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Hamouda, le transporteur
C'est ma vie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 08 - 12 - 2018


Par Abdelkader Maidi, un lecteur
Hamouda, ce personnage haut en couleur, est révélateur à plus d'un titre de la «débrouille» des Algériens durant la guerre de libération. Une manière de pouvoir subvenir à leurs besoins essentiels, dans un environnement humain pénible et, surtout, pernicieux.
Hamouda était, de son vivant, un homme aimable, sociable et d'une grande gentillesse. C'était un travailleur hors du commun ; pour gagner sa croûte rien ne lui faisait peur. Trapu, cependant bien musclé, il tirait une charrette à bras munie de deux roues, à la seule force des biceps.
Transporteur public dans la ville de Blida, il répondait toujours présent pour livrer ou déplacer un objet quelconque : armoire, matelas, lit, diverses bricoles.
Tous les après-midis, sauf le dimanche, en ce temps-là journée de repos hebdomadaire, un gros camion appartenant à un transporteur privé, Midoun, lui aussi aujourd'hui hélas disparu, ramenait de notre actuelle capitale à son dépôt situé à la place d'Armes (placette Ettout) un chargement compact de colis de toutes formes et dimensions, du plus petit volume, aux gros rouleaux de tissu bariolé.
Ces paquets bien ficelés étaient le fruit d'achats effectués dans la matinée par les commerçants de la cité auprès des grossistes ayant pignon sur rue à Alger, plus particulièrement chez les dépositaires et les fabricants de la rue Bab Azzoun, sinon des rues de la Lyre ou Randon.
En attendant que le déchargement ainsi que le tri soient effectués pièce par pièce, suivi de la vérification des bons de livraison pour éviter toute confusion, les livreurs faisaient le pied de grue afin de ne pas rater l'occasion de se faire désigner pour une éventuelle prestation de transport intra muros. Ainsi, les premiers arrivés seront les premiers servis.
Néanmoins, pour ce travail particulier, qui nécessite une confiance à toute épreuve, ainsi que la rapidité dans la livraison des paquets en question, les transports Midoun privilégiaient les plus anciens dans le métier, surtout ceux qui ont attiré la sympathie des commerçants et Hamouda tenait le haut du pavé ; donc une place de choix dans cette liste si convoitée.
Chaque livreur avait son quartier commerçant spécifique, mais Hamouda pouvait se targuer d'avoir l'exclusivité du centre-ville : le «souk El Houd», par excellence, appelé également par les autochtones la rue Abdallah, qui disposait des meilleures vitrines. Ces très beaux magasins, les mieux achalandés d'ailleurs, sont gérés soit par des juifs, d'où l'appellation de «souk El houd», soit par nos frères ibadites, plus connus sous le nom de Mozabites. Des commerçants connus et respectés.
La charrette bien chargée, une liste dans la poche de sa blouse bleue et voilà que Hamouda s'en allait comme à l'accoutumée remettre les colis à leurs destinataires respectifs : Elie Sebaoun, Roger Bensoussan (tissus et mercerie), André Haïk (chaussures), Zembra (épicerie fine), Brahim Zitouni et Amini (vêtements), etc., tirant comme un titan sur les sangles en cuir, tout en vociférant la phrase passe partout : «Balek, attention, charetta ... !» (Attention la charrette !).
Toute la ville, qui connaissait Hamouda, l'adorait et le respectait pour sa bravoure et son courage. Quand il déboulait tel un train à grande vitesse, les gens s'écartaient pour lui laisser le passage et même le policier français en faction, régulant la circulation au niveau de n'importe quel carrefour, stoppait net les voitures pour lui laisser la priorité.
Quand Hamouda traversait une rue quelconque, affublé de son physique de déménageur et de son chargement volumineux, les gens se retournaient comme un seul homme sur son passage, échangeant des sourires malicieux sans la moindre retenue, tout en lui faisant un signe amical de la main, par solidarité et sympathie... !
Il était bien conscient de cette raillerie bon enfant et suivait son bonhomme de chemin avec, pour seul objectif, satisfaire le client ! Le client est roi, disait-il souvent. Le mystère Hamouda ou Hamouda le «magique» était lié à une grande et assez visible plaque accrochée à l'arrière de sa charrette. Sur la plaque en question était inscrit un modeste texte dans la langue de Molière, qui mettait en relief la misère et la désolation de ce peuple colonisé.
