Le constructeur automobile japonais renonce à la production de son modèle X-Trail pour le marché européen sur son site de Sunderland au profit de son usine japonaise de Kyushu. En revanche, la production des futurs autres modèles des 4X4 urbains sera maintenue sur le site britannique. Le constructeur automobile japonais Nissan a annoncé dimanche renoncer à produire l'un de ses modèles, le crossover X-Trail, dans son usine de Sunderland (nord-est de l'Angleterre), sa principale implantation en Europe, évoquant indirectement le Brexit. "Nous avons pris cette décision pour des raisons économiques, mais l'incertitude persistante autour des futures relations du Royaume-Uni avec l'UE n'aide pas des entreprises comme la nôtre à planifier l'avenir", a déclaré Gianluca de Ficchy, le président de Nissan Europe, dans un communiqué. Nissan a indiqué que la prochaine génération de X-Trail pour le marché européen serait produite dans son usine de Kyushu, au Japon, plutôt qu'à Sunderland comme il l'avait annoncé en 2016. Les autres futurs modèles prévus à Sunderland, les 4x4 urbains Juke et Qashqai, "ne sont pas affectés" par cette décision, a précisé le groupe, qui a dit vouloir "optimiser" ses investissements en Europe alors qu'il finance déjà le développement de nouvelles technologies automobiles en Angleterre. Outre l'actuel Qashqai et le Juke, la voiture électrique Leaf et des modèles de la marque de luxe Infinity sont également assemblés à Sunderland.
Une gigantesque usine automobile Cette annonce constitue un nouveau coup dur pour l'industrie automobile au Royaume-Uni, confrontée à une chute de près de moitié des investissements en 2018 en raison notamment des incertitudes liées au Brexit, selon l'Association des constructeurs et des vendeurs automobiles (SMMT). L'économie de Sunderland, ville côtière de 275.000 habitants qui a voté à 61% en faveur du Brexit en juin 2016, s'articule autour de la gigantesque usine automobile de Nissan, la plus grande jamais édifiée au Royaume-Uni. Le site, ouvert en 1986, emploie plus de 7.000 personnes et sort 500.000 véhicules par an, dont 55% sont exportés vers l'UE, sans droits de douane. Ce qui pourrait changer si le Royaume-Uni rompt avec les 27 sans accord. Censé quitter l'UE le 29 mars, le Royaume-Uni est dans le flou quant à la forme que prendra le Brexit, les députés britanniques ayant massivement rejeté le 15 janvier l'accord de divorce négocié avec Bruxelles par la Première ministre, Theresa May, qui tente depuis de rouvrir les négociations sur le texte avec Bruxelles. En cas de sortie de l'UE sans accord, les relations économiques entre l'UE et le Royaume-Uni seraient régies par les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), bien moins avantageuses que le dispositif actuel, basé sur la libre circulation des biens.
Série de mauvaises nouvelles L'annonce de Nissan intervient au moment où une série de mauvaises nouvelles accable déjà l'économie britannique. Fin janvier, Airbus a averti de décisions "très douloureuses" en cas de Brexit sans accord, tandis que le géant de l'électronique japonais Sony a décidé de déménager son siège européen hors du pays vers les Pays-Bas. Un autre groupe technologique, Dyson, a aussi fait part de son intention de déplacer son siège de l'Angleterre vers Singapour - même s'il a assuré que cette décision n'était pas liée au Brexit. Illustrant les préoccupations du secteur automobile, le géant américain Ford a quant à lui chiffré à 800 millions de dollars le coût potentiel sur 2019 en cas de divorce sans accord. Le britannique Jaguar Land Rover a annoncé de son côté l'arrêt de sa production pour une semaine du 8 au 12 avril pour éviter les perturbations du Brexit, et Toyota a également prévenu d'une interruption temporaire de sa production en Angleterre en cas de "no deal".
