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Assegas amegaz à Thamazgha !
Nouvel an Amazigh 2963
Publié dans Le Midi Libre le 12 - 01 - 2013

Nous sommes en 2963 de l'an amazigh. Assegas Amegaz est la formule avec laquelle tous les Berbères se souhaitent une heureuse année. Une date qui répond à toux ceux qui souhaitent effacer un patrimoine millénaire. Une date qui affiche, à elle seule, l'énormité de notre civilisation berbère.
Nous sommes en 2963 de l'an amazigh. Assegas Amegaz est la formule avec laquelle tous les Berbères se souhaitent une heureuse année. Une date qui répond à toux ceux qui souhaitent effacer un patrimoine millénaire. Une date qui affiche, à elle seule, l'énormité de notre civilisation berbère.
Les anciens du village évoquent à ce jour de l'adage kabyle «Ad ffghen iberkanen, ad kecmen imellalen». Par cette fameuse phrase est annoncée le premier jour de l'an «ixef useggwas» ou yennayer dans certains villages de Kabylie. Ce moment marque la séparation entre deux cycles solaires, passage des journées courtes "noires" (Ad ffghen iberkanen), aux journées longues, "blanches" (ad kecmen imellalen) est fêté dans la quasi-totalité des régions du Nord de l'Afrique.
Malgré que cette journée soit célébrée dans tout le nord-africain et particulièrement en Algérie avec des traditions millénaires qui ont survécu à plusieurs sortes de colonialismes, la journée n'est toujours pas reconnue par les Pouvoirs en place, alors que la Libye a devancé les pays maghrébins avec la reconnaissance officielle de Yennayer, devenu journée fériée et chômée.
Au Maroc, le peuple berbère a également fait tamazight comme langue nationale et officielle. Un pas de géant sur le plan des acquis démocratiques et identitaires puisque tamazight est reconnue comme langue nationale et officielle. Alors que l'Algérie, qui est à son un demi-siècle de son indépendance, la culture amazighe n'est pas encore reconnue par le régime en place.
L'ère berbère
Vers 1968, l'Académie berbère a proposé de créer une "ère berbère" tout comme il y a une ère chrétienne et une islamique, et a fixé comme an zéro du calendrier berbère les premières manifestations connues de la civilisation berbère, au temps de l'Egypte ancienne, lorsque le roi numide Chechonq Ier (Cacnaq) fondateur de la 22e dynastie égyptienne prit le trône et devint pharaon en Egypte. Avant d'envahir la Palestine, il réunifia l'Egypte en l'an 950 avant J.-C. A Jérusalem, il s'empara de l'or et des trésors du temple de Salomon (un grand évènement cité dans la Bible).
«Imensi n yennayer»
Le repas, préparé pour la circonstance, est assez copieux et différent du quotidien. Les rites sont effectués d'une façon symbolique. Ils sont destinés à écarter la famine, augurer l'avenir, consacrer le changement et accueillir chaleureusement les forces invisibles auxquelles croyait le berbère. Pour la préparation de «imensi n yennayer», le Kabyle utilise la viande de la bête sacrifiée (asfel), souvent de la volaille, mélangée parfois à la viande séchée (acedluh) pour agrémenter le couscous, élément fondamental de l'art culinaire berbère. Le plus aisé affiche sa différence. Il sacrifie une volaille par membre de la famille. Le coq est pour l'homme (sexe masculin) et la poule pour la femme (sexe féminin). Un coq et une poule sont attribués à la femme enceinte dont l'espoir qu'elle n'accouche pas d'une fille qui était, hélas, souvent mal accueillie au sein du système patriarcal de certaines tribus.
En revanche, le premier yennayer suivant la naissance d'un garçon était d'une grande importance. Le père effectue la première coupe de cheveux au nouveau-né et marque l'événement par l'achat d'une tête de bœuf. Ce rite augure de l'enfant le futur responsable du village. Il est répété lors de la première sortie du garçon au marché. Il est transposé, dans les mêmes conditions, à la fête musulmane chiite de l'achoura, dans certaines localités berbérophones.
