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Un grand nom de la littérature africaine
Sony Labou Tansi
Publié dans Le Midi Libre le 02 - 07 - 2008

L'inégalable auteur de «l'Anté-peuple» est à lire et à relire. Ses écrits fabuleux sont toujours d'actualité. L'écriture profonde garde, éternellement, la splendeur du premier jet.
L'inégalable auteur de «l'Anté-peuple» est à lire et à relire. Ses écrits fabuleux sont toujours d'actualité. L'écriture profonde garde, éternellement, la splendeur du premier jet.
Sony Labou Tansi est l'un des grands noms de la littérature et du théâtre africains. Après une relative période d'éclipse, la publication d'inédits et diverses manifestations, notamment en France (lectures et nouvelles créations dramatiques) sont l'occasion de rappeler combien cet écrivain atypique demeure une référence dans la création contemporaine. Sony Labou Tansi est mort du sida, le 14 juin 1995. L'écrivain congolais avait tout juste 48 ans. Et déjà quasiment vingt-cinq ans de carrière littéraire derrière lui, au cours de laquelle il avait produit une œuvre singulière, protéiforme – fiction, théâtre, poésie – qui a profondément renouvelé la littérature africaine. Au point que les nouvelles générations d'écrivains noirs ne jurent aujourd'hui que par lui et voient dans sa luxuriance verbale et son foisonnement créatif des modèles à la hauteur des nouveaux défis de la littérature africaine. Si ce Diogène congolais — comparaison heureuse que l'on doit à un autre Congolais de talent, Tchicaya U Tam Si — continue d'exercer une influence profonde sur le monde littéraire africain, force est de constater que ses œuvres sont de moins en moins lues, et ses pièces, mises en scène en France par des metteurs en scène comme Daniel Mesguich ou Gabriel Garran, sont aujourd'hui rarement jouées.
Re-découverte de ses œuvres
Les amis et les admirateurs de l'écrivain avaient fait du dixième anniversaire de sa disparition une occasion de redécouvrir une œuvre exceptionnelle, riche de six romans, d'une quinzaine de pièces de théâtre, de nouvelles et de recueils de poésie. C'est à cette redécouverte qu'invite le coffret paru aux éditions Revue noire, sous le titre L'Atelier de Sony Labou Tansi : trois volumes de textes inédits, composés de trois recueils de poésies, d'une version alternative du roman déjà publié sous le titre de ‘'L'Etat honteux'', et de correspondances de l'auteur avec ses amis et ses mentors, notamment Françoise Ligier et José Pivin. Ces inédits avaient été, avec d'autres textes, présentés lors d'une lecture publique au Théâtre international de langue française (TILF), à Paris, en présence de Daniel Mesguich et Monique Blin qui ont contribué à faire connaître l'œuvre de Sony en France. Parmi les autres événements prévus à l'occasion de cet anniversaire, il y a le spectacle — basé sur les textes de Sony Labou Tansi et du Congolais Dieudonné Niangouna — qu'a préparé le metteur en scène Jean-Paul Delore pour le festival Les Météores, à Douai, dans le nord de la France. Depuis ces célébrations, très peu d'activités sont organisées, de par le monde, à ce géant africain. En Algérie, dans les années 80, la défunte maison d'édition Laphomic avait publié quelques romans de cet immense auteur. L'oeuvre de Tansi incite à la révolte quand les gouvernants sont à la solde de anciens colonisateurs. Mais c'est une révolte lucide qui doit savoir où trouver les raisons de construire après la violence. "Ceux qui sont morts ne sont jamais partis, ils sont dans l'ombre qui s'éclaire et dans l'ombre qui s'épaissit, les morts ne sont pas sous la terre", ces quelques vers du vieux sage Birago Diop, tirés de son poème ‘'Souffles'', sont d'une vérité indéniable, ils s'appliquent de façon moins discutable lorsqu'il s'agit d'évoquer les artistes. Sony Labou Tansi en fait partie lui qui pourtant est encore présent parmi nous à travers son oeuvre à la fois riche et puissante. Sony Labou Tansi est né sous le patronyme de Marcel Ntsoni, le 5 juillet 1947 à Kimwanza en RDC, le pays de son père, et s'est éteint au Congo Brazzaville, le pays de sa mère, patrie qu'il a foulé à l'âge de douze ans et n'a plus jamais quitté. Car il y a fait ses études primaires, secondaires et professionnelles. A l'issue de sa formation professionnelle à l'ENSAC (école normale supérieure d'Afrique centrale), il devint professeur d'anglais et de français. En 1971, il commença à enseigner à Kindamba, ensuite il enseigna à Boko et à Pointe-Noire.
