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le calvaire des usagers
Transport urbain dans la capitale
Publié dans Le Midi Libre le 04 - 08 - 2007

Des bus en piteux état arrivant à vive allure, déversant des flots de passagers à tout bout de champ, des quais surchargés, des abri-bus quasiment absents. Le tout baignant dans un épais nuage de pollution.
Des bus en piteux état arrivant à vive allure, déversant des flots de passagers à tout bout de champ, des quais surchargés, des abri-bus quasiment absents. Le tout baignant dans un épais nuage de pollution.
Prendre un bus ou trouver un taxi est devenu un véritable casse-tête pour les 2,5 millions d'Algérois qui doivent recourir aux transports en commun pour rallier leur lieu de travail ou régler une affaire à l'autre bout de la ville. A Tafourah, Boumati, Chevalley, Fort-de-l'Eau, Zéralda, Chéraga ou Baraki, les stations urbaines que compte la capitale en offrent une piètre image. Des bus en piteux état arrivant à vive allure, déversant des flots de passagers à tout bout de champ, des quais surchargés, des abribus quasiment absents. Le tout baignant dans un épais nuage de pollution. L'image que renvoient ces stations de transport urbain renseigne on ne peut plus clairement sur l'état peu enviable du secteur des transports en commun à Alger.
Vers la moitié des années 90, le paysage des transports urbains dans les principales villes du pays a sensiblement évolué avec comme élément marquant, la disparition progressive des grandes entreprises structurées à la suite des différents plans de restructuration ou plus souvent de liquidation. Dans plusieurs villes, les entreprises privées du secteur artisanal (ou informel) ont peu à peu occupé l'espace laissé vacant par les entreprises structurées (RSTA, SNTV). Mais le système tel qu'il fonctionne aujourd'hui génère d'importantes externalités négatives : accroissement de la congestion du trafic urbain, niveau important d'accidents, pollution atmosphérique. En effet, l'accroissement du parc de véhicules par l'importation ou l'achat de véhicules d'occasion âgés entraîne des problèmes de congestion et réduit la fluidité de la circulation, augmentant par là les émissions de polluants et entraînant une toxicité plus importante de ces émissions, notamment pour le parc diesel. Il devenait alors urgent de s'interroger sur l'appui éventuel qu'on pourrait apporter à ce secteur afin de le rendre plus efficace, plus efficient et dans une perspective de durabilité.
Un véritable parcours
du combattant
Samedi, 6heures.
La journée s'annonce très chaude. Les citoyens qui doivent rejoindre leur lieu de travail pressent le pas pour «éviter d'être pris dans les encombrements», très dense, pendant les heures de pointe. A l'arrêt de Hammamet, dépourvu d'abribus. Point de bus à l'horizon. Pourtant, la gare centrale se trouve à une centaine de mètres de ce premier arrêt. «Les chauffeurs, au lieu de respecter les horaires de départ, garent leurs bus loin de la station, le temps que le premier remplisse son tacot, car tous les bus sont des clous. Ils n'offrent aucune commodité pour les usagers. Il m'est arrivé d'attendre une demi-heure pour que le chauffeur daigne enfin démarrer sa machine. Et la même chose se répète à tous les arrêts. Il faut presque une heure pour faire le trajet entre Baïnem et Bab El-Oued», fulmine un habitué des transports urbains. Propos vérifiés quinze minutes plus tard lorsque le premier bus s'est arrêté devant nous. Voyager pendant une journée en bus va-t-il encourager les personnes à se déplacer plus souvent en transports en commun ? Comment font ceux qui n'ont pas d'autres moyens de transport que le bus ? Se déplacer en bus, est-ce un choix actuellement ? Autant de questions posées hier aux passagers et habitués du réseau à la gare routière de Tafourah. Au temps des transports publics, des agents de l'ETUSA ou de la SNTV sont les premiers en contact avec les clients. Avec leur chemise bleu ciel, on les repère facilement. Le rôle de ces agents : informer les passagers sur les lignes à prendre, les horaires, les tarifs, bref répondre aux moindres questions, mais aussi faire de la médiation lorsque des conflits surviennent à bord. «Les conflits sont plutôt rares, mais nous devons souvent interdire la montée des personnes en état d'ébriété dans le bus. Sinon, nous nous retrouvons souvent face à des personnes perdues pour prendre le bus. Elles se trompent de lignes, oublient de prendre leur ticket au point de vente», raconte M. Mohamed, agent de transport de l'ETUSA, présent à la place des Martyrs. Pour lui, qui connaît bien la clientèle des bus bleus, ce sont surtout «les personnes qui n'ont pas d'autres moyens de locomotion» qui voyagent en bus, même si quelques-unes prennent le bus par souci d'économie.
