Saïd Sayoud salue l'avancement des projets    «Les employés ont bénéficié d'augmentations qui ont atteint un taux de 53%»    TECNO propulse la CAN 2025 avec sa nouvelle campagne panafricaine «Power Your Moment»    La paix et la sécurité en Afrique tributaires de l'élimination des derniers bastions du colonialisme    Des colons prennent d'assaut les cours de la mosquée Al-Aqsa    L'armée israélienne fait irruption dans la localité de Qusra    Une première journée pleine de surprises    Feyenoord : Hadj Moussa buteur et passeur face à Telstar    Résiliation à l'amiable du contrat de Salim Boukhanchouche    Les carences du transport scolaire    Le wali Ahmed Boudouh supervise le lancement de la campagne contre la poliomyélite    Sidi Bel-Abbès Fin de cavale du voleur de câbles téléphoniques    Carrefour de l'art contemporain international    Un musée virtuel pour revisiter une vie de création    Concert exceptionnel, le 20 décembre 2025 à la Coupole d'Alger    Le Premier ministre rend une visite de courtoisie au président de Biélorussie    Début à Alger des travaux de la 6e Réunion des chefs des Bureaux nationaux de liaison d'AFRIPOL    Des progrès «tangibles», défend Lotfi Boudjemaâ    Programme TV du 4 novembre 2025 : Coupes et Championnats – Heures et chaînes    Programme TV du samedi 25 octobre 2025 : Ligue 1, Bundesliga, CAF et championnats étrangers – Heures et chaînes    Programme TV du 24 octobre 2025 : Ligue 2, Ligue 1, Serie A, Pro League – Heures et chaînes    Festival international du Malouf: fusion musicale syrienne et russe à la 4e soirée    Adhésion de l'Algérie à l'AIPA en tant que membre observateur unique: le Parlement arabe félicite l'APN    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Examen de validation de niveau pour les diplômés des écoles coraniques et des Zaouïas mercredi et jeudi    APN : la Commission de la santé à l'écoute des préoccupations des associations et parents des "Enfants de la lune"    Réunion de haut niveau du Conseil de sécurité sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Ligne minière Est : Djellaoui souligne l'importance de la coordination entre les entreprises de réalisation    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    CREA : clôture de l'initiative de distribution de fournitures scolaires aux familles nécessiteuses    Poursuite du suivi et de l'évaluation des programmes d'investissement public dans le secteur de la Jeunesse    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.382 martyrs et 166.985 blessés    La ministre de la Culture préside deux réunions consacrées à l'examen de l'état du cinéma algérien    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Livre : Jean-Pierre Filiu et les promesses du Hirak algérien
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 05 - 02 - 2020

Dans son essai « Algérie, la nouvelle indépendance », l'historien explore la « guerre d'usure » entre le régime et le mouvement de protestation.
Par Frédéric Bobin Publié lme 04/02/2020 à 19h00, mis à jour à 09h19
https://www.lemonde.fr/afrique
Le titre scintille comme une lueur d'espoir dans le sombre des nuées. Dans Algérie, la nouvelle indépendance, Jean-Pierre Filiu, prolixe pédagogue des soubresauts du monde arabe, veut rompre avec la sinistrose entourant les poussées émancipatrices dans cette région du monde. L'historien avait démonté dans un précédent ouvrage (Généraux, Gangsters et Djihadistes, 2018) les ressorts d'une « contre-révolution » puisant dans l'héritage multiséculaire de l'élite prétorienne des mamelouks. Hors la Tunisie, les fossoyeurs des espérances de 2011 semblaient triompher partout dans l'aire arabo-musulmane (Syrie, Egypte, Yémen, Cyrénaïque libyenne…), où généraux et djihadistes s'étaient de fait ligués contre les aspirations de leur peuple. Aussi M. Filiu, devenu à son corps défendant chroniqueur d'un naufrage régional, n'a-t-il pas boudé son plaisir quand la bonne nouvelle du Hirak (« mouvement ») algérien a éclairci l'année 2019. Il en a tiré dans l'urgence ce nouveau livre, nourri de rencontres avec les protagonistes à Alger, Oran ou Constantine, et surtout d'une solide connaissance de l'histoire contemporaine de l'Algérie.Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Algérie, le mouvement populaire continue de défier le régime en place
Le 22 février 2019, le Hirak a surgi à rebours de tous les pronostics. On disait l'Algérie amorphe, apathique, tétanisée par la mémoire de l'extrême violence des années 1990 (la « décennie noire »). On la présentait comme enchaînée à la fatalité d'une soumission à un pouvoir machiavélique ou ne se rebiffant furtivement qu'à travers des émeutes sans lendemain. Or voilà qu'elle se dresse contre le cinquième mandat d'un président impotent, Abdelaziz Bouteflika – « l'humiliation de trop » –, avant de muer en soulèvement durable, radical mais pacifique, réclamant le démantèlement de l'ensemble du « système » ayant asservi le pays depuis l'indépendance. Un slogan résume la portée de ce mouvement, scandé par les rituelles marches du vendredi : « 1962, territoire libéré. 2019, peuple libéré ». Du « territoire» au « peuple », M. Filiu tente de décrypter cette quête d'une « nouvelle indépendance ».