Londres a offert à Nissan des garanties et une aide Le gouvernement britannique avait promis à Nissan une aide pouvant atteindre 80 millions de livres (91,5 millions d'euros) et des garanties sur le Brexit pour obtenir du constructeur automobile japonais un investissement majeur en Grande-Bretagne en 2016, montre lundi une lettre rendue publique par le gouvernement et restée auparavant confidentielle. Nissan a annoncé en octobre 2016 qu'il produirait la nouvelle génération de ses SUV Qashqai et X-Trail dans son usine de Sunderland mais il est en partie revenu sur cet engagement dimanche en renonçant à la production du X-Trail sur ce site du nord de l'Angleterre. "Bien que nous ayons pris cette décision pour des raisons commerciales, l'incertitude persistante concernant les relations futures entre le Royaume-Uni et l'UE n'aide pas les entreprises comme la nôtre à planifier leur avenir", a souligné Gianluca de Ficchy, président de Nissan en Europe, dans un communiqué publié dimanche. A l'époque, le projet d'investissement du groupe japonais, qui promettait 740 nouveaux emplois, avait été salué comme un témoignage de confiance envers la Grande-Bretagne par la Première ministre Theresa May, qui venait d'entrer en fonctions et entamait le processus de sortie de l'Union européenne. Le gouvernement a régulièrement refusé de publier cette lettre, dont l'existence a nourri les soupçons, notamment chez certains partisans du Brexit, selon lesquels il négociait des accords confidentiels avec certaines entreprises susceptibles de contraindre Londres à continuer de respecter des mécanismes européens malgré la sortie de l'UE.
Promesse d'un accès au marché unique "Le gouvernement reconnaît pleinement l'importance du marché européen pour votre présence à Sunderland", écrit le ministre des Entreprises, Greg Clark, dans cette lettre adressée à Carlos Ghosn, alors PDG de Nissan. "Une priorité essentielle de notre négociation sera de soutenir les constructeurs automobiles du Royaume-Uni et de garantir que leur capacité d'exporter vers ou d'importer en provenance de l'UE ne sera pas affectée négativement par les futures relations du Royaume-Uni avec l'UE." "Nous allons nous fixer des ambitions élevées et chercher de manière énergique à conserver un accès au marché européen en tant qu'objectif dans les négociations futures." Greg Clark souligne qu'une aide pouvant aller jusqu'à 80 millions de livres pour la formation, la recherche et le développement et l'innovation est conditionnée à la production des nouveaux modèles Qashqai et X-Trail en Grande-Bretagne. Le ministre des Entreprises a déclaré lundi devant le parlement que, Nissan ayant modifié les termes de son investissement, le constructeur devrait déposer une nouvelle demande d'aide financière. Sur les 61 millions de livres déjà validés, seuls 2,6 millions ont été effectivement versés à Nissan, a-t-il ajouté. Nissan, qui produit dans l'usine de Sunderland près d'un tiers des 1,52 million de voitures assemblées en Grande-Bretagne à l'année, exporte l'essentiel de cette production vers les pays de l'UE et, comme le reste du secteur automobile, le constructeur s'inquiète du rétablissement de droits de douane en cas de Brexit sans accord. "La lettre, rédigée en octobre 2016, montre la volonté continue de Nissan et du gouvernement britannique de soutenir l'investissement au Royaume-Uni et de garder Sunderland comme l'un des pôles industriels de Nissan en Europe", a dit le constructeur lundi. Le groupe japonais va continuer à produire ses nouveaux modèles Juke et Qashqai dans l'usine de Sunderland, inaugurée en 1986 à la suite des efforts de la Première ministre de l'époque, Margaret Thatcher, pour inciter les entreprises japonaises à se servir de la Grande-Bretagne comme porte d'accès au marché européen. Des délégués syndicaux ont rencontré des représentants de Nissan lundi et se sont engagés à se battre pour assurer l'avenir du site.