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L'implacable refus
«Mes Hommes» de Malika Mokeddem
Publié dans Le Midi Libre le 06 - 03 - 2008

Ecrit avec la même verve mordante que les précédents, ce récit est d'une franchise explosive. Porteur d'une écriture directe pleine d'humour et d'une poésie quasi congénitale, il donne accès à la vie intérieure d'une de ces Algériennes qui ont eu à inventer leur chemin à contre-courant de tout et de tous.
Ecrit avec la même verve mordante que les précédents, ce récit est d'une franchise explosive. Porteur d'une écriture directe pleine d'humour et d'une poésie quasi congénitale, il donne accès à la vie intérieure d'une de ces Algériennes qui ont eu à inventer leur chemin à contre-courant de tout et de tous.
Dans son dernier roman, dont le titre est emprunté à la célèbre chanson de Barbara, Malika Mokeddem entreprend une autobiographie qui remonte aux premières années de son existence. Jamais le principe selon lequel tout se joue avant six ans n'aura été autant vérifié que lors de cette enfance de fillette née en 1949 à Kenadsa, petite ville du sud-ouest connue pour ses mines de charbon et pour l'aura de son maître spirituel, Sidi M'hammed Ben Bouziane (1650/1733), identifié comme le pôle des soufis de son temps.
Et jamais le poème de Bachir Hadj Ali (1920/1991), intitulé «A mes filles», n'aura trouvé une illustration plus éclatante. Le poète y exhorte ses filles à refuser «le pardon du mal qui leur sera fait» afin que «les plus lisses promenades» leur soient offertes.
Ce début de vie, campé sur le refus de coopérer avec l'ordre familial néo-patriarcal, semble avoir sauvé la petite Malika d'un destin de ménagère confiné aux seules tâches domestiques. Elle y gagne, à la force des poignets, mais également à la faveur du grand chamboulement qu'est l'indépendance du pays, un double parcours de médecin spécialisé en néphrologie et d'écrivain parmi les plus appréciés de son époque.
«Les plus lisses promenades»
A-t-elle pour autant accédé aux «plus lisses promenades»? Incontestablement. Mais également aux plus douloureuses : «Il y a tant de solitudes imbriquées dans la mienne : sans famille en dépit d'une nombreuse fratrie. Sans enfants par choix. Seule entre deux pays où je suis souvent mise en demeure de m'expliquer sur des choix intimes, fondateurs. De négocier ma présence. Seule entre l'écriture et la médecine où la tentation est si grande de toujours me ramener d'une façon ou d'une autre à la frontière…»
Sa soif de dignité et de liberté, non négociable, s'accompagne de dévouement au soulagement des souffrances humaines. Ceci elle l'apprend très jeune, étant l'interprète de l'infatigable docteur Shalles, médecin de sa localité. Ce destin de défricheuse des territoires interdits aux femmes la mène au lycée de Béchar, puis aux universités d'Oran et de Paris en 1979. Donc bien avant que l'Algérie ne connaisse les cruels soubresauts d'une agonie annoncée qui vont pousser les femmes du pays à constituer un véritable front du refus au diktat islamiste. Parallèlement à un métier très astreignant, elle vit nombre de relations amoureuses, qu'elle interrompt parfois brutalement, comme elle l'a appris, fille «mal-aimée» de son père : «Et je te dois d'avoir toujours su me séparer d'eux aussi (…) Lorsque l'amour s'emmure en prison, vire en amertume, en jalousie, je déguerpis. Je ne veux pas renoncer à en attendre le meilleur (….). Quitter, rompre, pour moi, c'est reprendre un rêve d'amour ignoré, bafoué ou altéré et aller le faire chanter, danser ailleurs. C'est le refus de l'oppression, de la médiocrité et de la résignation.» Ce père, elle l'évoque encore après la fin d'une union conjugale qui dure 17 ans et qu'elle interrompt, car son conjoint (pourtant Occidental) «crève» de la voir écrire après l'y avoir poussée : «Onze ans déjà que je suis seule. Vous, l'inconnu, qui allez peut-être faire irruption dans ma vie, sachez qu'il vous reste treize autres années pour prétendre rivaliser avec l'absence de mon père». Ainsi débute le dernier chapitre du roman.
Une vie plus qu'assumée revendiquée
C'est la succession d'hommes qui comptent dans sa vie, à commencer par ceux de sa famille et de son bled, que Malika narre avec une sincérité remarquable. « Le silence entre nous remonte à dix ans avant mon départ de l'Algérie (…) J'écris tout contre ce silence, mon père. J'écris pour mettre des mots dans ce gouffre entre nous. Lancer des lettres comme des étoiles filantes dans cette insondable opacité (…). Cette vie qui te reste taboue je veux l'écrire jusqu'au bout. Je revendique mes amours successives dont certaines «mécréantes».