La recette à tout prix
A l'intérieur, il n'y a aucun indice qui laisse penser que nous sommes dans un bus. En plus des sièges déchirés et une saleté repoussante, le plancher du véhicule est jonché de toutes sortes de détritus. Un jeune, portant un short et des lunettes fait office de receveur. Les tarifs officiels ne sont guère respectés, les pratiques réelles s'avérant relativement complexes et reposant sur plusieurs éléments : possibilité de marchandage du tarif essentiellement en heures creuses ; fractionnement du trajet obligeant selon les cas les usagers à prendre plusieurs modes pour atteindre leur destination, sans être sûr d'y arriver. Les chauffeurs adaptent en fait leur offre en continu selon l'état de la demande. Ces pratiques sont fortement liées aux règles dominantes de rémunération qui veulent que le chauffeur travaillant pour un propriétaire rapporte une recette journalière fixée à l'avance, en échange de quoi il bénéficie d'une rémunération mensuelle elle-même fixée à l'avance. L'équipage paie les frais d'exploitation sur la recette, en particulier ceux du carburant, mais de la police et des intermédiaires facilitant le départ des véhicules aux stations. En fait, le chauffeur avec l'aide de son receveur, complète son revenu avec le surplus de recettes réalisées au-delà de la recette destinée au propriétaire, au moins les jours favorables. Les 7 000 bus de transport en commun et les 12 000 taxis circulant dans Alger arrivent à peine à couvrir les besoins en déplacement de la population et à assurer un service public à peu près correct pour les usagers. Ces derniers comme les transporteurs et les chauffeurs de taxi s'accordent à dire que l'activité du transport en commun, privé notamment, obéit à une seule loi, celle de l'anarchie. Pour un cadre du ministère des Transports, cela est dû «à l'absence d'un plan de circulation fiable». Manque de places de stationnement dans les stations urbaines, non-conformité et vétusté du parc roulant, attribution anarchique de lignes de transport sont autant d'insuffisances relevées par ce cadre appelant au passage «l'Etat à intervenir pour mettre de l'ordre dans ce secteur et surtout aider les transporteurs privés à renouveler leur outil de travail à travers un meilleur accès au crédit et des avantages fiscaux». Mais l'administration est-elle la seule responsable de cette situation ? Certainement pas. En effet, rares sont les transporteurs qui respectent le cahier des charges fixant les conditions d'exercice de l'activité de transport. Souvent, les usagers subissent le diktat des transporteurs dont le seul objectif est de faire le maximum de navettes et de recettes au détriment de la sécurité et du confort de leur clientèle. «On ne peut mettre un gendarme derrière chaque bus», répond un autre responsable des transports de la wilaya d'Alger, déplorant de ce fait le manque de responsabilité chez certains conducteurs. La tâche est d'autant plus difficile que le secteur privé prédomine sur le marché du transport
routier.
