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Lahouari Addi: «Aucune force ne pourra s'opposer aux demandes des Algériens»
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 21 - 06 - 2019


MIS EN LIGNE LE 20/06/2019 À 17:39
plus.lesoir.be
Pour le sociologue algérien Lahouari Addi, l'état-major de l'armée table sur un essoufflement de la contestation populaire. mais le rapport de force est actuellement en faveur de la population.
Entretien
Depuis quatre mois, l'Algérie est en ébullition. Pacifiquement ! La population ne veut plus de son régime opaque et corrompu. Lahouari Addi, éminent professeur de sociologie, nous a confié son analyse sur ce mouvement extraordinaire appelé le « hirak ».
L'Algérie vit des moments historiques sans précédents, les Algériens descendent dans la rue chaque semaine depuis le 22 février, le régime chancelle, que s'est-il passé ?
Ce qui s'est passé, c'est qu'avec le président Abdelaziz Bouteflika, les différentes affaires de corruption ont totalement discrédité le régime. Il faut ajouter que, depuis 2014, à la suite de la baisse du prix du pétrole, une politique d'austérité avait été mise en place, ce qui a approfondi le mécontentement. Quand le régime a annoncé en février dernier la candidature pour un 5e mandat de Bouteflika, pourtant gravement malade, la population est sortie en masse pour demander le départ du régime.
Comment décririez-vous le régime algérien ?
Le régime algérien n'a pas changé depuis l'indépendance malgré l'abandon du système de parti unique en 1989. Sa caractéristique principale est que, au sommet de l'Etat, il y a le pouvoir réel détenu par le commandement militaire, et le pouvoir formel exercé par le président et le gouvernement. Le commandement militaire, outre qu'il désigne le président à travers une mascarade électorale, charge le service d'espionnage (le fameux DRS) de choisir les ministres, les députés et les maires. Il infiltre aussi les partis, les syndicats, les associations, les médias. Le revers de la médaille est qu'il attire des opportunistes pour les fonctions gouvernementales et électives. Le DRS recrute des gens qui pensent que l'exercice de l'autorité publique est un moyen d'enrichissement personnel. C'est ce qui explique qu'aujourd'hui des dizaines de responsables, dont deux Premiers ministres et plusieurs ministres, ont été arrêtés.
Mais le DRS a été dissous en 2015 et son chef le général Tewfik Médiène a été mis à la retraite.
Le DRS n'a pas été dissous, il a été restructuré en 2015 parce qu'il avait échappé à l'autorité de l'état-major dont il dépend organiquement. Il a été réorganisé avec la mise à la retraite de ses chefs remplacés par d'autres officiers. Le régime ne peut pas se passer de la police politique, c'est l'instrument qui lui permet de contrôler le champ politique.
Si on compare ces événements avec les « printemps arabes », on note que les Algériens font preuve d'une obstination dans le respect de la non-violence et que le régime ne fait pas tirer dans la foule. Comment expliquer ces deux attitudes parallèles ?
Ledit printemps arabe a eu lieu en Algérie avec les émeutes d'Octobre 1988 qui ont mis fin au système de parti unique. Lors des émeutes, il y a eu des pillages et des destructions d'édifices publics. L'armée a tiré sur les foules pour rétablir l'ordre, tuant 500 personnes. Les manifestants d'aujourd'hui ont appris la leçon et protestent pacifiquement en chantant, accompagnés d'enfants habillés aux couleurs nationales. L'état-major ne peut pas donner l'ordre de tirer sur des manifestants pacifiques. Et s'il donne cet ordre, il n'est pas sûr qu'il soit obéi par la troupe. Il table sur un essoufflement du mouvement pour passer à l'offensive.
Vous faites souvent la différence entre l'armée et le sommet de ce corps (dont le général Gaïd Salah), pouvez-vous expliquer ?
L'armée en Algérie ne fait pas de politique. Les capitaines, commandants et colonels sont des soldats disciplinés qui obéissent à la hiérarchie. Il n'y a jamais eu en Algérie de rébellion d'unités opérationnelles contre l'autorité de l'Etat comme cela s'est passé dans plusieurs pays du tiers monde. Par contre, le commandement militaire, en raison de vicissitudes historiques, s'est substitué à l'électorat. Il désigne le président et charge le DRS de contrôler le champ politique. J'ai discuté il y a deux ans à Alger avec un colonel rencontré lors des obsèques d'un parent, et il ressort qu'il ne savait pas que le DRS était impliqué si profondément dans la politique.
