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Apulée n'a pas écrit le premier roman de l'humanité
Publié dans Le Soir d'Algérie le 08 - 10 - 2018


Par Mohamed Aouine
Le premier roman de l'humanité serait peut-être un roman-photo. Il est à rencontrer (s'il est encore possible) dans une caverne oubliée ou une maison troglodyte négligée. Un roman inventé, en alignant des croquis sur la surface d'une pierre, par un ou une ancêtre anonyme. Oui, tout est né avec l'Homme. Dans les grottes, déjà, on chantait, dansait, se racontait des histoires avec des signes comme langage, dessinait et fabriquait des objets d'art multiples. Nous n'avons fait que poursuivre ce mouvement de création. Certes, nous le faisons, aujourd'hui, différemment, mais avec la même intention : engendrer l'émotion chez l'autre.
Les romans les plus anciens
Le premier roman écrit, en revanche, on le doit au Grec Homère. Il n'est pas ici question de L'Iliade où il relate la chute de Troie et qu'il aurait composée en premier. Il s'agit plutôt de L'Odyssée, texte créé vers la fin du VIIIᵉ siècle av. J.-C. L'Iliade est, en effet, un récit de guerre, mené sous la forme d'un poème épique composé de 15 337 hexamètres dactyliques. «L'Odyssée aussi est une épopée», avanceront certains d'entre vous. Vrai. C'est aussi une rhapsodie, je dirai, comme L'Iliade, car, entre autres raisons, en plus des vers mélodieux qui les portent, les deux livres sont composés non pas de chapitres, mais de chants. Sauf que, si l'on s'y penche sérieusement, L'Odyssée est, avant toute chose, un roman d'aventure. Il fixe d'ailleurs, étape par étape, les péripéties d'Ulysse. Le héros se retrouve confronté à mille et une épreuves dans son voyage pour retrouver Ithaque, sa patrie, Pénélope et Télémaque, respectivement son épouse et son fils unique. Il échappera, avec vaillance, à la colère de Poséidon qui a malmené son vaisseau, à l'envoûtement de la divine Circé, à la monstruosité des cyclopes, au piège des sirènes. Ulysse passera vingt ans en exil. Dix sur le champ de bataille à Troie. Dix sur le chemin du retour. Sous la bénédiction d'Athéna, il retrouvera enfin son pays et les siens où l'attendent toutefois quelques vengeances : sa femme est convoitée par de nombreux prétendants, sa fortune est dilapidée par ses ennemis. Voilà donc pour l'histoire de cette première fiction de l'humanité, exécutée avec une adresse remarquable. Les Métamorphoses (ou l'Âne d'or) d'Apulée de Madaure est écrit au IIe siècle, bien plus tard. L'auteur s'est même inspiré d'Homère, notamment en se référant, comme lui, à la mythologie grecque. Dans le premier chapitre, par exemple, dans une comparaison, Apulée évoquera Ulysse. Les Métamorphoses (ou l'Âne d'or) n'est pas non plus le premier roman en prose écrit en latin, comme on a souvent tendance à l'affirmer. C'est Pétrone qui aurait écrit le premier roman en latin. Coiffé du titre Le Satyricon, ce roman picaresque serait écrit avant la fin du Ier siècle. L'auteur y livre, dans la Rome décadente, le parcours initiatique de trois personnages : Encolpe, Ascylte, Giton. Avec cette satire sociale, menée par des antihéros, Pétrone ouvre la voie à un nouveau style littéraire à l'opposé de l'épopée. En accouchant de Les Métamorphoses (ou l'Âne d'or), Apulée de Madaure n'a donc pas écrit le premier roman de l'humanité. Il a fait mieux pour avoir modernisé l'écriture romanesque, en la révolutionnant, en lui donnant du relief. Disons qu'il a imprimé, à son époque, les fondements de la littérature moderne. On lui doit notamment la technique de la distorsion du langage, moyen avec lequel on peut pousser la fiction plus loin que le réel, lui conférer plus de poésie et fabriquer des personnages problématiques. Il a probablement inspiré des plasticiens tels que l'Anglais Francis Bacon, lui qui défigure ses modèles, leur impose des formes nouvelles et les baigne dans le flou. Mêlée aux accidents de la création, au hasard, cette technique lui permet à ce peintre talentueux d'inscrire ses toiles dans un mouvement permanent, qui rend compte de la réalité du moment de façon vive. Apulée a également inspiré des auteurs illustres à travers le monde, comme Franz Kafka avec son roman La Métamorphose. Même si, là aussi, le titre n'a pas été utilisé par Apulée en premier. Le poète Ovide l'avait