L'éternel révolté
Il a aussi été directeur de collège à Mindouli. " J'écris (ou je crie) pour qu'il fasse homme en moi", disait Sony. Il affirmait qu'être homme était son «métier» et «révolté» sa fonction. Il aura été un écrivain complet et accompli, touchant à tous les genres littéraires avec une aisance impressionnante. Pourtant, il connut d'abord l'échec, lorsqu'en 1966 les éditions Le Seuil refusèrent son premier roman intitulé ‘'Le Premier pas''. Cet échec le permit de faire découvrir au monde ses talents de dramaturge. C'est ainsi qu'entre 1971-1972, il créa sa compagnie le Rocado Zulu théâtre avec laquelle il donna des représentations dans le monde entier et remporta de nombreux prix. En 1985, il fit sensation au festival des francophonies de Limoges avec sa pièce ‘'Rue des mouches''. En 1988, le syndicat professionnel de la critique dramatique lui décerna le Prix de la fondation Ibsen pour sa pièce ‘'Antoine m'a vendu son destin''. Sony revint à l'écriture romanesque en 1979 en publiant ‘'La Vie et demie'', un roman à l'écriture dérangeante qui conspuait les dictatures africaines. S'ensuivirent plusieurs autres romans dont par exemple ‘'L'Etat honteux'' et ‘'L'Anté-peuple'' qui obtint le grand prix littéraire d'Afrique noire en 1983. Sony a aussi publié des nouvelles primées au concours de la nouvelle organisé par RFI (Le malentendu, Lèse Majesté, le serment d'Hippocrate, etc.). En véritable homme de culture, il s'est aussi essayé à la poésie et a publié à titre posthume un recueil intitulé ‘'Poèmes et vents lisses'' (1995). Mais son abondante oeuvre poétique reste encore inédite. Avec le vent de la démocratie qui souffla sur le Congo dans les années 90, Sony Labou Tansi s'intéressa aussi à la politique après l'avoir tant évoqué dans ses oeuvres théâtrale et romanesque. Il choisit alors le MCDDI de Bernard Kolélas pour véhiculer ses idéaux d'amour et mener son combat pour la liberté et la fraternité. En 1993, il fut élu député de l'arrondissement Makélékélé où il résidait. Avant qu'elle ne se saisisse de lui et ne l'emporte dans l'autre monde, la mort était présente dans les textes de ce grand écrivain disparu trop tôt. C'est à ce titre qu'il écrivait dans un poème : "Je me lève dans l'opprobre, je me lève dans la honte comme un soleil. De sang noir-le silence vire au néant. Mais par méchanceté je danse". L'abondante oeuvre de cet écrivain qui figure désormais au panthéon de la littérature africaine et francophone fait l'objet de diverses études depuis des années.
