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La mémoire coloniale algérienne du Rassemblement national
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 07 - 07 - 2024


https://orientxxi.info/magazine
Si le Rassemblement national (RN) a choisi de demeurer dans l'ambiguïté sur l'Ukraine et l'Europe, il est plus loquace sur l'Algérie. Au-delà du rapport particulier de la France à ce pays, ce dernier est convoqué surtout pour parler de la France et du rapport de celle-ci au monde et à sa mémoire coloniale. Il s'y révèle les approximations d'une perception du monde brouillée par des obsessions identitaires et la permanence des filiations antisémites et xénophobes.
Xavier Driencourt, Jordan Bardella, Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen Orient XXI
HISTOIRE CONFLITS POLITIQUES ALI BENSAAD 6 JUILLET 2024
* Algérie
* Colonisation
* France
* Guerre d'indépendance algérienne
* Politique migratoire

Il n'est pas fortuit que le conseiller le plus en vue des dirigeants du Rassemblement national (RN) sur la diplomatie soit Xavier Driencourt. Celui-ci est même souvent évoqué par les éditorialistes comme un possible ministre des affaires étrangères si ce parti devait accéder au pouvoir. Ancien ambassadeur, très prolixe sur l'Algérie où il a été en poste, il s'est fait connaitre par sa revendication d'une ligne dure vis-à-vis de ce pays, notamment sur la question migratoire. C'est cette position qui a fondé son rapprochement avec le RN. Il est à l'origine de l'idée de révocation de l'accord algéro-français de 1968, devenue une mesure phare du RN.
Cet accord avait été conçu alors pour freiner l'installation des Algériens en mettant fin à la clause de libre circulation contenue dans les accords d'Evian du 18 mars 1962. Depuis, il a été de fait expurgé des avantages concédés aux Algériens et cela au fil de trois avenants négociés en 1985, 1994 et 2001. Surtout, l'obligation de visa instaurée à la fin des années 1980 a de fait aligné les Algériens sur les autres ressortissants du Sud. Il en est resté surtout un avantage accordé aux étudiants légalement installés en France qui leur ouvre la possibilité de s'établir dans une activité non salariée. Par certains aspects, cet accord désavantage même les Algériens puisqu'il leur barre l'accès aux nouveaux dispositifs : passeports talents, cartes pluriannuelles, titre de séjour pour motifs humanitaires, droit au travail et changement de statut des étudiants internationaux par la carte de séjour « recherche d'emploi ou création d'entreprise » ou encore les mécanismes légaux de régularisation1.
La preuve que cet accord n'est pas le facilitateur prétendu de l'immigration des Algériens ni un obstacle au contrôle de celle-ci, c'est que la part des Algériens dans l'immigration en France (12,5 %) est quasiment la même que celle des Marocains (11,9 %) alors que ces derniers ne bénéficient pas d'un tel accord et que leur migration vers la France est plus tardive.
UNE MISE À DISTANCE EST AUSSI DIFFICILE QUE SOUHAITE
Pourquoi donc cette persistance à vouloir faire de cet accord un épouvantail ? C'est qu'en plus de réactiver la thématique clivante de l'immigration en la dramatisant, il convoque l'image d'un pays particulier, l'Algérie, dont le rapport à la France est particulier. Il relève de la politique intérieure dans les deux pays où il est autant instrumentalisé par l'un comme par l'autre. Quand l'Algérie est convoquée, c'est pour en faire le marqueur de clivages politiques à activer voire à hystériser dans la société française. Le fait est qu'au-delà des instrumentalisations croisées de son héritage, la colonisation a produit des proximités particulières entre les deux pays.
L'Algérien reste donc l'étranger dont la mise à distance est aussi difficile que souhaité. Il encombre la mémoire et sa présence, trop imbriquée à la France, est incommode à détacher. Aussi, dans l'ordre de l'incitation à la haine de l'étranger, l'Algérien occupe le haut de l'échelle de la détestation. Il est le bouc émissaire et l'épouvantail.
Feinte ou réelle, la normalisation du RN s'est faite sur beaucoup de sujets. Mais pas sur la colonisation. Sa défense y est même un critère de légitimation. Marine Le Pen qui dit avoir pris des distances politiques avec son père continue à l'encenser pour sa défense de « l'Algérie française ». Celle-ci est également le plus ancien terrain de convergence avec une partie importante de la droite qui, comme le sénateur républicain Bruno Retailleau, soutient que « la colonisation, c'était de belles heures ! ». La rancœur à l'égard de l'ancienne colonie nourrit une agressivité principielle à son égard. La revendication de Driencourt d'imposer un rapport de force avec l'Algérie n'est pas nouvelle. Elle est aussi ancienne que l'indépendance de 1962. Elle fonde une stratégie de la tension qui ne se prive pas de faire usage de l'obstruction quand se profile un apaisement.
LES OCCASIONS MANQUEES DE VALERY GISCARD D'ESTAING
