Ils ne l'ont pas encore fait mais ça en parle tellement que ça pourrait leur souffler l'idée de passer à l'acte. Le mot est peut-être mal venu en l'occurrence puisqu'il s'agit plutôt d'inaction mais il n'y a pas que les mots dans la vie. Les imams «menacent» donc de débrayer. On ne sait pas s'ils ont un syndicat mais on sait qu'ils n'en ont pas besoin. Ils ont un siège dans chaque quartier de chaque ville d'Algérie, dans chaque village et chaque hameau du pays profond. Parfois deux quand ce n'est pas plus. Ils ont des tribunes audibles de l'extérieur, parfois à des kilomètres à la ronde. Il n'est même pas utile de ressortir la formule des cinq réunions quotidiennes et du congrès hebdomadaire. Alors qu'est-ce qui les empêcherait de... menacer de faire grève ? Peut-être qu'ils n'en arriveront pas là. Non pas parce qu'ils sont sages ou ont le sens du compromis mais parce qu'ils savent qui ils ont «en face». En face, on gère les «colères», non pas selon leur légitimité, leur légalité et leur utilité, mais selon les capacités de nuisance de ceux qui les portent. Est-ce que la «colère» des imams est légitime ? Ce n'est pas important, leur porte-parole en est convaincu. Ne comptez surtout pas sur ses collègues pour dire le contraire, en se tirant une balle dans le pied. Ils bossent dur, les imams. En plus, ils sont d'une utilité tellement stratégique et stratosphérique qu'on ne va pas les laisser aller sur un piquet de grève pour des broutilles. Ils font même des heures supplémentaires, puisqu'ils sont constamment mobilisés. Pour régler les litiges entre personnes parce que c'est honteux d'aller en justice, pour moraliser la société, ce qui est déjà un travail à plein temps, et pour faire passer les couleuvres que les politiques ont du mal à vendre. Tout travail mérite salaire et tout effort doit être récompensé, n'est-ce pas ? Et quand on est si utile et si puissant, on le fait savoir. Et on le fait payer, dans la foulée. On n'informe pas gratuitement qui de droit. 100 000 dinars de salaire mensuel ? Ce n'est vraiment pas exagéré. A peine le salaire d'un professeur de médecine ou si vous préférez, six fois le Smig. Ceux qui râlent sur Facebook parce qu'ils pensent que les imams sont déjà assez bien payés comme ça, ceux qui tournent leur colère en dérision en souhaitant que leur grève sera illimitée, ceux qui y voient une longue trêve dans leurs cauchemars «auroresques» causés par les décibels des hauts-parleurs, ceux qui ne prennent pas au sérieux les «revendications» des préposés aux prières et aux travaux périphériques, ceux-là comptent pour du beurre. Ils sont ultra-minoritaires, ne vont ni aux réunions multi-quotidiennes ni aux congrès hebdomadaires. Ils ne les sollicitent pas pour régler leurs problèmes de la vie ordinaire avec le voisin ou leurs angoisses existentielles. On allait presque oublier que l'idée du débrayage coïncide avec le début du Ramadhan. Honni qui mal y pense. S. L.