Le tribunal de Dar-el-Beïda a déclaré illégale la grève dont un préavis a été déposé par un syndicat des personnels de maintenance d'Air Algérie. Dans les états jurisprudentiels en matière de grève, on n'a pas souvenance d'un débrayage déclaré... légal par la justice algérienne. On n'a donc pas besoin de se triturer les méninges pour comprendre pourquoi une telle obligation «légale» a été instituée comme préalable à tout arrêt de travail qui soit l'expression d'une option contestataire dans la revendication socioprofessionnelle. Si le recours à la justice pour statuer sur la légalité ou l'illégalité d'une action revendicative dans le monde du travail relevait d'une procédure normale, donc loyale, on l'aurait su depuis longtemps. Exactement depuis que (les) tutelles ont trouvé l'entourloupette roublarde qui fait confondre légalité et légitimité, parce que la légalité, ils ont les moyens de... s'en occuper ! Dans la foulée, elles évacuent d'un tour de bras la justesse de n'importe quelle demande sociale ou professionnelle, souvent les deux à la fois, en le renvoyant systématiquement devant des juridictions dont personne ne se fait d'illusion quant à leur liberté de décision. Il n'y a aucune raison de croire à l'indépendance de la justice dont les Algériens pâtissent au quotidien, dans les affaires de leur vie courante comme dans les scandales emblématiques de sa partialité, quand elle est appelée à trancher dans un conflit de travail ! Une justice indépendante, ça ne s'invente pas à l'occasion, surtout pas quand l'arrière- pensée qui l'a actionnée relève de l'évidence. Bien sûr, on «oublie» par intermittence de la solliciter parce qu'on estime que l'enjeu n'est pas suffisamment important pour activer l'oreillette mais quand le jeu en vaut la chandelle, on ne s'en prive pas. Quand les «capacités de nuisance» sont trop maigres pour faire démarrer la machine, quand la représentation syndicale a le souffle trop court ou sa disponibilité à la compromission avérée, quand à de rares occasions la tutelle est prête à céder sur quelques broutilles, il n'y a aucune raison de déranger les tribunaux qui ne manquent pas d'affaires autrement plus préoccupantes. Mais Air Algérie et ses démembrements, comme quelques autres secteurs «stratégiques» sont toujours des... affaires préoccupantes. D'abord parce qu'on ne comprend pas que des entreprises dont l'essentiel des personnels est considéré comme des privilégiés du système soient touchés par la contestation. Ensuite, parce que par leur vocation, elles impactent tout de suite «l'image du pays» dont on a une idée farfelue. Ensuite parce que les choses étant ce qu'elles sont, il y a toujours un «contexte» où le pays doit présenter l'image d'un havre de paix et pour cela, ça peut aller bien plus loin que... la justice ! Parce que, dans le cas précis comme dans d'autres, il faut signaler également que les décisions de justice ont rarement empêché un débrayage. De bonne guerre ? S. L.