En 1975, le nouveau président Valéry Giscard d'Estaing, « centriste modernisateur », mais ne revenant toujours pas sur son parti-pris pour l'Algérie française comme il l'exposera explicitement 25 ans plus tard dans sa biographie autorisée2, avait préféré saborder les faramineux contrats avec une Algérie dont les revenus avaient explosé en raison du choc pétrolier de 1973 et qui s'engageait dans un ambitieux programme d'industrialisation. Le président Houari Boumediene dont la légitimité révolutionnaire était suffisamment forte pour ne pas craindre la surenchère nationaliste anti-française, avait déclaré : « à qualité égale, l'Algérie choisira la France3 . »
Reçu très chaleureusement en Algérie où il se rend à la demande pressante du patronat, Giscard d'Estaing s'emploiera pourtant à un alignement marqué de la France sur le Maroc notamment en s'engageant à ses côtés sur la question du Sahara occidental. Cela, malgré l'opposition d'une partie de son gouvernement dont le premier ministre Jacques Chirac qui l'accuse de compromettre par cet alignement les intérêts français et de s'être « même déchainé » contre l'Algérie4. Inscrite dans son parcours politique personnel5, cette hostilité était renforcée et instrumentalisée par l'influent Michel Poniatowski, le numéro deux du gouvernement et dont les liens étaient avérés avec les ultras de l'Algérie française. Les relations entre les deux pays plongent dans la tourmente et l'Algérie se tournera vers les pays du bloc socialiste et l'Allemagne fédérale.
Trente ans ans plus tard, quand le président Jacques Chirac, difficilement soupçonnable de « laxisme face à l'immigration », arrive à s'entendre sur un traité d'amitié avec Abdelaziz Bouteflika, le plus francophile des présidents algériens et au fort tropisme occidental, l'extrême droite et la droite dure torpillent la possibilité de l'accord par une « action de commando ». Celle-ci a consisté à faire voter en catimini, dans le dos de Chirac, un texte sur « les aspects positifs de la colonisation » qui ne pouvait que fragiliser Bouteflika devant ses conservateurs.
UNE GUERRE DE CIVILISATION
Cette stratégie de la tension et de l'obstruction avec l'Algérie participe d'une prophétie autoréalisatrice de guerre civilisationnelle, complémentaire et s'alimentant mutuellement avec celle des islamistes que droite et extrême droite prétendent combattre. Elle conforte ceux qui, dans le régime algérien, cultivent une hostilité envers la France pour mieux justifier l'enfermement de leur peuple hors du monde. Une guerre dont les enjeux sont surtout internes à la France. L'encensement de la colonisation est aussi une adresse, aujourd'hui, à la société française. Faire référence à l'Algérie française, c'est convoquer de façon explicite, mais aussi subliminale son héritage idéologique et son univers mental. C'est remettre au-devant de la scène les « valeurs » qui avaient alors fondé le rapport de domination colonial et par lesquelles voudraient se justifier aujourd'hui, à l'intérieur de la société française, les rapports de domination et d'exclusion.
Le RN cherche à se défausser désormais de l'antisémitisme. Celui-ci a pourtant été structurel à la colonisation qui en a été un incubateur plus important qu'en métropole. On peut remonter à Edouard Drumont, auteur de La France juive, figure majeure de l'antisémitisme qui, à défaut de pouvoir être élu député en métropole où il résidait, le sera à Alger où l'ont appelé les colons pour faire de l'antisémitisme leur emblème. Au même moment, c'est le directeur de la Ligue antijuive qui est élu maire d'Alger. Tout au long de l'occupation de l'Algérie, dans ses villes les plus importantes, les colons ont le plus souvent élu des députés, des sénateurs et maires qui, plus que d'être de sensibilité antisémite, en étaient militants à l'instar des plus connus comme Emile Morinaud, député-maire de Constantine et secrétaire du Groupe Antisémite, Jules Molle député-maire d'Oran et ses successeurs de La Ligue Latine antijuive notamment le maire pronazi, l'abbé Lambert. Ils ont organisé des pogroms et même après la défaite de Vichy ont refusé que les juifs retrouvent le statut de citoyenneté octroyé par le décret Crémieux.
De l'histoire ancienne ? Cette déclaration de Pierre Poujade dont Jean Marie Le Pen était alors le porte-parole, est également ancienne : « Tu es en France (...). Est-ce que tu t'es mélangé à la communauté française ? Non. (...). C'est toi le raciste puisque tu n'as pas voulu te mélanger. Tu es venu profiter de la communauté française, de tout ce qu'elle t'a apporté, de cette générosité (...) et tu es resté là, dans ta secte. »6 Pierre Poujade s'adressait aux juifs en général, et à Pierre Mendès France en particulier. En effet, ce dernier avait eu le tort, en plus de sa judéité, d'avoir initié un processus de décolonisation. Plus personne n'oserait en France tenir publiquement de tels propos à l'égard des juifs, ou alors se ferait condamner.
Mais cette même diatribe, ne l'entend-on pas régulièrement et publiquement, avec différentes variations, dans la bouche des dirigeants du RN et de ses sympathisants à l'adresse des immigrés d'origine musulmane ? Le RN n'a pas changé. D'hier à aujourd'hui, c'est le même antisémitisme qui l'irrigue. C'est la cible qui a changé. Aujourd'hui, c'est le sémite arabe qui est ciblé.
ALI BENSAAD
Professeur des universités, Institut français de géopolitique, université Paris 8.


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