Afin de rendre intelligible l'événement multiforme, il tire quelques fils, linéaments dont il remonte le cours comme autant d'affluents à explorer. La piste qu'il déchiffre avec insistance est celle de la réappropriation d'un patrimoine historique confisqué, à savoir la primauté du politique – et donc du civil – sur le militaire dans la lutte indépendantiste. Le dévoiement de la révolution se joue dès ce moment-là, dans les purges avant et surtout après l'indépendance de 1962, quand « l'armée des frontières » (Boumediène et Bouteflika) liquide la résistance intérieure. Comparée aux autres pays arabes, observe M. Filiu, « l'Algérie présente la double spécificité d'être le pays où la lutte pour l'indépendance a été la plus longue et la plus meurtrière, d'une part, et celui où le détournement de l'indépendance a été le plus rapide, d'autre part ». Ainsi s'est nouée cette captation du pays par une caste de prétoriens que l'on appellera plus tard les « décideurs » et dont l'obsession a toujours été de masquer sa prééminence derrière des hommes-liges. L'après-Bouteflika s'est conformé à la règle, mais le « replâtrage d'une nouvelle caution civile », écrit M. Filiu, n'a pas fini d'être défié dans la rue.Lire aussi A l'Ecole des beaux-arts d'Alger, le blues du Hirak
Dans leur résistance au changement, les « décideurs », qui ont cru pouvoir « acheter la paix intérieure » avec une rente pétrolière au « coût exorbitant » et aux effets psychologiques « délétères », buttent sur une nouvelle génération d'Algériens qu'ils connaissent si peu. Urbanisation, massification de l'enseignement universitaire, recul de la fécondité bouleversant la cellule familiale… Les attentes d'une jeunesse travaillée par « les aspirations à l'autonomie » heurtent de plein fouet la « pathétique sclérose de la caste dirigeante », selon l'auteur. Parmi les bataillons des marcheurs du Hirak, M. Filiu décrit notamment le rôle décisif des femmes, qui vivent une « réalité contradictoire où les facteurs indéniables d'émancipation [elles forment les deux tiers de la population étudiante] sont contrés par de puissants blocages d'ordre sociétal ». Il s'intéresse aussi à l'empreinte laissée sur le Hirak par les clubs de supporteurs de football, « le courant le mieux structuré » de la contestation et dont l'encadrement des marches n'a pas peu contribué à « maintenir [leur] caractère pacifique ».
Face à un soulèvement à ce point inédit, le pouvoir tente bien d'activer les vieux réflexes du conspirationnisme, « surjouant la confrontation, y compris linguistique [en appelant à promouvoir l'anglais au détriment du français], avec l'ancienne puissance coloniale ». Le Hirak, mû par un « nationalisme sourcilleux » et résolu à « laver le linge sale en famille », se garde pourtant bien de prêter le flanc au moindre soupçon de connivences étrangères. Dès lors, « une guerre d'usure » s'installe entre la rue et un régime « convaincu que le temps joue en [sa] faveur ». Et les « décideurs » n'ont pas encore abattu toutes leurs cartes. Dans un chapitre consacré aux « barbus en embuscade », M. Filiu s'inquiète notamment d'une possible manipulation autour d'un islamisme pourtant frappé de « décomposition idéologique ». « Après avoir joué les Arabes contre les Kabyles, les arabophones contre les francophones, le régime pousserait bien les islamistes contre les progressistes, met-il en garde. Il ne faut pas sous-estimer les risques générés par l'impasse politique dans laquelle les "décideurs" ont cadenassé le pays. » Pour l'heure, l'auteur veut néanmoins rester optimiste : « Jamais la promesse de la libération n'a semblé aussi accessible en Algérie. »
Algérie, la nouvelle indépendance, de Jean-Pierre Filiu, Seuil, 180 pages, 14 euros.
Frédéric Bobin


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.