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À la recherche de l'idéologie algérienne, entre le mirage et la réalité
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 15 - 10 - 2013

Je m'étais promis de ne plus intervenir sur l'article posté par notre ami Ahmed Amokrane relatif à Boumédiène et Djamal Abd Ennasser (http://lequotidienalgerie.org/2013/10/01/boumediene-djamel-abdenasser-ou-les-deux-architectes-de-la-meme-faillite/#comment-82681), mais les nombreuses interventions de nos ami(e)s des deux bords (pro et anti) m'ont donné à réfléchir sur la nature du différend qui les oppose. J'ai aussi pris la peine de lire, par la même occasion, le texte complet de la Déclaration du Congrès de Tripoli (Juin 1962) et celui de la Charte d'Alger (Avril 1964) (http://www.el-mouradia.dz/francais/symbole/textes/symbolefr.htm).
Ce qui saute immédiatement aux yeux, lorsqu'on lit ces deux textes, c'est que leur contenu montre clairement que leurs rédacteurs étaient des adeptes de la doctrine marxiste. Or, en 1946, le paysage politique algérien (autochtone ou musulman, s'entend) comprenait quatre courants: le MTLD (héritier de l'ENA et du PPA de Messali et ses amis) – de loin le plus important en influence et en nombre de militants –, l'UDMA de Ferhat Abbas, l'Association des Oulémas (fondée par Cheikh Ben Badis) et le Parti Communiste Algérien. Nul ne me contredira, je pense, si je disais que les marxistes se trouvaient quasiment tous au PCA à cette époque. On sait que les communistes, après beaucoup d'hésitation, finiront par rejoindre le FLN, en 1956.
La question qui se pose d'emblée, c'est de savoir comment, en l'espace de six ans, la doctrine marxiste a pu se propager au sein du FLN pour y devenir dominante et marquer à ce point le programme de ce front, devenu parti après l'indépendance. Cependant, si on prend en compte l'échec de ce programme, mis en œuvre, d'abord timidement, par Ben Bella, puis de manière plus résolue, par Boumédiène, ainsi que la rapidité avec laquelle il fut renié par les successeurs du colonel-dictateur, après la mort de ce dernier, tout devient clair. Selon moi, ce programme a été rédigé par un petit groupe d'intellectuels marxistes ou marxisants, qui n'étaient pas représentatifs de l'ensemble des courants qui traversaient le FLN à l'époque. Ils y étaient même minoritaires. Leur apparente hégémonie tient d'abord au fait que le FLN de 1954-62 n'avait pas d'idéologie, ni de programme précis, et il fut donc facile pour les marxistes, qui disposaient d'une doctrine et d'un programme très cohérents et redoutablement efficaces, d'occuper le vide. D'autre part, l'idéologie n'était pas une priorité pour les dirigeants de la révolution entre 1954 et 1962, le mot d'ordre d'indépendance étant le seul autour duquel peuple et dirigeants se mobilisaient et la préoccupation quotidienne, celle de la survie des moudjahidine dans les djebels, afin de perpétuer le combat libérateur.
Ferhat Abbas avait dit du programme de Tripoli que c'était « du communisme mal digéré ». Et il avait en cela parfaitement raison, car toute la rhétorique marxiste qui en suintait à chaque ligne et qu'on retrouvera, encore plus apparente dans la Charte d'Alger, en 1964, n'avait aucune attache avec la réalité. On nageait en plein surréalisme : ce programme était celui d'une révolution de type marxiste, alors que les marxistes y étaient une petite minorité et que le Parti Communiste n'avait jamais réussi à y exercer un rôle dominant! Qu'on me comprenne bien : je ne dis pas cela dans le but de dénigrer les marxistes, mais afin de faire ressortir les incohérences qui seront à l'origine des nombreux déboires que connaîtra notre pays par la suite et de l'échec multidimensionnel de la révolution algérienne après l'indépendance, révolution qui prit son essor le 1er novembre 1954.
Le programme de la minorité marxiste ou marxisante du FLN fut donc adopté par la quasi-totalité de l'élite dirigeante de l'époque, non pas par conviction, mais par paresse intellectuelle et par une sorte de négligence et de suivisme typiquement algériens, qu'on retrouvera chez les élites tout au long des 51 années d'indépendance qui suivront. Le rôle du jeune colonel Boumédiène fut également déterminant. Il me semble que, bien qu'ayant été un étudiant d'El Azhar, il fut séduit par la doctrine marxiste durant son séjour en Tunisie et y subit l'influence de Frantz Fanon, dont on sait qu'il était partisan d'une certaine forme de marxisme tiers-mondiste. Boumédiène, un idéaliste ambitieux dont la personnalité était sans doute portée à la simplification et qui n'était pas particulièrement adepte de l'art des nuances – étant en cela aux antipodes de Ferhat Abbas, par exemple –, se saisit à bras-le-corps du programme marxiste de la Déclaration de Tripoli renforcé par la Charte d'Alger, et tenta, tout au long des treize années durant lesquelles il se trouva quasiment seul maître à bord sur le bateau Algérie, de lui donner corps vaille que vaille.
