Les autorités égyptiennes ont annoncé, hier, avoir arrêté un millier de militants ou sympathisants des Frères musulmans, qui appellent désormais à des manifestations quotidiennes malgré la mort d'au moins 700 personnes en trois jours au cours d'affrontements dans tout le pays. Les violences de la veille, décrété "jour de colère" par la confrérie islamiste, ont fait plus de 100 morts dans tout le pays. Hier matin, des partisans du président déchu Mohamed Morsi étaient rassemblés dans une mosquée du Caire devant laquelle stationnaient les forces de sécurité. Le ministère de l'Intérieur a déclaré que 1 004 "éléments" des Frères islamistes avaient été interpellés la veille et il a accusé des membres de la confrérie d'avoir commis des actes de terrorisme durant les affrontements. Les Frères ont de leur côté appelé la population à redescendre dans la rue pour dénoncer ce qu'ils présentent comme un coup d'Etat militaire et la répression qui les vise. "Notre rejet du régime putschiste est devenu une obligation islamique, nationale et éthique à laquelle nous ne pourrons jamais renoncer", affirment les Frères musulmans, accusés par leurs détracteurs d'avoir tenté de verrouiller le pouvoir à la suite de leurs succès électoraux après le renversement d'Hosni Moubarak par la rue en février 2011. Avant-hier, une cinquantaine de personnes sont mortes au Caire et plus de 20 autres à Alexandrie, la deuxième ville du pays, a-t-on appris de sources proches des services de sécurité. Des coups de feu d'armes automatiques ont résonné durant tout l'après-midi à travers la capitale, survolée par des hélicoptères de l'armée. Au moins un bâtiment public a été incendié et continuait de flamber dans la nuit malgré l'accalmie constatée dans les rues du Caire, soumise à un couvre-feu nocturne comme plusieurs autres provinces du pays. Ni les Frères musulmans, dont les rassemblements ont été démantelés par la force au prix de centaines de morts mercredi, ni le nouveau pouvoir installé par l'armée n'entendent céder dans le bras de fer engagé depuis le 3 juillet. La confrérie islamiste a annoncé une série de manifestations quotidiennes au cours des six prochains jours et ce depuis hier alors que le gouvernement a donné l'autorisation aux forces de sécurité de tirer à balles réelles pour se défendre et protéger les bâtiments publics.
Soutien saoudien Aucun compromis ne semble à portée de main et l'Egypte, pays le plus peuplé du monde arabe, paraît menacée par une polarisation croissante entre partisans et adversaires des Frères musulmans. "Nous ne quitterons pas les places. Et nous ne céderons jamais sur nos droits", affirme un habitant du Caire, Abdoullah Abdoul Fattah, tout en soulignant qu'il n'est pas électeur des Frères musulmans. "Nous sommes ici pour nos frères qui sont morts." La télévision d'Etat use pour sa part d'un langage réservé autrefois aux islamistes radicaux tels que ceux d'Al Qaïda. Elle présente ainsi les événements en cours avec le bandeau "L'Egypte combat le terrorisme". Dans un communiqué, le gouvernement dit lutter contre "le projet terroriste des Frères musulmans". La confrérie islamiste ne cesse de proclamer le caractère pacifique de sa contestation mais on pouvait voir avant-hier au Caire des hommes armés tirer des coups de feu dans les rangs des partisans de Mohamed Morsi. Un responsable des services de sécurité a fait état d'au moins 24 policiers tués dans les 24 heures précédentes et de 15 commissariats attaqués. Les Frères musulmans affirment que ces hommes armés sont des suppôts des militaires. D'après des témoins, des partisans de Mohamed Morsi ont aussi saccagé une église catholique et ont incendié une église anglicane. La confrérie islamiste a démenti s'en prendre aux églises. Dans un communiqué, l'Eglise copte a déclaré "soutenir fermement la police et les forces armées égyptiennes". Les pays occidentaux, au premier rang desquels les Etats-Unis, ont condamné l'assaut sanglant contre les rassemblements islamistes mercredi. Paris, Londres, Berlin et Rome ont appelé à une réunion d'urgence des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne. François Hollande et Angela Merkel ont estimé que l'UE devrait revoir ses relations avec l'Egypte à la lumière des derniers développements. L'Arabie saoudite, qui perçoit l'islam politique défendu par les Frères musulmans comme une menace, a en revanche apporté une nouvelle fois son soutien aux autorités égyptiennes "contre le terrorisme".
Les grands de l'UE demandent une réunion d'urgence Paris, Londres, Berlin et Rome ont appelé la veille à une réunion d'urgence des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne face aux violences en Egypte et ont évoqué une possible révision des relations diplomatiques avec le pays. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a précisé que cette réunion se tiendrait la semaine prochaine, après un travail préparatoire demain à Bruxelles des représentants des 28 Etats membres. "Il faut des gestes de part et d'autre pour diminuer la violence", a-t-il dit sur BFM-TV, jugeant que l'Egypte n'était "malheureusement pas loin" de la guerre civile. François Hollande et Angela Merkel ont estimé que l'Union européenne devrait revoir ses relations avec l'Egypte à la lumière des derniers développements. A Berlin, la chancellerie précise qu'Angela Merkel "a expliqué que le gouvernement allemand reverrait ses relations avec l'Egypte". "Elle a convenu avec le président (français) que l'Union européenne devrait également entreprendre un réexamen complet de ses relations avec l'Egypte", ajoute le communiqué de la chancellerie fédérale. La possibilité de revoir les relations diplomatiques a aussi été évoquée durant un entretien entre le président français et David Cameron où les deux dirigeants ont demandé "la fin des violences et de la répression, le respect des droits de l'homme par tous, la reprise du dialogue interégyptien". "L'Union européenne doit porter ces exigences et examiner ses relations avec l'Egypte", indique ainsi un communiqué de l'Elysée publié après l'entretien avec le chef du gouvernement britannique. François Hollande s'est également entretenu avec le président du Conseil italien, Enrico Letta, et tous deux se sont accordés sur la nécessité d'une réaction européenne coordonnée au niveau des ministres des Affaires étrangères. Catherine Ashton, porte-parole de la diplomatie de l'Union européenne, a de son côté annoncé qu'elle avait demandé aux gouvernements européens d'évoquer entre eux les "mesures adéquates" à prendre face aux violences en Egypte. "Je suis en contact permanent avec les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne, et j'ai demandé aux représentants des pays membres de débattre et de coordonner les mesures adéquates à prendre par l'Union européenne face à la situation en Egypte", a dit Catherine Ashton dans un communiqué.