Ce dur parcours de résistante qui ne fera jamais de concession à ceux qu'elle aime, qui par là même veulent la piéger, elle l'inaugure à l'âge où les autres jouent à la poupée. «Enfant, lorsque je mettais des mots encore maladroits sur ces injustices, vous me rétorquiez, ma mère et toi que j'étais diabolique. Je devais l'être et pas qu'un peu. C'est diabolique la discrimination des parents. En prendre conscience est la première confrontation avec la cruauté. Moi je voulais de l'amour, de la joie. A essayer de les conquérir, c'est la liberté que j'ai gagnée», écrit-elle en début d'ouvrage.
Grandie dans ce lieu pourtant prestigieux de la spiritualité musulmane, la petite fille aux longues tresses et au teint de bronze n'en retient que l'injustice familiale qui lui est faite très tôt par la préférence ouvertement accordée aux garçons. Le jour où elle demande à son père une bicyclette, celui-ci refuse en mettant en avant la modestie des revenus familiaux. Pourtant cette bicyclette est accordée avec facilité à son jeune frère qui lui n'affronte pas encore le long chemin harassant qui mène à l'école. Cette flagrante injustice s'avère fondatrice du caractère de la petite fille qui choisit son camp pour la vie : celui des insoumis.
Rêveries sur la dune
Au lieu de s'astreindre aux tâches ménagères sans fin dont est accablée sa mère, elle prend l'habitude de se réfugier au sommet de « sa » dune, El Barga, pour y méditer et rêver son avenir contre le désert des mentalités. Elle s'habitue à la solitude féconde qui déjà annonce l'écriture. Une solitude qu'elle retrouve au bout du compte : «Cette solitude là m'est indispensable. C'est un instant de recueillement ou à l'inverse de déconnexion totale. Un rituel, une célébration. J'y ai souvent le sentiment de fêter ici la femme que j'étais là-bas. Celle qui se débattait avec tant de difficultés et sans autre moyen que sa rage de vivre». Ecrit avec la même verve mordante que les précédents, ce récit est d'une franchise explosive. Porteur d'une écriture directe pleine d'humour et d'une poésie quasi congénitale, il donne accès à la vie intérieure d'une de ces Algériennes qui ont eu à inventer leur chemin à contre-courant de tout et de tous. Ce roman appelle irrésistiblement, comme un contre-chant, ces extraits d'une poésie de celui qui écrivait pour «Les temps à venir», teintée de cette couleur verte qui pour Malika Mokeddem est la couleur même de l'amour : «Je viens vers toi du lointain vert des voiles/Vague vers son rivage fille de mers mêlées/Tu es ma raison rêveuse... (Que la joie demeure, p.43)
Installée à Montpellier, Malika Mokeddem a précédemment écrit 6 ouvrages : Les hommes qui marchent (1990), Le siècle des sauterelles ( 1992), L'Interdite (1993), Des rêves et des assassins (1995), N'Zid ( 2001), La Transe des insoumis (2005). Ses travaux ont été couronnés de nombreuses distinctions.
Dans son dernier roman, dont le titre est emprunté à la célèbre chanson de Barbara, Malika Mokeddem entreprend une autobiographie qui remonte aux premières années de son existence. Jamais le principe selon lequel tout se joue avant six ans n'aura été autant vérifié que lors de cette enfance de fillette née en 1949 à Kenadsa, petite ville du sud-ouest connue pour ses mines de charbon et pour l'aura de son maître spirituel, Sidi M'hammed Ben Bouziane (1650/1733), identifié comme le pôle des soufis de son temps.
Et jamais le poème de Bachir Hadj Ali (1920/1991), intitulé «A mes filles», n'aura trouvé une illustration plus éclatante. Le poète y exhorte ses filles à refuser «le pardon du mal qui leur sera fait» afin que «les plus lisses promenades» leur soient offertes.
Ce début de vie, campé sur le refus de coopérer avec l'ordre familial néo-patriarcal, semble avoir sauvé la petite Malika d'un destin de ménagère confiné aux seules tâches domestiques. Elle y gagne, à la force des poignets, mais également à la faveur du grand chamboulement qu'est l'indépendance du pays, un double parcours de médecin spécialisé en néphrologie et d'écrivain parmi les plus appréciés de son époque.