Arriver à l'heure au travail en bus, c'est risqué
Les quelques passagers rencontrés en conviennent, c'est bien parce qu'ils n'ont pas le choix qu'ils se déplacent en bus. Saïd, 49 ans, habite à Aïn-Benian. Depuis que sa voiture est en panne, il se rend en bus jusqu'à la gare Tafourah. «Je pars de chez moi à 6h du matin pour arriver à 9h au travail. Le problème avec le bus c'est qu'on sait quand on part mais on ne sait pas quand on arrive. Les chauffeurs font ce qu'ils peuvent pour éviter les embouteillages. Ils sont obligés d'emprunter de petits détours alors qu'il faudrait des voies spéciales pour les bus», explique le passager. Les nombreux arrêts obligatoires des bus ajoutés aux embouteillages rendent ce type de transport encore trop incertain et le trajet trop long. En voiture, il peut se permettre de partir au moins une heure plus tard le matin pour aller travailler. Et le soir, il s'estime heureux d'arriver chez lui au moins à 18h, lorsqu'il attend le bus vers 15h. «Car la plupart du temps, les bus sont pleins», ajoute Mohamed. Saïd, 39 ans, se déplace aussi en bus puisqu'il n'a pas de permis de conduire. Il reconnaît que ce n'est pas évident de se rendre au boulot en car, surtout quand on ne travaille pas toujours dans la même ville. Outre les personnes qui travaillent, ce sont aussi les personnes âgées qui sillonnent les villes en bus. Akli et Kheira, par exemple, empruntent le réseau 1 à 2 fois par semaine. «Nous n'avons pas de voiture, alors nous prenons le bus pour déposer nos papiers en ville et y faire nos courses», expliquent les deux septuagénaires. Un passager, assis à côté de moi, dresse un portrait apocalyptique des bus et de leur faune. «C'est assez drôle. Adolescent j'ai défendu les transports en commun avec acharnement. J'ai été un utilisateur de bus de la première heure. Comme tout un chacun, les transports en commun sont le mode de transport principal pendant l'adolescence. Il ne m'était pas possible d'avoir un scooter ou une mobylette, je me suis donc rabattu sur les bus», a-t-il affirmé. Et pourquoi utilise-t-il ce moyen de transport ? Simple : La voiture est coûteuse : essence, assurance, contrôle technique, paperasse, sans parler du véhicule lui-même. «Alors, est-ce que tu détestes les transports en commun ?» «Absolument pas. Ils sont nécessaires, notamment pour tous ceux qui ne peuvent pas avoir une voiture, quelles qu'en soient les raisons. Mais il faut accepter l'idée que les transports en commun sont bourrés de défauts, et ne peuvent se comparer au confort et à la flexibilité d'une voiture individuelle.»
Une libéralisation faite
dans la précipitation
Dans un contexte de changement de politique économique, l'Etat s'est retiré et a opéré une ouverture du marché des transports à l'initiative des privés, et depuis, beaucoup de choses ont changé. Eu égard à la pénurie des moyens de transport caractérisant la période d'avant la libéralisation, l'offre actuelle a pu répondre en grande partie aux besoins des déplacements des citoyens. Toutefois, elle s'est constituée un petit peu dans la précipitation, sans tenir compte de règles d'accession à la profession de transporteur et de création d'entreprises de transports. Sans moyens d'accompagnement ni contrôles appropriés de la part des pouvoirs publics, la libéralisation a donné naissance à une quasi-anarchie sur le marché du transport public collectif urbain.
Pour ce qui concerne le transport urbain, cet accroissement notable de l'offre semble s'être effectué, malheureusement, d'une manière très peu contrôlée. Et un nombre impressionnant d'opérateurs privés a vu le jour dans la totalité des villes du pays. Le nombre d'opérateurs se compte aujourd'hui par centaines à l'intérieur d'une seule ville. Il y a près de 3000 opérateurs à Alger. Compte tenu de cette atomicité des opérateurs, il est clair que cette dernière a des répercutions négatives sur le plan environnemental, sur la rentabilité des entreprises. La multiplicité des interlocuteurs rend très aléatoire toute tentative pour mener une politique significative en matière de transport urbain. En outre, ce développement du nombre d'opérateurs et des capacités d'une manière générale semble évoluer aujourd'hui vers une surcapacité. Pour ce qui est de la qualification des opérateurs, la quasi-totalité des interrogés reconnaissent ne jamais avoir exercé en tant que transporteur auparavant et n'avoir jamais eu de formation ou de stages dans le domaine. Enfin, pour ce qui est du niveau d'instruction des opérateurs, plus de 60% ont le niveau primaire alors que le reste est sans instruction. Pour ce qui concerne les fourgons aménagés, il faudrait avoir à l'esprit que ces derniers étaient destinés au départ au transport rural. Pour ce genre de transport, le fourgon peut s'avérer un moyen plus ou moins adapté offrant de la souplesse et de la commodité. Néanmoins, au fil du temps, ces fourgons ont fini par être impliqués dans le transport urbain. Ceci dit, il faudrait convenir que le fourgon reste un moyen pas cher. Peut-être que la contrainte financière y est justement pour beaucoup dans l'achat de fourgons (18 places) au lieu d'autobus (100 places) comme cela nous été confirmé par les propriétaires de ce type de véhicule. Enfin, faudrait-il rajouter également un fait qui relève beaucoup plus de la politique publique de financement qui a influencé en grande partie la structure du parc. En effet, dans le cadre de la politique de lutte contre le chômage des jeunes, les pouvoirs publics ont encouragé ces dernières années la création de microentreprises y compris dans le domaine du transport public. Aussi, la plupart des opérateurs possédant un fourgon sont à l'origine de jeunes chômeurs ayant bénéficié de prêts bancaires pour l'achat de leurs véhicules.
