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Ibn Arabi, à Paris avant MBS
Publié dans Le Soir d'Algérie le 09 - 04 - 2018

Je dédie cette chronique à Maya Ameyar, fille chérie de Taous et Kheireddine Ameyar, qui vient de nous quitter.
On sait très peu de choses sur la littérature et sur les écrivains saoudiens au motif évident que le système ultra-rigide du royaume avait tout balisé et ne permettait aucune liberté de création. En vertu du postulat suivant lequel une guêpe ne donnera jamais de miel, les lecteurs arabes ou qui lisent en arabe n'attendaient pas grand-chose, hormis le flacon d'eau de Zem-Zem, de ce côté-là. Pourtant, sous la cendre wahhabite couvait un feu sacré, dont les étincelles passaient au travers des murs épais et réputés infranchissables de la censure des théologiens, comme le démenti du cygne. Il y avait, il y a donc une littérature saoudienne dont le dogme et les camisoles ne sont pas parvenus à étouffer la voix et à camoufler la lumière, comme en témoigne Mohamed Hassan Alouane. L'auteur de «Une petite mort», lauréat du «Booker» du roman arabe 2017, était vendredi dernier l'invité d'une rencontre littéraire, organisée par l'Institut du monde arabe et le Centre culturel algérien à Paris. Soirée exceptionnelle pour la qualité de l'auteur, des principaux intervenants, mais aussi du public, même si le CCA n'a pas fait salle comble, comme souvent en pareils cas. Encore une fois, les absents auront eu tort parce qu'ils ont raté l'occasion de feuilleter quelques pages de la littérature saoudienne, en compagnie de spécialistes reconnus.
Comme l'a rappelé Mouadjib Ezzahrani, le critique littéraire saoudien reconnu, et directeur général de l'IMA, à titre précaire, Mohamed Hassan Alouane n'en est pas à son premier coup de maître. En 2002, il avait déjà publié un premier roman à controverse, Soqf-al-kifaya (La limite du supportable ?), relatant une romance qui se termine par l'échec et par l'exil au Canada, pour le protagoniste masculin bien sûr. Le roman marquait l'irruption dans le monde de l'édition de jeunes auteurs arabes et saoudiens en particulier, dans le sillage de Ghazi Alqossaïbi, l'écrivain et diplomate de renom. C'est lui qui a non seulement ouvert la porte de l'expression et de l'écriture aux jeunes talents, mais qui l'a littéralement «arrachée de ses gonds pour qu'elle ne se referme plus jamais». Ghazi Alqossaïbi (1940-2010) avait défrayé la chronique au début des années soixante-dix, en publiant un recueil de poèmes Bataille sans étendard. Un groupe d'imams saoudiens l'avait accusé de porter atteinte à la religion et avait multiplié les démarches auprès des autorités pour que le livre soit interdit et son auteur poursuivi. C'est donc un peu grâce à lui que les religieux n'ont pu refermer les portes de la création, comme leurs prédécesseurs l'ont fait pour celles de l'Idjtihad, ce qui a permis la sortie en 2005 d'un livre comme Les Filles de Riyad.
Le récit d'une jeune écrivaine saoudienne, Raja Essanea, publié à Beyrouth, mais évidemment interdit dans le royaume, avait suscité la fureur des inquisiteurs, d'autant plus grande que l'auteure était une femme. Inutile de préciser que ce livre qui montrait pour la première la face cachée de la planète saoudienne a été une aubaine pour les éditeurs et le public des pays occidentaux. Le lauréat du «Booker» 2017, lui, n'a connu la notoriété internationale que bien des années plus tard, en 2015 précisément, avec la traduction en français de son quatrième titre Al-Qundous (Le Castor). Quand vous saurez que Mohamed Hassan Alouane, natif de Riyad, vit depuis plus d'une décennie à Toronto, au Canada, vous comprendrez mieux le choix de ce titre. Le castor étant une variété qui n'a pas été conçue ou créée pour vivre en totale liberté sous nos latitudes, comme elle peut le faire en Amérique du Nord et sous d'autres cieux plus cléments. Quant à Mahieddine Ibn Arabi, le grand cheikh du soufisme et héros du roman Une petite mort, qui fait référence à la célèbre sentence attribuée au maître : L'amour est une petite mort. Celle que recevra Ibn Arabi des mains de sa bien-aimée Nidham, lorsqu'elle refusera de l'épouser, après une relation fusionnelle, entrecoupée d'échanges épistolaires ardents.
C'est que le héros de ce «mensonge romanesque», comme le décrit son auteur, était un voyageur impénitent qui ne pouvait pas vivre plus de trois ans dans la même ville. De Murcie où il est né, à Damas, où il est mort, il a fait plus de kilomètres qu'Ibn Batouta, même si ce dernier est allé beaucoup plus loin. Par une espèce de circumambulation, qui l'a porté à revisiter les mêmes lieux et à retraverser les mêmes sites, Ibn Arabi n'a jamais interrompu sa quête. Paradoxalement, si on devait s'en tenir aux seules œuvres qu'il a laissées, pour écrire sa biographie, le récit de sa vie personnelle pourrait tenir dans une quarantaine de pages (la version PDF du roman a 590 pages), souligne Mohamed Hassan Alouane. Alors, il a eu recours à son imagination débordante, pour élaborer son «mensonge romanesque», inventer des situations qui n'ont jamais existé. Pour ce faire, il a eu tout le temps, celui qu'a duré sa thèse de doctorat sur Ibn Arabi, qu'il a rédigée durant six ans et soutenue à l'Université de Toronto. Il se remémore cette période avec humour : «Quand j'avais rédigé un chapitre de mon travail, je l'envoyais à mon directeur de thèse pour validation, et ce genre de personnes met beaucoup de temps à répondre. Alors, je meublais l'attente en me mettant à l'écriture de mon roman, dans l'intervalle entre deux chapitres de ma thèse, c'est ainsi que j'ai terminé les deux, quasi-simultanément.»
En fait, la gageure a été de présenter Ibn Arabi, ennemi public numéro un des institutions étatiques et religieuses, comme un être humain dans sa ferveur mystique et sa vie amoureuse. Avec ce livre, consacré par un grand prix littéraire et dans le climat actuel, Mohamed Hassan Alouane est tombé à point nommé, semble-t-il, pour ajouter du crédit aux promesses de réformes dans son pays. Mais comme il est arrivé à Paris plusieurs jours avant le prince héritier Mohamed Ben Salmane, on peut s'éviter la peine d'évoquer le hasard, même s'il fait parfois bien les choses. D'autant plus que l'idée d'un Ibn Arabi précédant un prince est de loin plus séduisante que celle de théologiens de cour traînant dans son sillage.
A. H.


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