«Les plus lisses promenades»
A-t-elle pour autant accédé aux «plus lisses promenades»? Incontestablement. Mais également aux plus douloureuses : «Il y a tant de solitudes imbriquées dans la mienne : sans famille en dépit d'une nombreuse fratrie. Sans enfants par choix. Seule entre deux pays où je suis souvent mise en demeure de m'expliquer sur des choix intimes, fondateurs. De négocier ma présence. Seule entre l'écriture et la médecine où la tentation est si grande de toujours me ramener d'une façon ou d'une autre à la frontière…»
Sa soif de dignité et de liberté, non négociable, s'accompagne de dévouement au soulagement des souffrances humaines. Ceci elle l'apprend très jeune, étant l'interprète de l'infatigable docteur Shalles, médecin de sa localité. Ce destin de défricheuse des territoires interdits aux femmes la mène au lycée de Béchar, puis aux universités d'Oran et de Paris en 1979. Donc bien avant que l'Algérie ne connaisse les cruels soubresauts d'une agonie annoncée qui vont pousser les femmes du pays à constituer un véritable front du refus au diktat islamiste. Parallèlement à un métier très astreignant, elle vit nombre de relations amoureuses, qu'elle interrompt parfois brutalement, comme elle l'a appris, fille «mal-aimée» de son père : «Et je te dois d'avoir toujours su me séparer d'eux aussi (…) Lorsque l'amour s'emmure en prison, vire en amertume, en jalousie, je déguerpis. Je ne veux pas renoncer à en attendre le meilleur (….). Quitter, rompre, pour moi, c'est reprendre un rêve d'amour ignoré, bafoué ou altéré et aller le faire chanter, danser ailleurs. C'est le refus de l'oppression, de la médiocrité et de la résignation.» Ce père, elle l'évoque encore après la fin d'une union conjugale qui dure 17 ans et qu'elle interrompt, car son conjoint (pourtant Occidental) «crève» de la voir écrire après l'y avoir poussée : «Onze ans déjà que je suis seule. Vous, l'inconnu, qui allez peut-être faire irruption dans ma vie, sachez qu'il vous reste treize autres années pour prétendre rivaliser avec l'absence de mon père». Ainsi débute le dernier chapitre du roman.
Une vie plus qu'assumée revendiquée
C'est la succession d'hommes qui comptent dans sa vie, à commencer par ceux de sa famille et de son bled, que Malika narre avec une sincérité remarquable. « Le silence entre nous remonte à dix ans avant mon départ de l'Algérie (…) J'écris tout contre ce silence, mon père. J'écris pour mettre des mots dans ce gouffre entre nous. Lancer des lettres comme des étoiles filantes dans cette insondable opacité (…). Cette vie qui te reste taboue je veux l'écrire jusqu'au bout. Je revendique mes amours successives dont certaines «mécréantes».
Ce dur parcours de résistante qui ne fera jamais de concession à ceux qu'elle aime, qui par là même veulent la piéger, elle l'inaugure à l'âge où les autres jouent à la poupée. «Enfant, lorsque je mettais des mots encore maladroits sur ces injustices, vous me rétorquiez, ma mère et toi que j'étais diabolique. Je devais l'être et pas qu'un peu. C'est diabolique la discrimination des parents. En prendre conscience est la première confrontation avec la cruauté. Moi je voulais de l'amour, de la joie. A essayer de les conquérir, c'est la liberté que j'ai gagnée», écrit-elle en début d'ouvrage.
Grandie dans ce lieu pourtant prestigieux de la spiritualité musulmane, la petite fille aux longues tresses et au teint de bronze n'en retient que l'injustice familiale qui lui est faite très tôt par la préférence ouvertement accordée aux garçons. Le jour où elle demande à son père une bicyclette, celui-ci refuse en mettant en avant la modestie des revenus familiaux. Pourtant cette bicyclette est accordée avec facilité à son jeune frère qui lui n'affronte pas encore le long chemin harassant qui mène à l'école. Cette flagrante injustice s'avère fondatrice du caractère de la petite fille qui choisit son camp pour la vie : celui des insoumis.
Rêveries sur la dune
Au lieu de s'astreindre aux tâches ménagères sans fin dont est accablée sa mère, elle prend l'habitude de se réfugier au sommet de « sa » dune, El Barga, pour y méditer et rêver son avenir contre le désert des mentalités. Elle s'habitue à la solitude féconde qui déjà annonce l'écriture. Une solitude qu'elle retrouve au bout du compte : «Cette solitude là m'est indispensable. C'est un instant de recueillement ou à l'inverse de déconnexion totale. Un rituel, une célébration. J'y ai souvent le sentiment de fêter ici la femme que j'étais là-bas. Celle qui se débattait avec tant de difficultés et sans autre moyen que sa rage de vivre». Ecrit avec la même verve mordante que les précédents, ce récit est d'une franchise explosive. Porteur d'une écriture directe pleine d'humour et d'une poésie quasi congénitale, il donne accès à la vie intérieure d'une de ces Algériennes qui ont eu à inventer leur chemin à contre-courant de tout et de tous. Ce roman appelle irrésistiblement, comme un contre-chant, ces extraits d'une poésie de celui qui écrivait pour «Les temps à venir», teintée de cette couleur verte qui pour Malika Mokeddem est la couleur même de l'amour : «Je viens vers toi du lointain vert des voiles/Vague vers son rivage fille de mers mêlées/Tu es ma raison rêveuse... (Que la joie demeure, p.43)
Installée à Montpellier, Malika Mokeddem a précédemment écrit 6 ouvrages : Les hommes qui marchent (1990), Le siècle des sauterelles ( 1992), L'Interdite (1993), Des rêves et des assassins (1995), N'Zid ( 2001), La Transe des insoumis (2005). Ses travaux ont été couronnés de nombreuses distinctions.


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