Hamouda, charismatique et plein d'entrain, avait écrit en toute simplicité et d'une main maladroite une phrase pertinente qui nous renseigne sur sa frustration, comme si ce personnage de conte de fées, qui vivait dans la précarité absolue, voulait s'attirer la sympathie des gens :
- «Hamouda travaille toujours, hélas il n'arrive jamais... !»
Hamouda ne s'autosuffisait pas. Avec ce travail éreintant et facultatif qu'est le sien, une ribambelle d'enfants en bas âge à sa charge, il avait du mal à joindre les deux bouts, comme la plupart des familles indigènes qui vivotaient comme elles le pouvaient.
Ras-le-bol de cet état de fait, il a profité d'une énième «bataille des fleurs», une fête typiquement blidéenne qui se déroulait tous les 1er du mois de mai, pour sortir le grand jeu et dénoncer la mal-vie et toutes les exactions dont font l'objet les autochtones.
A quelques jours de cette journée de réjouissances où on célébrait également la fête des travailleurs, tous les habitants des quartiers européens de la ville vivaient dans une ambiance d'excitation, car le temps pressait et ils étaient tenus de préparer comme il se doit, chacun de son côté, un «char» fleuri pour le défilé.
Un prix conséquent sera décerné à la «préparation fleurie» qui aura ramassé un maximum de voix, puisque un jury prendra place sur l'une des tribunes pour mieux noter les concurrents engagés.
Donc même Hamouda était de la partie. Celui-ci avait innové en la matière, en prenant la liberté de concevoir autrement son «char» en lui donnant une empreinte personnelle. Un peu «trop» personnelle de l'avis de certains ! Une «attraction» exclusive d'une certaine façon qui, à ne pas en douter, sortait totalement de l'ordinaire. Elle sera présentée au public sous peu, et vous allez comprendre pourquoi elle ne ressemblait nullement aux charrettes toutes habillées de fleurs des autres compétiteurs qui aspirent, cela va sans dire, à gagner le trophée mis en jeu.
Vint le jour de la grande parade. La fête battait son plein et le défilé s'était engagé dans une ambiance festive et conviviale, à vous couper le souffle : chants, fanfare, éclats de rire, liesse populaire, échange entre les participants, comme le veut la tradition de lancers de fleurs, etc.
Soudain, comme sorti de nulle part, le «char» conçu par notre Hamouda «national» se présenta devant une foule chauffée à blanc. L'assistance est restée bouche bée face à une telle inspiration, tout en étant admirative pour ce père de famille laborieux, qui a eu la présence d'esprit, couplée d'un grand courage, de dénoncer à sa manière l'inégalité flagrante qui existait entre ses frères indigènes et les colons.
La dérision aidant, il a tout simplement fait défiler un âne… haut perché sur sa charrette, alors que c'est lui-même qui tirait l'attelage. C'est sa façon de montrer à la face des Français, que le monde est à l'envers, sinon comment expliquer le fait, que dans notre pays nous sommes complètement marginalisés et traités comme des moins que rien !
Poussant le bouchon plus loin, il a tout bonnement couvert les yeux de ce baudet complètement dépassé par les événements d'une monture de lunettes à la... Jacques Charrier.
Celui-ci qui était acteur de cinéma, faisait le haut de l'affiche et la une des journaux à sensation, du fait qu'il vivait à cette même période en concubinage avec la grande Brigitte Bardot.
La «BB nationale française » qui crevait l'écran au travers de ses films, où elle tournait presque nue. Ces lunettes créées spécialement par cet acteur étaient à la mode dans les années soixante, du temps du «charleston» et du «twist».
Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, à la fin du défilé, Hamouda fut désigné à l'unanimité par les membres du jury, sous les applaudissements d'ailleurs d'un public acquis à sa cause, comme l'unique vainqueur du trophée, avec en prime une belle somme d'argent.
Son premier souci en recevant l'enveloppe du maire de la ville de Blida et qui est également l'un des plus importants colons de la région, c'était d'aller acheter une belle… botte de foin pour l'animal, son compagnon occasionnel, qui lui a permis de faire passer le message, que chacun a apprécié à sa façon, tout en gagnant le premier prix, dont il n'espérait même pas voir la couleur.
Une histoire qui n'a pas pris une seule ride au jour d'aujourd'hui, puisqu'elle est toujours racontée passionnément par les Blidéens, sur cet homme qui a su, à sa manière, défier la puissance coloniale en lui destinant un consistant pied-de-nez !


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