Et pourtant en 1992, les officiers ont fait corps avec les généraux qui ont annulé les élections et réprimé les islamistes…
En 1992, l'état-major prétendait combattre l'intégrisme qui allait, selon le discours officiel, renvoyer l'Algérie au Moyen Age. Il a été soutenu par une frange de la population effrayée par l'intolérance religieuse des islamistes de l'époque. Aujourd'hui, le commandement militaire n'a pas ce prétexte pour réprimer les manifestants. Les officiers de rang ne sont ni des robots ni des mercenaires et si l'ordre de tirer sur les manifestants est donné, l'unité de l'armée serait en danger. Quand le chef d'état-major Gaid Salah parle, il s'adresse aussi aux officiers pour leur dire que le commandement militaire est avec le peuple. Car il sait qu'une partie des officiers est sensible aux revendications du mouvement populaire.
Gaïd Salah est-il en phase avec le peuple, comme il le dit, ou cherche-t-il à sauver ce qui peut l'être du régime ?
Gaid Salah dit aux manifestants qu'il a compris leurs demandes légitimes de justice et qu'il s'engage à les satisfaire. En envoyant plusieurs responsables civils en prison, il pense que le mouvement de protestation va s'arrêter. En réalité, il sacrifie la façade civile du régime pour préserver sa façade militaire. À ce jour, aucun général n'a été inquiété par la justice pour fait de corruption.
La contestation populaire, le « hirak » peine à se trouver des représentants, croyez-vous que la réunion de la « société civile » du samedi 15 juin incarne une avancée significative ?
Si le hirak se structure et désigne des représentants, il perdra de sa dynamique parce que le DRS fera tout pour les récupérer. Quant à la feuille de route de la société civile, elle brille par sa naïveté. Elle suppose que la crise est due à des dysfonctionnements de l'Etat qui pourraient être corrigés par une réforme constitutionnelle ou par l'élection d'un président. Les rédacteurs de la feuille de route n'ont pas compris que le commandement militaire pourra absorber la transition comme il a absorbé le multipartisme après 1989.
Les islamistes sont discrets. Ont-ils disparu ?
Non, ils continuent d'être un courant politique important dans la société. Mais ils n'ont pas l'influence qu'ils avaient dans les années 1980. Beaucoup d'entre eux se sont politisés et ne considèrent plus que pour être un bon citoyen il faut aller à la mosquée. Je remarque deux tendances parmi eux. Il y a ceux qui cherchent à s'approcher de l'armée pour établir un régime militaro-islamiste, et ceux qui cherchent à construire une démocratie électorale dans le respect des principes de l'islam. Quant aux faux islamistes du DRS, en se mêlant aux manifestants, ils essayent de saboter le hirak parce qu'ils ont peur d'un changement de régime.
Comment voyez-vous la transition ?
La transition est le passage d'un régime à un autre, et elle ne peut réussir si elle est conduite par le personnel de l'ancien régime. Elle doit être menée par une présidence collégiale composée de personnalités qui n'ont jamais occupé des fonctions dans l'ancien système. Sa tâche principale sera de dépolitiser l'état-major dont la fonction se limitera aux affaires militaires. L'Etat moderne exige de dépolitiser la religion mais aussi l'armée.
Faudra-t-il un jour juger les corrompus ? Ce serait une tâche titanesque !
Juger les corrompus bien sûr, mais c'est au nouveau régime de le faire. Le général Gaid Salah a donné un coup de fil pour faire arrêter des anciens ministres corrompus. Si dans deux mois, la mobilisation diminue, il donnera un autre coup de fil pour les faire libérer. La politique est un rapport de forces ; aujourd'hui le rapport de forces est en faveur du hirak, mais qu'en sera-t-il demain quand la ferveur diminuera ?
Malgré la complexité que vous venez de décrire, vous semblez optimiste…
Oui car la crise que vit l'Algérie est une crise de croissance. Ce n'est pas un conflit qui oppose des civils entre eux ; ce n'est pas un conflit qui oppose la population à l'armée. C'est une ébullition sociale qui va réarticuler l'Etat à la société. C'est un mouvement venu des profondeurs de la société qui demande à ce que l'autorité publique ne soit pas utilisée à des fins privées. Aucune force ne pourra s'opposer à cette demande.
Lahouari Addi, biographie expresse
B. L.
Lahouari Addi est professeur émérite en sociologie à Sciences Po Lyon et Visiting Scholar à Georgetown University. Il est aussi membre du laboratoire du CNRS Triangle. Il a enseigné en Algérie, en France et aux Etats-Unis. Depuis le début du « hirak » en Algérie, ses écrits dans la presse algérienne et sur sa page facebook ont beaucoup d'écho et donnent des clés de compréhension de ce mouvement. Il a rédigé de nombreux articles et ouvrages sur les expériences de construction nationale dans le monde arabe, en particulier l'Algérie. Son dernier ouvrage est Radical Arab Nationalism and Political Islam, Georgetown University Press, 2017. Son prochain ouvrage sur le point d'être publié en français et en anglais est La crise du discours religieux musulman. Le nécessaire passage de Platon à Kant, aux Presses universitaires de Louvain, 2019.


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