«Imensi n yennayer» se poursuit tard dans la nuit et la satiété est de rigueur. C'est même désobligeant pour la maîtresse de la maison (tamgart n wexxam) de ne pas se rassasier. Il est aussi un repas de communion. Il se prend en famille. On réserve la part des filles mariées absentes à la fête. On dispose autour du plat commun des cuillères pour signaler leur présence. A travers les génies gardiens, les forces invisibles participent au festin par des petites quantités déposées aux endroits précis, le seuil de la porte, le moulin de pierre aux grains, le pied du tronc du vieux olivier, etc. et la place du métier à tisser qui doit être impérativement enlevé à l'arrivée de yennayer. Sinon, les forces invisibles risqueraient de s'emmêler dans les fils et se fâcheraient ; ce qui est mauvais pour les présages.
Pour le Kabyle «amenzu n yennayer» détermine la fin des labours et marque le milieu du cycle humide. Les aliments utilisés durant ce mois sont les mêmes que ceux de la période des labours. La nourriture prise est bouillie, cuite à la vapeur ou levée. Les aliments augmentant de volume à la cuisson sont de bon augure. La récolte présagée sera d'une grande quantité. Les différentes sortes de couscous, de crêpes, de bouillies, etc., et les légumes secs les agrémentant apparaissent. Les desserts servis seront les fruits secs (figues sèches, abricots secs, noix, etc.), de la récolte passée, amassés dans de grandes et grosses cruches en terre pourvues d'un nombril servant à retirer le contenu (ikufan).
Le mois de yennayer est marqué par le retour sur terre des morts porteurs de la force de fécondité. Durant la fête, les femmes kabyles ne doivent pas porter de ceinture, symbole de fécondité. Celles transgressant la règle subiraient le sortilège de la stérilité. «Imensi n yennaye» nécessite des préparatifs préalables. Dans les Aurès et en Kabylie, la veille, la maison est méticuleusement nettoyée et embaumée à l'aide de diverses herbes et branches d'arbres (pin, etc.). Elle ne le sera plus, durant les trois jours suivants sinon le balai de bruyère, confectionné pour la circonstance par les femmes lors de leur sortie à la rencontre du printemps (amagar n tefsut), blesserait les âmes errantes. On procède au changement des pierres du kanun (inyen n lkanun).
Tous les gestes accomplis pendant la fête se font avec générosité et abondance. Les participants à la célebration estiment recevoir, par leurs actions, la bénédiction des forces invisibles circonscrivant chez le Berbère son univers de croyance.
Yennayer et ses légendes
Dans l'univers culturel berbère, un drame mythique marqua, de sa forte empreinte, yennayer. Des histoires légendaires sont différemment contées au sujet d'une vieille femme. Chaque contrée et localité ont leur version. Les Kabyles disaient qu'une vieille femme, croyant l'hiver passé, sortit un jour de soleil dans les champs et se moquait de lui. Yennayer mécontent emprunta deux jours à furar et déclencha pour se venger, un grand orage qui emporta, dans ses énormes flots, la vieille.
Chez les At-Yenni, la femme fut emportée en barattant du lait. Chez les At-Fliq, il emprunta seulement un jour et déclencha un grand orage qui transforma la vieille en statue de pierre et emporta sa chèvre. Ce jour particulier est appelé l'emprunt (Amerdil). Le Kabyle le célébra chaque année par un dîner de crêpes. Le dîner de l'emprunt (Imensi umerdil) fut destiné à éloigner les forces mauvaises.
A Azazga et à Béjaïa (en Algérie), la période de la vieille (timgharin) durait sept jours. Le mythe de la vieille exerçait une si grande frayeur sur le paysan berbère au point que celui-ci est contraint à ne pas sortir ses animaux durant tout le mois de yennayer. Le pragmatisme a fait que les jours maléfiques furent adaptés par le Kabyle à l'organisation hebdomadaire des marchés dans les villages. Cette répartition du temps de la semaine est encore d'actualité. Chaque commune de Kabylie possède son jour de marché. Pour l'esprit rationnel, le tabou de ne pas sortir les animaux s'explique plutôt par l'utilisation de la bête comme source de chaleur pour la famille durant le mois le plus froid de l'année. L'architecture intérieure de la maison traditionnelle étaye au demeurant cette argumentation.