Le développement
des transports informels
Aujourd'hui, le transport par taxi clandestin est tout à fait banalisé dans la plupart des communes de la capitale. Leurs stations, improvisées, sont partout dans les différents quartiers. Cette activité s'est développée et a même explosé ces dernières années. La crise économique y est pour beaucoup de choses, certes, mais il y a toutefois lieu de rajouter d'autres considérations. Outre l'insuffisance voire l'absence de contrôle et de sanction, il existe une demande de déplacement latente insatisfaite due à un déficit quantitatif en nombre de licences de taxis urbains mais aussi qualitatif en transport collectif. Les clandestins offrent un transport à la demande, relativement meilleur marché, de jour comme de nuit, part vers toutes destinations en urbain voire en interurbain Les transporteurs informels proposent une qualité de service très appréciée par les clients : les tarifs sont négociables, le clandestin attend le client, revient le prendre, propose des formules d'abonnements, accompagne les enfants à l'école, les ramène le soir, offre le journal à lire au client, etc. Du coup, ce type de transport est devenu un moyen très utilisé.
En conclusion, on peut retenir que la libéralisation des transports, domaine où elle a été la plus aboutie, a apporté un plus quantitatif indéniable. Elle semble néanmoins s'être effectuée en l'absence de suivi et de contrôle de la part des pouvoirs publics. Par conséquent, ce qui caractérise essentiellement la situation actuelle du transport urbain collectif et pratiquement dans toutes les villes algériennes, est l'existence de transporteurs en surnombre avec une tendance à la surcapacité. Constitués autour d'entreprise familiale, artisanale avec 1,2 véhicule par entreprise, les opérateurs n'ont pas les moyens de développer et de renouveler leur parc et tout particulièrement les bus grand gabarit (100 places) qui restent nettement plus adaptés au transport urbain, économes en espace et environnement. Les transporteurs souffrent aussi d'un déficit relatif en matière de professionnalisme et de savoir-faire.
Prendre un bus ou trouver un taxi est devenu un véritable casse-tête pour les 2,5 millions d'Algérois qui doivent recourir aux transports en commun pour rallier leur lieu de travail ou régler une affaire à l'autre bout de la ville. A Tafourah, Boumati, Chevalley, Fort-de-l'Eau, Zéralda, Chéraga ou Baraki, les stations urbaines que compte la capitale en offrent une piètre image. Des bus en piteux état arrivant à vive allure, déversant des flots de passagers à tout bout de champ, des quais surchargés, des abribus quasiment absents. Le tout baignant dans un épais nuage de pollution. L'image que renvoient ces stations de transport urbain renseigne on ne peut plus clairement sur l'état peu enviable du secteur des transports en commun à Alger.
Vers la moitié des années 90, le paysage des transports urbains dans les principales villes du pays a sensiblement évolué avec comme élément marquant, la disparition progressive des grandes entreprises structurées à la suite des différents plans de restructuration ou plus souvent de liquidation. Dans plusieurs villes, les entreprises privées du secteur artisanal (ou informel) ont peu à peu occupé l'espace laissé vacant par les entreprises structurées (RSTA, SNTV). Mais le système tel qu'il fonctionne aujourd'hui génère d'importantes externalités négatives : accroissement de la congestion du trafic urbain, niveau important d'accidents, pollution atmosphérique. En effet, l'accroissement du parc de véhicules par l'importation ou l'achat de véhicules d'occasion âgés entraîne des problèmes de congestion et réduit la fluidité de la circulation, augmentant par là les émissions de polluants et entraînant une toxicité plus importante de ces émissions, notamment pour le parc diesel. Il devenait alors urgent de s'interroger sur l'appui éventuel qu'on pourrait apporter à ce secteur afin de le rendre plus efficace, plus efficient et dans une perspective de durabilité.
Un véritable parcours
du combattant
Samedi, 6heures.