précédé. Il l'avait donné à l'un de ses ouvrages, au début du Ier siècle. Il faut dire que, malgré tout, Apulée comptait et compte encore une multitude d'admirateurs parmi les écrivains du monde entier. Flaubert n'a pas seulement lu et relu l'Âne d'or. Il s'en est inspiré pour construire son œuvre. Il le recommande aussi vivement autour de lui. Dans Correspondance, voici comment il cherche à convaincre Louise Colet de le lire. «Je n'en persiste pas moins dans mon dire relativement à l'Âne d'or, malgré l'avis du philosophe et celui de Musset. Tant pis pour ces messieurs s'ils ne le comprennent pas, et tant pis pour moi si je me trompe ; mais s'il y a une vérité artistique au monde, c'est que ce livre est un chef-d'œuvre. Il me donne à moi des vertiges et des éblouissements. La nature pour elle-même, le paysage, le côté purement pittoresque des choses sont traités là à la moderne et avec un souffle antique et chrétien tout ensemble qui passe au milieu ; ça sent l'encens et l'urine, la bestialité s'y marie au mysticisme, nous sommes bien loin encore de cela, nous autres, comme faisandage moral.» Mieux que d'être le premier romancier de l'histoire donc, ce qui n'a pas en soi beaucoup d'importance, Apulée est le messager de la modernité et de l'universalité. Dans le prologue de son livre, comme pour annoncer sa volonté de révolutionner les codes de la littérature de l'époque, il écrira ceci : «Vous verrez mes personnages, ô merveille !, tour à tour perdre et reprendre, par l'effet de charmes opposés, la forme et la figure humaine.» Plus loin, il notera également : «Moi, toujours affamé de ce qui est nouveau.»
L'homme et son roman
Apulée ou Afulay en tamazight est né vers 123 à Madaure, actuelle M'daourouch, une ville algérienne située à environ 50 km au sud de Souk Ahras. Il serait décédé après 170. En plus d'être un excellent raconteur d'histoires, Apulée fut poète, auteur de textes philosophiques et de discours. Son nom en latin est Lucius Apuleus. Il s'en inspirera pour nommer son personnage principal dans Les Métamorphoses ou l'Âne d'or. Dans cette histoire qui a traversé les siècles sans prendre une seule ride et racontée donc à la première personne du singulier, Lucius effectue un voyage en Thessalie, où la sorcellerie est fréquente. Intéressé par la magie, le narrateur fera la connaissance d'Aristomène, un autre aventurier-voyageur. Il lui parlera, avec force détail, de la magie noire et des expériences dont il était témoin, où l'on métamorphosait des humains en animaux. Les deux hommes se séparent. Lucius gagne la ville d'Hypata, où il va loger chez l'énigmatique Milon. Sa femme Pamphilé est une redoutable sorcière. Lors d'une virée en ville, par pur hasard, il croise Byrrhène, amie de sa famille, qui va le mettre en garde contre les pratiques douteuses de cette sorcière de Pamphilé. Finalement, le danger lui viendra ailleurs. En regagnant sa chambre, il s'offrira une nuit d'ébats avec la jeune Photis, escale de ses hôtes. Passée cette liaison intime, Photis lui propose ses services pour transformer Pamphilé en oiseau. Seulement voilà, elle se trompe d'onguent magique, et, en moins de rien, Lucius se voit métamorphosé en âne. La nuit venue, des brigands pénètrent dans la maison de Milon. Ils la mettent au pillage et utilisent l'âne Lucius pour transporter le butin. À partir de là, sous sa forme animale, il vivra de nombreuses expériences douloureuses et malheureuses. Il tombera même, vers la fin, entre les mains d'une grande dame dépravée, qui s'avère zoophile, avant d'être intégré dans un cirque aux côtés d'animaux féroces. Il finira par s'évader avec succès. Lucius ne devra ensuite son retour à la vie humaine que grâce à l'intervention de la déesse Isis, après avoir mangé les roses salvatrices au cours de la procession de la fête à Cenchrées. Il reçoit l'initiation aux mystères d'Isis et d'Osiris, son époux, et achèvera, de façon heureuse, ses aventures à Rome. Voilà donc, pour finir, il serait plus judicieux de dire, à l'avenir, que le Numide Apulée de Madaure a écrit, non pas le premier roman au monde, ce qui est faux, mais un roman délectable, en avance sur son temps. Cela donnera peut-être envie aux amis du livre de le lire et, pourquoi pas, de le faire lire.
M. A.


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