L'artiste immortel
Après sa mort, un colloque fut organisé à Brazzaville les 13, 14, 15 juin 1996, dénommé : «Sony Labou Tansi ou la quête permanente du sens». Preuve s'il en fallait encore que l'artiste demeurera à tout jamais immortel. Au début, son éducation à Mbanzalele, l'enfant terrible de l'Afrique, a commencé à apprendre le français seulement lorsque son oncle a décidé de le transférer au Congo Brazzaville, où vivait sa famille maternelle. Plus tard, lors d'un entretien, il dira: "Là, moi qui ne connaissait pas un mot de français, j'ai découvert un ami : le «symbole». C'est-à-dire qu'aux enfants qui parlaient leur langue maternelle ou qui faisaient des fautes de français, on accrochait autour du cou une boîte de «merde» pour les punir. Ils la gardaient jusqu'à ce qu'un autre la mérite. J'étais un spécialiste du «symbole», la cible préférée, bien que j'essayais de me taire le plus possible. Je passais beaucoup de temps aux toilettes parce qu'au moins là, on me laissait tranquille... Petit à petit, j'ai fini malgré tout par apprendre". Tout en fréquentant l'école du type occidental, Sony poursuivait son éducation informelle en kikongo, auprès de sa grand-mère. De cette éducation, il lui est resté un attachement à la culture kongo qui paraît évident, et une fascination de l'imaginaire qui transparaît dans ses oeuvres, toutes plus ou moins proches du conte. C'est également à la culture traditionnelle que Sony Labou Tansi doit probablement l'art de suggérer ce qu'il y a au-delà du langage. Comme il le dira : "(...) dans la langue de ma mère est posé sous le langage un sous-langage, sous le dire un sous-dire qui agit de la même manière que le sucre dans l'amidon: il faut mâcher fort pour qu'il sorte...". Comme presque tous les écrivains africains, Sony Labou Tansi représente une compétence culturelle multiple. Il est porteur de différents espaces culturels: celui des traditions de l'ancien Kongo, celui du Congo et de l'Afrique actuelle, celui de la France et des différents prolongements de la culture dite occidentale. "C'est par la littérature et non par la colonisation que j'ai rencontré la France. C'est peut-être pour cela que je ne suis pas très violent. Je ne suis pas haineux. Je n'ai pas perdu l'espoir. C'est par le livre que j'ai rencontré l'homme", écrivait Tansi. "J'écris en français parce que c'est dans cette langue-là que le peuple dont je témoigne a été violé, c'est dans cette langue que moi-même j'ai été violé. Je me souviens de ma virginité. Et mes rapports avec la langue française sont des rapports de force majeure", ajoutait cet admirable dramaturge. Cela rappelle bien des choses aux écrivains algériens.
Sony Labou Tansi est l'un des grands noms de la littérature et du théâtre africains. Après une relative période d'éclipse, la publication d'inédits et diverses manifestations, notamment en France (lectures et nouvelles créations dramatiques) sont l'occasion de rappeler combien cet écrivain atypique demeure une référence dans la création contemporaine. Sony Labou Tansi est mort du sida, le 14 juin 1995. L'écrivain congolais avait tout juste 48 ans. Et déjà quasiment vingt-cinq ans de carrière littéraire derrière lui, au cours de laquelle il avait produit une œuvre singulière, protéiforme – fiction, théâtre, poésie – qui a profondément renouvelé la littérature africaine. Au point que les nouvelles générations d'écrivains noirs ne jurent aujourd'hui que par lui et voient dans sa luxuriance verbale et son foisonnement créatif des modèles à la hauteur des nouveaux défis de la littérature africaine. Si ce Diogène congolais — comparaison heureuse que l'on doit à un autre Congolais de talent, Tchicaya U Tam Si — continue d'exercer une influence profonde sur le monde littéraire africain, force est de constater que ses œuvres sont de moins en moins lues, et ses pièces, mises en scène en France par des metteurs en scène comme Daniel Mesguich ou Gabriel Garran, sont aujourd'hui rarement jouées.