Mais la réalité est têtue et Boumédiène et ses amis furent quasiment obligés de recourir à la « marche forcée » militaire, vue l'absence de relais au sein de la société. Comble du paradoxe, leur action, qui s'appuyait sur des textes qui glorifiaient la paysannerie pauvre et en faisaient un acteur majeur de l'Histoire, tendait en réalité à tuer cette paysannerie attachée à ses petits lopins de terre et sa culture traditionnelle, pour la remplacer par une masse d'ouvriers agricoles salariés de l'Etat, masse sans âme et sans consistance, proie facile à avaler pour la bureaucratie tentaculaire que le nouvel Etat national algérien « socialiste » secrétait à tour de bras. La « fast-industrialisation » (comme on dit fast-food), censée elle aussi venir au secours de l'agriculture en lui donnant les indispensables outils dont elle avait besoin pour se moderniser, se chargera de jouer le rôle de puissant aimant qui attira toute la jeunesse des campagnes vers les centres industriels. Au milieu des années 80, il n'y avait plus en Algérie que des vieillards pour cultiver les champs, pendant que les Souk-el-Fellah étaient pleins d'œufs d'Espagne, de blé du Canada, de pommes de terre d'Australie et de viande congelée d'Argentine.
L'Algérie dont parlaient les rédacteurs marxistes ou marxisants de la Déclaration de Tripoli et de la Charte d'Alger n'existait que dans leur tête. Boumédiène, fort de la domination militaire exercée par l'Armée des frontières dont il était le chef charismatique et ambitieux, n'eut aucun mal à faire taire ses contradicteurs et aînés, qui se rendaient bien compte du décalage qu'il y avait entre les textes et la réalité, mais qui furent dépassés par les évènements et ne purent rien faire contre la logique de conquête du pouvoir par le groupe dominant sur le plan militaire qui se mettait en branle. Ils furent progressivement marginalisés et en vinrent même, pour certains, à douter de la justesse de leur position lorsqu'ils virent la popularité de Boumédiène croître au fil des ans, jusqu'au déferlement populaire qui eut lieu à Alger lors de ses funérailles.
Aujourd'hui encore, persiste en moi cette impression de décalage que j'ai toujours ressentie dans les années 70 – bien que je fusse moi-même séduit par la doctrine marxiste à cette époque – entre un discours résolument révolutionnaire de type marxiste et la réalité vécue. Les mots d'ordre et slogans du FLN tombaient à froid et ne trouvaient aucun écho au sein de la population. Avec le temps, les militants du parti unique et de ses « organisations de masse » furent perçus par cette dernière comme de vulgaires charlatans et escrocs qui essayaient tant bien que mal de vendre une politique à laquelle ils ne croyaient pas – tout comme les charlatans de souk qui vendent des remèdes-miracle dont ils savent pertinemment qu'ils ne servent à rien. Faute de mieux, tout le monde faisait semblant : il fallait mobiliser le « peuple » – « les paysans, les ouvriers, les jeunes, les femmes et les intellectuels révolutionnaires », selon la formule consacrée de l'époque – afin de faire réussir la « révolution socialiste ».
Contrairement à ce que dit notre ami Mohamed J., je pense que l'intermède socialiste de notre pays a été, dans une certaine mesure, un grand malentendu, et non un passage obligé. Les autres courants – libéral et islamiste –, qui furent mis en minorité et refoulés par la contrainte hors du champ politique par la coalition « de gauche » sous la houlette du colonel Boumédiène, reviendront en force après octobre 88, le libéralisme prenant possession de la sphère économique et l'islamisme dominant dans la sphère culturelle populaire. Un autre grand absent des deux textes-programmes de 1962 et 1964, l'amazighité, reprendra lui aussi toute sa place dans les débats publics après le Printemps Berbère d'avril 1980. La rhétorique marxiste de la Déclaration de Tripoli et de la Charte d'Alger semblent bien loin aujourd'hui. Le « communisme mal digéré », que de jeunes idéologues marxisants réussirent à vendre à des dirigeants ambitieux pressés de prendre le pouvoir, n'a pas dépassé le stade du saupoudrage et du vernissage, mince croûte que les supporters du colonel-dictateur qui se fichaient éperdument de l'idéologie, le pouvoir et les avantages qu'il procurent ayant toujours été leur seule préoccupation, se chargeront de faire disparaître après sa mort.
Quelle était la véritable idéologie du FLN en 1962, je veux dire l'idéologie réellement représentative des couches populaires qui avaient répondu à l'Appel du 1er novembre 1954 et fourni les contingents successifs de moudjahidine prêts à donner leur vie pour l'indépendance de l'Algérie ? Quelle était donc cette idéologie que les intellectuels révolutionnaires de l'époque ne furent pas en mesure d'élaborer sur le plan théorique, lui préférant à la hâte une mouture marxiste de « communisme mal digéré » qui n'avait aucune attache avec le substrat économique, social et culturel de l'Algérie des années 50-60 et qui ne risquait pas de pénétrer profondément dans les consciences, tant elle était loin de l'homo algerianus sur le plan anthropologique. Quelle était cette idéologie dans laquelle se seraient reconnus aussi bien Boudiaf, que Ferhat Abbas, Aït-Ahmed, Ben Bella, Ben Khedda, Sadeq Hadjerès, Tewfiq el Madani, Abdelhamid Mehri, etc. ? Nous sommes toujours à sa recherche, 51 ans après le fameux Congrès de Tripoli de juin 1962.


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