accompagné d'un orchestre franco-italiano-algérien, a accueilli le public dont 90% furent des femmes, comme s'il était chez lui sur scène. La salle de 200 places était archicomble, les billets s'étaient vendus à guichets fermés notamment les familles des deux artistes. Dehors, des femmes à qui l'on disait que des billets, il n'y en avait point, attendaient quand même devant le grand portail dans l'espoir d'accéder au portique de l'immense édifice de Arts et Culture qui contient pas moins de cinq salles de spectacles. A l'intérieur, les deux chanteuses qui se sont déjà produite, à Alger en 2004, disaient être ravies de retrouver et le public et le pays qu'elles “ chérissent tant.” Sylvia Baaz qui avait l'air de mener le jeu de scène tentera de faire même dans l'humour en racontant qu'elle avait inventé un instrument musical qui s'appelle le “ Youyou- mètre”, chose qu'il ne faut pas croire puisque ce n'était qu'une invitation lancée à toutes ces bonnes femmes pour commencer les youyous, chauffant ainsi la scène sans trop d'effort. Sylvie Baaz, oranaise d'origine, mais “aime bien Alger” proposera juste après le préliminaire “ accueillant”, un autre standard particulièrement apprécié, Koulou chahlat laâyani avec un rythme plus doux et des voix plus entreprenantes. Côte à côte, l'Oranaise Sylvie Baaz et l'Algéroise Samira Brahmia qui vivent entre l'Algérie et la France, prenaient des allures de medahates avec leurs Tar et tambour (percussion) qui les accompagnaient comme un apparat authentique. La Sylvi ne voulait pas faire dans le spectacle uniforme, mais voulait faire intervenir le public, “ le faire chanter” dans un exceptionnel échange. Obéissant, le public se lâche en répétant les standards chaâbi. Elle a avoué elle-même que “ Oued El kbir ” était la chanson qui l'accompagnait partout depuis le temps où elle l'a composée avec son frère quand ils avaient fondé ensemble le groupe, Valentina. “ Oued El kbir ” est une rivière en andalousien et Sylvi la chantera pour la énième fois avec cette voix qui va au delà des instruments musicaux qui caracole dans les lumières timides des projecteurs bleus, comme quelque chose qu'elle arrache d'elle et qu'elle donne au public avant de la reprendre sans malheur aucun. “Les Orientales ” à y réfléchir, est l'expression d'un orientalisme aussi vivant que dépassé.