Re-découverte de ses œuvres
Les amis et les admirateurs de l'écrivain avaient fait du dixième anniversaire de sa disparition une occasion de redécouvrir une œuvre exceptionnelle, riche de six romans, d'une quinzaine de pièces de théâtre, de nouvelles et de recueils de poésie. C'est à cette redécouverte qu'invite le coffret paru aux éditions Revue noire, sous le titre L'Atelier de Sony Labou Tansi : trois volumes de textes inédits, composés de trois recueils de poésies, d'une version alternative du roman déjà publié sous le titre de ‘'L'Etat honteux'', et de correspondances de l'auteur avec ses amis et ses mentors, notamment Françoise Ligier et José Pivin. Ces inédits avaient été, avec d'autres textes, présentés lors d'une lecture publique au Théâtre international de langue française (TILF), à Paris, en présence de Daniel Mesguich et Monique Blin qui ont contribué à faire connaître l'œuvre de Sony en France. Parmi les autres événements prévus à l'occasion de cet anniversaire, il y a le spectacle — basé sur les textes de Sony Labou Tansi et du Congolais Dieudonné Niangouna — qu'a préparé le metteur en scène Jean-Paul Delore pour le festival Les Météores, à Douai, dans le nord de la France. Depuis ces célébrations, très peu d'activités sont organisées, de par le monde, à ce géant africain. En Algérie, dans les années 80, la défunte maison d'édition Laphomic avait publié quelques romans de cet immense auteur. L'oeuvre de Tansi incite à la révolte quand les gouvernants sont à la solde de anciens colonisateurs. Mais c'est une révolte lucide qui doit savoir où trouver les raisons de construire après la violence. "Ceux qui sont morts ne sont jamais partis, ils sont dans l'ombre qui s'éclaire et dans l'ombre qui s'épaissit, les morts ne sont pas sous la terre", ces quelques vers du vieux sage Birago Diop, tirés de son poème ‘'Souffles'', sont d'une vérité indéniable, ils s'appliquent de façon moins discutable lorsqu'il s'agit d'évoquer les artistes. Sony Labou Tansi en fait partie lui qui pourtant est encore présent parmi nous à travers son oeuvre à la fois riche et puissante. Sony Labou Tansi est né sous le patronyme de Marcel Ntsoni, le 5 juillet 1947 à Kimwanza en RDC, le pays de son père, et s'est éteint au Congo Brazzaville, le pays de sa mère, patrie qu'il a foulé à l'âge de douze ans et n'a plus jamais quitté. Car il y a fait ses études primaires, secondaires et professionnelles. A l'issue de sa formation professionnelle à l'ENSAC (école normale supérieure d'Afrique centrale), il devint professeur d'anglais et de français. En 1971, il commença à enseigner à Kindamba, ensuite il enseigna à Boko et à Pointe-Noire.
L'éternel révolté
Il a aussi été directeur de collège à Mindouli. " J'écris (ou je crie) pour qu'il fasse homme en moi", disait Sony. Il affirmait qu'être homme était son «métier» et «révolté» sa fonction. Il aura été un écrivain complet et accompli, touchant à tous les genres littéraires avec une aisance impressionnante. Pourtant, il connut d'abord l'échec, lorsqu'en 1966 les éditions Le Seuil refusèrent son premier roman intitulé ‘'Le Premier pas''. Cet échec le permit de faire découvrir au monde ses talents de dramaturge. C'est ainsi qu'entre 1971-1972, il créa sa compagnie le Rocado Zulu théâtre avec laquelle il donna des représentations dans le monde entier et remporta de nombreux prix. En 1985, il fit sensation au festival des francophonies de Limoges avec sa pièce ‘'Rue des mouches''. En 1988, le syndicat professionnel de la critique dramatique lui décerna le Prix de la fondation Ibsen pour sa pièce ‘'Antoine m'a vendu son destin''. Sony revint à l'écriture romanesque en 1979 en publiant ‘'La Vie et demie'', un roman à l'écriture dérangeante qui conspuait les dictatures africaines. S'ensuivirent plusieurs autres romans dont par exemple ‘'L'Etat honteux'' et ‘'L'Anté-peuple'' qui obtint le grand prix littéraire d'Afrique noire en 1983. Sony a aussi publié des nouvelles