Le système alimentaire plie sous la pression intense du changement climatique, de la dégradation de l'environnement, de la croissance démographique, de la hausse du prix des énergies, de la demande croissante en viande et produits laitiers, et de la concurrence sur les terres. Il est pris en étau entre les besoins de l'industrie, de l'urbanisation et la demande en agrocarburants. Tous les signaux d'alarmes sont au rouge. La flambée et l'instabilité des prix des denrées alimentaires dans le monde, le nombre croissant de conflits autour des ressources en eau, l'exposition accrue des populations vulnérables à la sécheresse et aux inondations sont autant de symptômes d'une crise qui pourrait s'installer durablement : on prévoit une augmentation de 70 à 90% du prix des denrées alimentaires d'ici à 2030 sans tenir compte des effets du changement climatique, qui devraient encore faire doubler ces prix. C'est le défi inédit auquel nous sommes confrontés : poursuivre à la fois le développement humain et assurer une alimentation suffisante pour tous, et de parvenir en même temps à éradiquer les inégalités et l'extrême pauvreté sans aggraver notre empreinte écologique. Pour atteindre les résultats escomptés d'ici à 2050, il faudra une redistribution du pouvoir d'une minorité vers le plus grand nombre, d'une poignée d'entreprises et d'élites politiques vers les milliards de personnes qui produisent et consomment des denrées alimentaires dans le monde. La consommation devra être rééquilibrée au profit des populations pauvres pour permettre à chacun de bénéficier d'une alimentation adéquate et nutritive. Une partie de la production doit être déplacée des exploitations agricoles polluantes vers des exploitations plus petites, utilisant des modes de production durables. Il s'agira aussi de rééquilibrer les subventions qui renforcent aujourd'hui les grosses exploitations au détriment des petits producteurs. Les lobbies d'entreprises qui font pression sur les états et profitent de manière pernicieuse de la dégradation de l'environnement (comme les défenseurs et promoteurs de l'industrie du pétrole et du charbon) doivent être démantelés. L'agriculture doit être en mesure de répondre à une exigence impérative : augmenter considérablement la production alimentaire tout en transformant radicalement les moyens de production. Selon les tendances actuelles, la demande alimentaire mondiale devrait augmenter de 70 % d'ici à 2050 en raison de la croissance démographique et du développement économique. La population sur Terre devrait passer de 6,9 milliards actuellement à 9,1 milliards en 2050 (un tiers de plus, date à laquelle on estime que sept personnes sur dix vivront dans des pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV). De telles prévisions présentent forcément une importante marge d'erreur. Des investissements plus importants dans des solutions renforçant la défense et l'autonomisation des femmes (surtout en améliorant l'accès à l'éducation et aux soins de santé) devraient ainsi ralentir la croissance démographique et la stabiliser. L'économie mondiale devrait tripler d'ici à 2050, avec un partage de la production passant d'un cinquième à plus de la moitié en faveur des économies émergentes. Il s'agit d'un point positif et essentiel pour relever les défis d'égalité et de résilience. Mais pour rendre ce niveau de développement viable, une transition sans précédent vers des modes de consommation plus durables doit survenir dans les économies industrialisées comme sur les marchés émergents. à l'heure actuelle, des revenus plus élevés et une urbanisation croissante amènent les individus à consommer moins de céréales et plus de viande, de produits laitiers, de poisson, de fruits et de légumes. Un tel régime " occidental " aggrave la pression sur des ressources encore plus rares, comme la terre et l'eau et dégradent l'atmosphère. Dans le même temps, dans plus de la moitié des pays industrialisés, au minimum 50 % de la population est en surpoids et le volume de denrées alimentaires gaspillé par les consommateurs est considérable (probablement 25%).