Le mythe de la vieille marqua, d'Ouest en Est, les régions berbérophones. A Fès (au Maroc), lors du repas de yennayer, les parents brandissaient la menace de la vieille si leurs enfants ne mangeaient pas à satiété : «La vieille de yennayer viendra vous ouvrir le ventre pour le remplir de paille.» A Ghadamès (en Libye), «Imma Meru» était une vieille femme, laide, redoutée malfaisante. Elle viendra griffer le ventre des enfants qui ne mangeaient pas des légumes verts durant la nuit du dernier jour de l'année, disaient les parents. Pour permettre aux jeunes pousses d'aller à maturité, l'interdit de les arracher s'applique par «Imma Meru a uriné dessus». Etant conté différemment, dans la quasi-totalité des régions berbérophones, le drame légendaire de la vieille de yennayer a le même support culturel.Des traditions berbères liées au changement de l'année se retrouvent dans plusieurs régions d'Afrique, voire du Bassin méditerranéen. Elles s'apparentent parfois à de la superstition, néanmoins, elles participent à la socialisation des personnes, harmonisent et renforcent le tissu culturel. Des peuples d'identités différentes, considèrent les divers rites de yennayer faisant partie intégrante de leur patrimoine culturel.
Mots à éviter ce jour-là
Ainsi, pour espérer une nouvelle année plus prospère, Yennayer est marqué par quelques opérations de purification. Dans l'anti-Atlas par exemple, au petit jour de Yennayer, la maîtresse de maison nettoie tous les recoins de la maison, en y saupoudrant ibsis (mélange de farine, huile et sel). Elle balaie ensuite toutes les pièces pour «chasser» tamghart n gar aseggwas (l'épouse de la mauvaise année) qui n'est autre que tamara la «misère» (mot à éviter ce jour-là). Le sacrifice d'un animal, Asfel (mot kabyle) est de rigueur, symbolisant l'expulsion des forces et des esprits maléfiques mais aussi marquant ses vertus prophylactiques. On prie alors les forces divines pour assurer une saison culturale féconde. Au cours de la fête d'ennayer, on fait intervenir des personnages telle teryel (tamza, ogresse en rifain) ou aâdjouzet yennayer (la vieille de janvier) en arabe. On menace les enfants qui refusent de manger d'appeler cette dernière qui les éventrera et bourrera leur ventre de paille...
Après le copieux repas de Yennayer, la maîtresse de maison mettait jadis un peu de nourriture dans le métier à tisser (azzetta), dans la meule domestique (tasirt) et dans le foyer au feu (kanun) pour embaumer de bénédictions ces objets essentiels dans la vie rurale (Aurès, Kabylie et Oranie).
K. H.
Sources de recherche
Encyclopaedia Universalis. France S.A. 1989.
PaulCouderc. Le calendrier. P.U.F. Que sais-je. N 203
Jean Servier. Tradition et civilisation berbères. "Les portes de l'année". Editions du Rocher. août 1985.
Les anciens du village évoquent à ce jour de l'adage kabyle «Ad ffghen iberkanen, ad kecmen imellalen». Par cette fameuse phrase est annoncée le premier jour de l'an «ixef useggwas» ou yennayer dans certains villages de Kabylie. Ce moment marque la séparation entre deux cycles solaires, passage des journées courtes "noires" (Ad ffghen iberkanen), aux journées longues, "blanches" (ad kecmen imellalen) est fêté dans la quasi-totalité des régions du Nord de l'Afrique.
Malgré que cette journée soit célébrée dans tout le nord-africain et particulièrement en Algérie avec des traditions millénaires qui ont survécu à plusieurs sortes de colonialismes, la journée n'est toujours pas reconnue par les Pouvoirs en place, alors que la Libye a devancé les pays maghrébins avec la reconnaissance officielle de Yennayer, devenu journée fériée et chômée.
Au Maroc, le peuple berbère a également fait tamazight comme langue nationale et officielle. Un pas de géant sur le plan des acquis démocratiques et identitaires puisque tamazight est reconnue comme langue nationale et officielle. Alors que l'Algérie, qui est à son un demi-siècle de son indépendance, la culture amazighe n'est pas encore reconnue par le régime en place.
L'ère berbère
Vers 1968, l'Académie berbère a proposé de créer une "ère berbère" tout comme il y a une ère chrétienne et une islamique, et a fixé comme an zéro du calendrier berbère les premières manifestations connues de la civilisation berbère, au temps de l'Egypte ancienne, lorsque le roi numide Chechonq Ier (Cacnaq) fondateur de la 22e dynastie égyptienne prit le trône et devint pharaon en Egypte. Avant d'envahir la Palestine, il réunifia l'Egypte en l'an 950 avant J.-C. A Jérusalem, il s'empara de l'or et des trésors du temple de Salomon (un grand évènement cité dans la Bible).
