L'année 2008 marquera pour toujours la fin de "l'exubérance irrationnelle" des marchés, décrite jadis par Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale américaine (Fed). "La fin de beaucoup de mythes aussi, ajoute un trader, notamment celui que le secteur financier était protégé du risque grâce à des innovations comme la titrisation." Après cinq années de hausse ininterrompue, les principales places financières à Paris, New York, Londres ou Tokyo ont ainsi enregistré, cette année, des chutes spectaculaires et souvent inédites : de - 42,68 % pour le CAC 40 parisien jusqu'à - 67, 20 % pour l'indice de la place de Moscou et même - 94, 43 % pour celui de Reykjavik ! Les actions des banques, au coeur de la crise auront été les plus touchées comme l'illustre la chute de 57 % de l'indice financier du S & P 500. "Nous avons enregistré des baisses record car les marchés ont été soumis à une multitude de chocs violents et successifs", explique Pierre Duval de la banque Palatine énumérant la crise financière, le choc pétrolier, puis la menace d'une récession mondiale. Après cette année noire, le pire est-il passé ? Les marchés sont-ils prêts à rebondir ? Chez les courtiers, gérants et traders, personne n'y croit. En tout cas, pas dans un avenir proche. " Il ne faut pas être naïf", estime Gregori Volokhine, de la société de gestion Meeschaert, à New York. "Nous n'avons sans doute pas encore touché le fond", prédit-il. Selon l'économiste américain, Nouriel Roubini, les marchés aux Etats-Unis et en Europe pourraient reculer de 15 % à 20 % dans les prochains mois. "Les nouvelles macro-économiques et les annonces de résultats de sociétés seront bien pires que ce qui est attendu", explique M. Roubini dans le Financial Times du 23 décembre 2008. De fait, les cours des actions reflètent les profits futurs des sociétés. A fin 2008, le plongeon des marchés correspond à un recul des profits des entreprises de l'ordre de 30 % à 40 % depuis 2007, "soit une baisse cohérente avec une récession "classique" comme celle de 1990 aux Etats-Unis ou de 1993 en Europe", calculent les experts de Groupama AM. Or la récession qui menace la planète en 2009 sera sans doute bien pire. La pire que les pays développés aient connue depuis l'après-guerre, signale le Fonds monétaire international (FMI). Les profits des sociétés devraient donc plutôt reculer de 50 %, selon Groupama AM. "Et les marchés pourraient tester les plus bas connus de 2003, 2 500 points pour le CAC 40", concluent-ils. "Nous aurons sans doute encore de mauvaises surprises, renchérit Christopher White, chez Threadneedle à Londres, le marché va s'inquiéter de la déflation, il y aura des alertes sur les résultats des sociétés, et une baisse des dividendes de l'ordre de 20 % qui sera mal prise par les investisseurs." Dans ce contexte, les gérants privilégient des stratégies sans risque et même ultra défensives. Ils restent à l'écart du secteur financier qui, en dépit de sa chute déjà spectaculaire pourrait encore reculer en Bourse. Les gérants préfèrent investir sur des valeurs solides, de grosses capitalisations, peu endettées contra-cycliques. Des sociétés du secteur de la pharmacie, comme "Roche, Novartis, ou des télécommunications comme Deutsche Telekom ou France Télécom en France, relativement immunisées contre une baisse de la consommation", indique M. White. Chez Palatine, M. Duval envisage aussi de mettre dans son portefeuille des actions de société de luxe comme LVMH, ou de la construction comme CRH en Irlande dont les cours ont, selon lui, trop baissé. In fine, après ces quelques mois difficiles, les marchés pourraient progressivement se redresser, aidés par les premiers signaux positifs des plans de relance décidés par les Etats. "Après les turbulences de début d'année, les marchés pourraient alors finir en légère hausse", prédit Philippe Waechter, directeur de la recherche chez Natixis AM. "Il y a des chances de rebond dès 2009", espère aussi François Chevallier, chez VP Finance. Car "les actions remontent en moyenne six mois à un an avant l'économie", rappelle-t-il.