La journée s'annonce très chaude. Les citoyens qui doivent rejoindre leur lieu de travail pressent le pas pour «éviter d'être pris dans les encombrements», très dense, pendant les heures de pointe. A l'arrêt de Hammamet, dépourvu d'abribus. Point de bus à l'horizon. Pourtant, la gare centrale se trouve à une centaine de mètres de ce premier arrêt. «Les chauffeurs, au lieu de respecter les horaires de départ, garent leurs bus loin de la station, le temps que le premier remplisse son tacot, car tous les bus sont des clous. Ils n'offrent aucune commodité pour les usagers. Il m'est arrivé d'attendre une demi-heure pour que le chauffeur daigne enfin démarrer sa machine. Et la même chose se répète à tous les arrêts. Il faut presque une heure pour faire le trajet entre Baïnem et Bab El-Oued», fulmine un habitué des transports urbains. Propos vérifiés quinze minutes plus tard lorsque le premier bus s'est arrêté devant nous. Voyager pendant une journée en bus va-t-il encourager les personnes à se déplacer plus souvent en transports en commun ? Comment font ceux qui n'ont pas d'autres moyens de transport que le bus ? Se déplacer en bus, est-ce un choix actuellement ? Autant de questions posées hier aux passagers et habitués du réseau à la gare routière de Tafourah. Au temps des transports publics, des agents de l'ETUSA ou de la SNTV sont les premiers en contact avec les clients. Avec leur chemise bleu ciel, on les repère facilement. Le rôle de ces agents : informer les passagers sur les lignes à prendre, les horaires, les tarifs, bref répondre aux moindres questions, mais aussi faire de la médiation lorsque des conflits surviennent à bord. «Les conflits sont plutôt rares, mais nous devons souvent interdire la montée des personnes en état d'ébriété dans le bus. Sinon, nous nous retrouvons souvent face à des personnes perdues pour prendre le bus. Elles se trompent de lignes, oublient de prendre leur ticket au point de vente», raconte M. Mohamed, agent de transport de l'ETUSA, présent à la place des Martyrs. Pour lui, qui connaît bien la clientèle des bus bleus, ce sont surtout «les personnes qui n'ont pas d'autres moyens de locomotion» qui voyagent en bus, même si quelques-unes prennent le bus par souci d'économie.
La recette à tout prix
A l'intérieur, il n'y a aucun indice qui laisse penser que nous sommes dans un bus. En plus des sièges déchirés et une saleté repoussante, le plancher du véhicule est jonché de toutes sortes de détritus. Un jeune, portant un short et des lunettes fait office de receveur. Les tarifs officiels ne sont guère respectés, les pratiques réelles s'avérant relativement complexes et reposant sur plusieurs éléments : possibilité de marchandage du tarif essentiellement en heures creuses ; fractionnement du trajet obligeant selon les cas les usagers à prendre plusieurs modes pour atteindre leur destination, sans être sûr d'y arriver. Les chauffeurs adaptent en fait leur offre en continu selon l'état de la demande. Ces pratiques sont fortement liées aux règles dominantes de rémunération qui veulent que le chauffeur travaillant pour un propriétaire rapporte une recette journalière fixée à l'avance, en échange de quoi il bénéficie d'une rémunération mensuelle elle-même fixée à l'avance. L'équipage paie les frais d'exploitation sur la recette, en particulier ceux du carburant, mais de la police et des intermédiaires facilitant le départ des véhicules aux stations. En fait, le chauffeur avec l'aide de son receveur, complète son revenu avec le surplus de recettes réalisées au-delà de la recette destinée au propriétaire, au moins les jours favorables. Les 7 000 bus de transport en commun et les 12 000 taxis circulant dans Alger arrivent à peine à couvrir les besoins en déplacement de la population et à assurer un service public à peu près correct pour les usagers. Ces derniers comme les transporteurs et les chauffeurs de taxi s'accordent à dire que l'activité du transport en commun, privé notamment, obéit à une seule loi, celle de l'anarchie. Pour un cadre du ministère des Transports, cela est dû «à l'absence d'un plan de circulation fiable». Manque de places de stationnement dans les stations urbaines, non-conformité et vétusté du parc roulant, attribution anarchique de lignes de transport sont autant d'insuffisances relevées par ce cadre appelant au passage «l'Etat à intervenir pour mettre de l'ordre dans ce secteur et surtout aider les transporteurs privés à renouveler leur outil de travail à travers un meilleur accès au crédit et des avantages fiscaux». Mais l'administration est-elle la seule responsable de cette situation ? Certainement pas. En effet, rares sont les transporteurs qui respectent le cahier des charges fixant les conditions d'exercice de l'activité de transport. Souvent, les usagers subissent le diktat des transporteurs dont le seul objectif est de faire le maximum de navettes et de recettes au détriment de la sécurité et du confort de leur clientèle. «On ne peut mettre un gendarme derrière chaque bus», répond un autre responsable des transports de la wilaya d'Alger, déplorant de ce fait le manque de responsabilité chez certains conducteurs. La tâche est d'autant plus difficile que le secteur privé prédomine sur le marché du transport
routier.