«Imensi n yennayer»
Le repas, préparé pour la circonstance, est assez copieux et différent du quotidien. Les rites sont effectués d'une façon symbolique. Ils sont destinés à écarter la famine, augurer l'avenir, consacrer le changement et accueillir chaleureusement les forces invisibles auxquelles croyait le berbère. Pour la préparation de «imensi n yennayer», le Kabyle utilise la viande de la bête sacrifiée (asfel), souvent de la volaille, mélangée parfois à la viande séchée (acedluh) pour agrémenter le couscous, élément fondamental de l'art culinaire berbère. Le plus aisé affiche sa différence. Il sacrifie une volaille par membre de la famille. Le coq est pour l'homme (sexe masculin) et la poule pour la femme (sexe féminin). Un coq et une poule sont attribués à la femme enceinte dont l'espoir qu'elle n'accouche pas d'une fille qui était, hélas, souvent mal accueillie au sein du système patriarcal de certaines tribus.
En revanche, le premier yennayer suivant la naissance d'un garçon était d'une grande importance. Le père effectue la première coupe de cheveux au nouveau-né et marque l'événement par l'achat d'une tête de bœuf. Ce rite augure de l'enfant le futur responsable du village. Il est répété lors de la première sortie du garçon au marché. Il est transposé, dans les mêmes conditions, à la fête musulmane chiite de l'achoura, dans certaines localités berbérophones.
«Imensi n yennayer» se poursuit tard dans la nuit et la satiété est de rigueur. C'est même désobligeant pour la maîtresse de la maison (tamgart n wexxam) de ne pas se rassasier. Il est aussi un repas de communion. Il se prend en famille. On réserve la part des filles mariées absentes à la fête. On dispose autour du plat commun des cuillères pour signaler leur présence. A travers les génies gardiens, les forces invisibles participent au festin par des petites quantités déposées aux endroits précis, le seuil de la porte, le moulin de pierre aux grains, le pied du tronc du vieux olivier, etc. et la place du métier à tisser qui doit être impérativement enlevé à l'arrivée de yennayer. Sinon, les forces invisibles risqueraient de s'emmêler dans les fils et se fâcheraient ; ce qui est mauvais pour les présages.
Pour le Kabyle «amenzu n yennayer» détermine la fin des labours et marque le milieu du cycle humide. Les aliments utilisés durant ce mois sont les mêmes que ceux de la période des labours. La nourriture prise est bouillie, cuite à la vapeur ou levée. Les aliments augmentant de volume à la cuisson sont de bon augure. La récolte présagée sera d'une grande quantité. Les différentes sortes de couscous, de crêpes, de bouillies, etc., et les légumes secs les agrémentant apparaissent. Les desserts servis seront les fruits secs (figues sèches, abricots secs, noix, etc.), de la récolte passée, amassés dans de grandes et grosses cruches en terre pourvues d'un nombril servant à retirer le contenu (ikufan).
Le mois de yennayer est marqué par le retour sur terre des morts porteurs de la force de fécondité. Durant la fête, les femmes kabyles ne doivent pas porter de ceinture, symbole de fécondité. Celles transgressant la règle subiraient le sortilège de la stérilité. «Imensi n yennaye» nécessite des préparatifs préalables. Dans les Aurès et en Kabylie, la veille, la maison est méticuleusement nettoyée et embaumée à l'aide de diverses herbes et branches d'arbres (pin, etc.). Elle ne le sera plus, durant les trois jours suivants sinon le balai de bruyère, confectionné pour la circonstance par les femmes lors de leur sortie à la rencontre du printemps (amagar n tefsut), blesserait les âmes errantes. On procède au changement des pierres du kanun (inyen n lkanun).
Tous les gestes accomplis pendant la fête se font avec générosité et abondance. Les participants à la célebration estiment recevoir, par leurs actions, la bénédiction des forces invisibles circonscrivant chez le Berbère son univers de croyance.
Yennayer et ses légendes
Dans l'univers culturel berbère, un drame mythique marqua, de sa forte empreinte, yennayer. Des histoires légendaires sont différemment contées au sujet d'une vieille femme. Chaque contrée et localité ont leur version. Les Kabyles disaient qu'une vieille femme, croyant l'hiver passé, sortit un jour de soleil dans les champs et se moquait de lui. Yennayer mécontent emprunta deux jours à furar et déclencha pour se venger, un grand orage qui emporta, dans ses énormes flots, la vieille.
