En 1954, l'Algérie appelait ses hommes et femmes à rompre avec l'ordre injuste pour la libérer du joug colonial, en 1956, les hommes et les femmes qui avaient répondu à l'appel avaient donné une âme à ce combat et en 1958, par la création du GPRA, ces hommes et femmes ont rendu visible l'Etat de l'Algérie à libérer. Quatre ans après 1958, l'Algérie sortait de 132 années de ténèbres. Examinons, avec l'aimable collaboration de Mohamed Ghafir, cette année pleine de récoltes politiques. Mohamed Ghafir est un ancien de la Fédération de France, plus connu au sein de cette instance, qui a été le fer de lance du combat libérateur dans l'antre du colonialisme, sous le surnom de Moh Clichy. Mohamed Ghafir est l'auteur du livre Droit d'évocation et de souvenance sur le 17 octobre 1961 à Paris. Il prépare la 4e édition de son essai sur l'histoire de cette fédération et sa contribution notamment comme l'indique l'essai sur les événements d'Octobre 1961. Nous avons le privilège d'avoir en main ce complément d'information. C'est un listing d'événements politiques ou militaires qui se sont déroulés durant les 12 mois de l'année 1958 que l'auteur qualifie d'année charnière de la lutte de Libération nationale. Dans sa présentation de cette quatrième édition, Ghafir écrit : «En cette date historique du 3 juillet 2018, 56e anniversaire du recouvrement de l'indépendance de notre chère patrie, et à l'occasion de la réédition de la 4e et dernière édition de mon ouvrage ‘'Droit d'évocation et de souvenance sur le 17 Octobre 1961'', j'ai tenu, par devoir de mémoire, à présenter une chronologie des événements importants qui ont marqué l'année 1958 durant la lutte de Libération nationale.» Dans sa liste, l'auteur cite des événements qui se sont déroulés chaque mois le long de cette année. Mais par honnêteté intellectuelle et fidélité à ses compagnons d'armes, il s'est limité aux évènements vécus en France. Et puis c'est l'aire de combat qu'il a mieux connue puisque il y était impliqué en tant responsable de la Super-Zone de la Wilaya I (Paris Sud) avant son arrestation précisément le 8 janvier 1958. Mais on ne peut faire en quelque sorte le bilan de cette année très riche en évènements sans évoquer d'autres grands faits, surtout politiques, qui ont profondément impacté la grande Révolution algérienne. La création du GPRA en fut un. Septembre 1958, création du GPRA Le 19 septembre 1958, à 13h précises, est proclamée au Caire, par le CCE (Conseil de coordination d'exécution) issu du CNRA, la naissance du Gouvernement provisoire de la République algérienne GPRA. Ferhat Abbès a été le premier président de la République algérienne. Pour la première fois depuis bien avant 1830, les Algériens habitant sur le territoire algérien ou expatriés avaient un Etat dirigé par un gouvernement qui sera reconnu, par la suite, par plusieurs nations. «Cet Etat est une réalité. Il avait en effet un territoire bien délimité, un emblème national – pas régional – une direction politique nationale, une armée structurée et déployée sur tout le pays, un Parlement national (le CNRA), seulement, il était en guerre contre un Etat occupant par la force son espace où s'étendait sa souveraineté. Il est évident que la proclamation du GPRA est le cheminement naturel de deux actions fondamentales réalisées par le Front de libération nationale, FLN. Il s'agit de la proclamation du 1er Novembre 1954 suivie immédiatement du déclenchement de la guerre de Libération et du Congrès de la Soummam. Personne n'en disconviendra, ce sont les deux premiers actes fondateurs de l'Etat algérien.» Source Le Soir d'Algérie du 19 septembre 2017. Avril 1958, naissance de l'équipe du FLN Dans son listing des grands événements qui se sont déroulés en 1958, Ghafir met largement en exergue la création par la Fédération de France de la fameuse équipe du FLN. Un sacré coup