Les découvertes effectuées par une importante équipe de chercheurs venus de plusieurs pays (Algérie, Espagne, Australie, France) dévoilent un site qui témoigne de la plus vieille présence humaine en Afrique du Nord et de la seconde plus ancienne dans le monde. Il s'agit du profond ravin d'Aïn Lahnèche, situé à Aïn Boucherit, dans la wilaya de Sétif. Les objets trouvés sont datés de 1,9 à 2,4 millions d'années, tandis que les plus vieilles traces connues (à Gona en Ethiopie) remontent à 2,6 millions d'années. Le projet de recherche, mené par le professeur Mohamed Sahnouni, éminent chercheur, reconnu à l'échelle internationale, a débuté au milieu des années 90, et fut annoncé à la communauté scientifique internationale dans un article paru dans la prestigieuse revue Science. L'idée venait de la volonté des scientifiques de dater la première présence humaine en Afrique du Nord, et plus précisément, la première trace de culture (industrie rudimentaire, agriculture, élevage). Plus de deux décennies de fouilles minutieuses ont été nécessaires à l'aboutissement de résultats, mais qui, au final, se sont avérés plus que probantes, mais certainement révolutionnaires. En effet, ces découvertes remettent en cause les thèses admises de ce qu'on nomme le «East Side Story», c'est-à-dire l'idée que l'apparition d'une présence humaine est située dans le rift Est africain (Ethiopie, Ouganda, Tanzanie…). A présent, avec ces découvertes, la thèse peut être sinon remise en question, du moins nuancée. Selon le Pr Sahnouni, même si cette thèse reste encore probable, elle implique donc une très rapide expansion des hominidés dans toute l'Afrique. Tandis que pour le chercheur algérien, la thèse la plus probable qui se dégage de ces nouvelles donnes est «l'origine multiple des débuts de la culture humaine en Afrique du Nord et en Afrique de l'Est». Il l'explique notamment par une des crises climatiques majeures qu'a connues l'Afrique et qui a induit la disparition de nombreuses plantes, donc la nécessité des hominidés herbivores de trouver d'autres sources alimentaires. C'est à ce moment que «l'homme», ou ce qui s'y apparentait, se mit à fabriquer des outils pour chasser, découper les chairs d'animaux. D'ailleurs, la plupart des outils trouvés sont des lithiques dits de boucherie (galets taillés, polyèdres, racloirs, nucleus, etc). De plus, les ossements d'animaux retrouvés, datés de la même période, attestent d'impacts et même de la consommation de moelle (ce qui a contribué au développement du cerveau) et donc de comportements d'acquisition de subsistance animale. Nedjma Merabet