Arriver à l'heure au travail en bus, c'est risqué
Les quelques passagers rencontrés en conviennent, c'est bien parce qu'ils n'ont pas le choix qu'ils se déplacent en bus. Saïd, 49 ans, habite à Aïn-Benian. Depuis que sa voiture est en panne, il se rend en bus jusqu'à la gare Tafourah. «Je pars de chez moi à 6h du matin pour arriver à 9h au travail. Le problème avec le bus c'est qu'on sait quand on part mais on ne sait pas quand on arrive. Les chauffeurs font ce qu'ils peuvent pour éviter les embouteillages. Ils sont obligés d'emprunter de petits détours alors qu'il faudrait des voies spéciales pour les bus», explique le passager. Les nombreux arrêts obligatoires des bus ajoutés aux embouteillages rendent ce type de transport encore trop incertain et le trajet trop long. En voiture, il peut se permettre de partir au moins une heure plus tard le matin pour aller travailler. Et le soir, il s'estime heureux d'arriver chez lui au moins à 18h, lorsqu'il attend le bus vers 15h. «Car la plupart du temps, les bus sont pleins», ajoute Mohamed. Saïd, 39 ans, se déplace aussi en bus puisqu'il n'a pas de permis de conduire. Il reconnaît que ce n'est pas évident de se rendre au boulot en car, surtout quand on ne travaille pas toujours dans la même ville. Outre les personnes qui travaillent, ce sont aussi les personnes âgées qui sillonnent les villes en bus. Akli et Kheira, par exemple, empruntent le réseau 1 à 2 fois par semaine. «Nous n'avons pas de voiture, alors nous prenons le bus pour déposer nos papiers en ville et y faire nos courses», expliquent les deux septuagénaires. Un passager, assis à côté de moi, dresse un portrait apocalyptique des bus et de leur faune. «C'est assez drôle. Adolescent j'ai défendu les transports en commun avec acharnement. J'ai été un utilisateur de bus de la première heure. Comme tout un chacun, les transports en commun sont le mode de transport principal pendant l'adolescence. Il ne m'était pas possible d'avoir un scooter ou une mobylette, je me suis donc rabattu sur les bus», a-t-il affirmé. Et pourquoi utilise-t-il ce moyen de transport ? Simple : La voiture est coûteuse : essence, assurance, contrôle technique, paperasse, sans parler du véhicule lui-même. «Alors, est-ce que tu détestes les transports en commun ?» «Absolument pas. Ils sont nécessaires, notamment pour tous ceux qui ne peuvent pas avoir une voiture, quelles qu'en soient les raisons. Mais il faut accepter l'idée que les transports en commun sont bourrés de défauts, et ne peuvent se comparer au confort et à la flexibilité d'une voiture individuelle.»
Une libéralisation faite
dans la précipitation
Dans un contexte de changement de politique économique, l'Etat s'est retiré et a opéré une ouverture du marché des transports à l'initiative des privés, et depuis, beaucoup de choses ont changé. Eu égard à la pénurie des moyens de transport caractérisant la période d'avant la libéralisation, l'offre actuelle a pu répondre en grande partie aux besoins des déplacements des citoyens. Toutefois, elle s'est constituée un petit peu dans la précipitation, sans tenir compte de règles d'accession à la profession de transporteur et de création d'entreprises de transports. Sans moyens d'accompagnement ni contrôles appropriés de la part des pouvoirs publics, la libéralisation a donné naissance à une quasi-anarchie sur le marché du transport public collectif urbain.