politique qui a donné à l'opinion publique internationale un visage moderne du FLN combattant. En matière de communication, ce fut un coup de génie, rondement mené grâce au dévouement sans faille de grands joueurs à leur peuple. Ghafir rappellera la sollicitation du célèbre Di Stéfano qui a proposé à Mustapha Zitouni de jouer au grand Real de Madrid. Réponse de Zitouni à Di Stéfano : «Ne vous en faites pas, je vais jouer bientôt dans la meilleure équipe du monde, celle du FLN.» Selon Ghafir, l'équipe du FLN, appelée le Onze de l'Indépendance, qui a joué, entre 1958 et 1961, 83 matchs enregistrant 57 victoires, 14 nuls et 12 défaites, exigeait à chaque rencontre que Quassamen soit entendu et que l'emblème national soit levé. Le premier tournoi avec le Maroc et la Tunisie auquel cette équipe a pris part et qui s'est déroulé chez nos voisins de l'Est a été dédié à Djamila Bouhired. Août 1958, ouverture du second front Pour Ghafir, le mois d'août 1958 est une date à marquer d'une pierre blanche. C'est à cette date que la Fédération de France, sur proposition de Abane Ramdane, a décidé d'ouvrir un front de combat armé dans le territoire de l'ennemi. A ce propos, Moh Clichy écrit : «Le 25 août 1958, un second front armé est engagé en France par des fidaïne structurés au sein de l'organisation spéciale (distincte de l'OS des années quarante, ndlr) créée en 1957 par la Fédération du FLN de France. Les consignes reçues du Comité fédéral étaient les suivantes ‘'seuls les objectifs militaires et économiques seront ciblés en épargnant les civils.''» Ensuite Ghafir se penche sur la genèse de ce front. «En effet, Abane Ramdane a désigné, en date 10 juin 1957, Omar Boudaoud, qui se trouvait au Maroc, comme responsable de la Fédération du FLN en France avec comme instruction de se préparer pour lancer, au moment opportun, le déclenchement du second front sur le territoire. La grande raffinerie de Maurépiane, à Marseille, a été incendiée par les fidaïne le 25 août 1958 à 00 heure 15.» Cette transposition du combat armé dans le territoire de l'ennemi, unique dans l'histoire humaine, a fait réagir le célèbre général Giap qui a déclaré : «C'est la première fois dans l'histoire des peuples qui luttent pour leur indépendance que le colonisé porte le combat sur le sol du colonisateur.» Septembre 1958, Papon accomplit le premier acte qui aboutira aux évènements d'Octobre à Paris Le 1er septembre 1958, Maurice Papon, alors préfet de Paris, a décrété un couvre-feu aux seuls Algériens. Ces Algériens n'avaient pas le droit de sortir de chez eux entre 20 heures et 5 heures du matin. Papon voulait paralyser les activités des militants de la Fédération du FLN de France. Le FLN a rejeté cette interdiction et a, par conséquent, donné des consignes contraires. L'enchaînement des événements et la répression féroce qui s'en était suivie avec son lot de crimes commis par la police sous le regard de la presse internationale avaient mis à mal la France officielle. L'intelligentsia française avait réagi pour condamner ces exactions. Au plan politique, la Fédération a, par sa maîtrise de ces évènements, réussi à mettre le gouvernement français sur la défensive. Novembre 1958, le GPRA met le cap sur l'indépendance Dans son calendrier, Ghafir rappellera la déclaration de décembre 1958 du GPRA pour célébrer le 4e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération. Dans son communiqué, le GPRA «proclame la journée nationale pour la réalisation de l'indépendance de l'Algérie dans le cadre de l'unité du peuple et l'intégrité du territoire», exigeant, par ailleurs, les négociations immédiates entre le GPRA et le gouvernement français. Dans son ouvrage mis à jour, l'ancien chef de la Super Structure de Paris Sud fera découvrir aux lecteurs d'autres événements liés à la guerre de Libération tout aussi importants. Abachi L.