primées au concours de la nouvelle organisé par RFI (Le malentendu, Lèse Majesté, le serment d'Hippocrate, etc.). En véritable homme de culture, il s'est aussi essayé à la poésie et a publié à titre posthume un recueil intitulé ‘'Poèmes et vents lisses'' (1995). Mais son abondante oeuvre poétique reste encore inédite. Avec le vent de la démocratie qui souffla sur le Congo dans les années 90, Sony Labou Tansi s'intéressa aussi à la politique après l'avoir tant évoqué dans ses oeuvres théâtrale et romanesque. Il choisit alors le MCDDI de Bernard Kolélas pour véhiculer ses idéaux d'amour et mener son combat pour la liberté et la fraternité. En 1993, il fut élu député de l'arrondissement Makélékélé où il résidait. Avant qu'elle ne se saisisse de lui et ne l'emporte dans l'autre monde, la mort était présente dans les textes de ce grand écrivain disparu trop tôt. C'est à ce titre qu'il écrivait dans un poème : "Je me lève dans l'opprobre, je me lève dans la honte comme un soleil. De sang noir-le silence vire au néant. Mais par méchanceté je danse". L'abondante oeuvre de cet écrivain qui figure désormais au panthéon de la littérature africaine et francophone fait l'objet de diverses études depuis des années.
L'artiste immortel
Après sa mort, un colloque fut organisé à Brazzaville les 13, 14, 15 juin 1996, dénommé : «Sony Labou Tansi ou la quête permanente du sens». Preuve s'il en fallait encore que l'artiste demeurera à tout jamais immortel. Au début, son éducation à Mbanzalele, l'enfant terrible de l'Afrique, a commencé à apprendre le français seulement lorsque son oncle a décidé de le transférer au Congo Brazzaville, où vivait sa famille maternelle. Plus tard, lors d'un entretien, il dira: "Là, moi qui ne connaissait pas un mot de français, j'ai découvert un ami : le «symbole». C'est-à-dire qu'aux enfants qui parlaient leur langue maternelle ou qui faisaient des fautes de français, on accrochait autour du cou une boîte de «merde» pour les punir. Ils la gardaient jusqu'à ce qu'un autre la mérite. J'étais un spécialiste du «symbole», la cible préférée, bien que j'essayais de me taire le plus possible. Je passais beaucoup de temps aux toilettes parce qu'au moins là, on me laissait tranquille... Petit à petit, j'ai fini malgré tout par apprendre". Tout en fréquentant l'école du type occidental, Sony poursuivait son éducation informelle en kikongo, auprès de sa grand-mère. De cette éducation, il lui est resté un attachement à la culture kongo qui paraît évident, et une fascination de l'imaginaire qui transparaît dans ses oeuvres, toutes plus ou moins proches du conte. C'est également à la culture traditionnelle que Sony Labou Tansi doit probablement l'art de suggérer ce qu'il y a au-delà du langage. Comme il le dira : "(...) dans la langue de ma mère est posé sous le langage un sous-langage, sous le dire un sous-dire qui agit de la même manière que le sucre dans l'amidon: il faut mâcher fort pour qu'il sorte...". Comme presque tous les écrivains africains, Sony Labou Tansi représente une compétence culturelle multiple. Il est porteur de différents espaces culturels: celui des traditions de l'ancien Kongo, celui du Congo et de l'Afrique actuelle, celui de la France et des différents prolongements de la culture dite occidentale. "C'est par la littérature et non par la colonisation que j'ai rencontré la France. C'est peut-être pour cela que je ne suis pas très violent. Je ne suis pas haineux. Je n'ai pas perdu l'espoir. C'est par le livre que j'ai rencontré l'homme", écrivait Tansi. "J'écris en français parce que c'est dans cette langue-là que le peuple dont je témoigne a été violé, c'est dans cette langue que moi-même j'ai été violé. Je me souviens de ma virginité. Et mes rapports avec la langue française sont des rapports de force majeure", ajoutait cet admirable dramaturge. Cela rappelle bien des choses aux écrivains algériens.


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