Pour ce qui concerne le transport urbain, cet accroissement notable de l'offre semble s'être effectué, malheureusement, d'une manière très peu contrôlée. Et un nombre impressionnant d'opérateurs privés a vu le jour dans la totalité des villes du pays. Le nombre d'opérateurs se compte aujourd'hui par centaines à l'intérieur d'une seule ville. Il y a près de 3000 opérateurs à Alger. Compte tenu de cette atomicité des opérateurs, il est clair que cette dernière a des répercutions négatives sur le plan environnemental, sur la rentabilité des entreprises. La multiplicité des interlocuteurs rend très aléatoire toute tentative pour mener une politique significative en matière de transport urbain. En outre, ce développement du nombre d'opérateurs et des capacités d'une manière générale semble évoluer aujourd'hui vers une surcapacité. Pour ce qui est de la qualification des opérateurs, la quasi-totalité des interrogés reconnaissent ne jamais avoir exercé en tant que transporteur auparavant et n'avoir jamais eu de formation ou de stages dans le domaine. Enfin, pour ce qui est du niveau d'instruction des opérateurs, plus de 60% ont le niveau primaire alors que le reste est sans instruction. Pour ce qui concerne les fourgons aménagés, il faudrait avoir à l'esprit que ces derniers étaient destinés au départ au transport rural. Pour ce genre de transport, le fourgon peut s'avérer un moyen plus ou moins adapté offrant de la souplesse et de la commodité. Néanmoins, au fil du temps, ces fourgons ont fini par être impliqués dans le transport urbain. Ceci dit, il faudrait convenir que le fourgon reste un moyen pas cher. Peut-être que la contrainte financière y est justement pour beaucoup dans l'achat de fourgons (18 places) au lieu d'autobus (100 places) comme cela nous été confirmé par les propriétaires de ce type de véhicule. Enfin, faudrait-il rajouter également un fait qui relève beaucoup plus de la politique publique de financement qui a influencé en grande partie la structure du parc. En effet, dans le cadre de la politique de lutte contre le chômage des jeunes, les pouvoirs publics ont encouragé ces dernières années la création de microentreprises y compris dans le domaine du transport public. Aussi, la plupart des opérateurs possédant un fourgon sont à l'origine de jeunes chômeurs ayant bénéficié de prêts bancaires pour l'achat de leurs véhicules.
Le développement
des transports informels
Aujourd'hui, le transport par taxi clandestin est tout à fait banalisé dans la plupart des communes de la capitale. Leurs stations, improvisées, sont partout dans les différents quartiers. Cette activité s'est développée et a même explosé ces dernières années. La crise économique y est pour beaucoup de choses, certes, mais il y a toutefois lieu de rajouter d'autres considérations. Outre l'insuffisance voire l'absence de contrôle et de sanction, il existe une demande de déplacement latente insatisfaite due à un déficit quantitatif en nombre de licences de taxis urbains mais aussi qualitatif en transport collectif. Les clandestins offrent un transport à la demande, relativement meilleur marché, de jour comme de nuit, part vers toutes destinations en urbain voire en interurbain Les transporteurs informels proposent une qualité de service très appréciée par les clients : les tarifs sont négociables, le clandestin attend le client, revient le prendre, propose des formules d'abonnements, accompagne les enfants à l'école, les ramène le soir, offre le journal à lire au client, etc. Du coup, ce type de transport est devenu un moyen très utilisé.
En conclusion, on peut retenir que la libéralisation des transports, domaine où elle a été la plus aboutie, a apporté un plus quantitatif indéniable. Elle semble néanmoins s'être effectuée en l'absence de suivi et de contrôle de la part des pouvoirs publics. Par conséquent, ce qui caractérise essentiellement la situation actuelle du transport urbain collectif et pratiquement dans toutes les villes algériennes, est l'existence de transporteurs en surnombre avec une tendance à la surcapacité. Constitués autour d'entreprise familiale, artisanale avec 1,2 véhicule par entreprise, les opérateurs n'ont pas les moyens de développer et de renouveler leur parc et tout particulièrement les bus grand gabarit (100 places) qui restent nettement plus adaptés au transport urbain, économes en espace et environnement. Les transporteurs souffrent aussi d'un déficit relatif en matière de professionnalisme et de savoir-faire.


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