Chez les At-Yenni, la femme fut emportée en barattant du lait. Chez les At-Fliq, il emprunta seulement un jour et déclencha un grand orage qui transforma la vieille en statue de pierre et emporta sa chèvre. Ce jour particulier est appelé l'emprunt (Amerdil). Le Kabyle le célébra chaque année par un dîner de crêpes. Le dîner de l'emprunt (Imensi umerdil) fut destiné à éloigner les forces mauvaises.
A Azazga et à Béjaïa (en Algérie), la période de la vieille (timgharin) durait sept jours. Le mythe de la vieille exerçait une si grande frayeur sur le paysan berbère au point que celui-ci est contraint à ne pas sortir ses animaux durant tout le mois de yennayer. Le pragmatisme a fait que les jours maléfiques furent adaptés par le Kabyle à l'organisation hebdomadaire des marchés dans les villages. Cette répartition du temps de la semaine est encore d'actualité. Chaque commune de Kabylie possède son jour de marché. Pour l'esprit rationnel, le tabou de ne pas sortir les animaux s'explique plutôt par l'utilisation de la bête comme source de chaleur pour la famille durant le mois le plus froid de l'année. L'architecture intérieure de la maison traditionnelle étaye au demeurant cette argumentation.
Le mythe de la vieille marqua, d'Ouest en Est, les régions berbérophones. A Fès (au Maroc), lors du repas de yennayer, les parents brandissaient la menace de la vieille si leurs enfants ne mangeaient pas à satiété : «La vieille de yennayer viendra vous ouvrir le ventre pour le remplir de paille.» A Ghadamès (en Libye), «Imma Meru» était une vieille femme, laide, redoutée malfaisante. Elle viendra griffer le ventre des enfants qui ne mangeaient pas des légumes verts durant la nuit du dernier jour de l'année, disaient les parents. Pour permettre aux jeunes pousses d'aller à maturité, l'interdit de les arracher s'applique par «Imma Meru a uriné dessus». Etant conté différemment, dans la quasi-totalité des régions berbérophones, le drame légendaire de la vieille de yennayer a le même support culturel.Des traditions berbères liées au changement de l'année se retrouvent dans plusieurs régions d'Afrique, voire du Bassin méditerranéen. Elles s'apparentent parfois à de la superstition, néanmoins, elles participent à la socialisation des personnes, harmonisent et renforcent le tissu culturel. Des peuples d'identités différentes, considèrent les divers rites de yennayer faisant partie intégrante de leur patrimoine culturel.
Mots à éviter ce jour-là
Ainsi, pour espérer une nouvelle année plus prospère, Yennayer est marqué par quelques opérations de purification. Dans l'anti-Atlas par exemple, au petit jour de Yennayer, la maîtresse de maison nettoie tous les recoins de la maison, en y saupoudrant ibsis (mélange de farine, huile et sel). Elle balaie ensuite toutes les pièces pour «chasser» tamghart n gar aseggwas (l'épouse de la mauvaise année) qui n'est autre que tamara la «misère» (mot à éviter ce jour-là). Le sacrifice d'un animal, Asfel (mot kabyle) est de rigueur, symbolisant l'expulsion des forces et des esprits maléfiques mais aussi marquant ses vertus prophylactiques. On prie alors les forces divines pour assurer une saison culturale féconde. Au cours de la fête d'ennayer, on fait intervenir des personnages telle teryel (tamza, ogresse en rifain) ou aâdjouzet yennayer (la vieille de janvier) en arabe. On menace les enfants qui refusent de manger d'appeler cette dernière qui les éventrera et bourrera leur ventre de paille...
Après le copieux repas de Yennayer, la maîtresse de maison mettait jadis un peu de nourriture dans le métier à tisser (azzetta), dans la meule domestique (tasirt) et dans le foyer au feu (kanun) pour embaumer de bénédictions ces objets essentiels dans la vie rurale (Aurès, Kabylie et Oranie).
K. H.
Sources de recherche
Encyclopaedia Universalis. France S.A. 1989.
PaulCouderc. Le calendrier. P.U.F. Que sais-je. N 203
Jean Servier. Tradition et civilisation berbères. "Les portes de l'année". Editions du Rocher. août 1985.


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