Une centaine de personnes se sont rassemblées hier, devant la Grande-Poste à Alger, pour commémorer l'anniversaire du Printemps berbère d'avril 1980 et celui du Printemps noir d'avril 2001. Ils sont venus dire non à l'oubli. Rym Nasri - Alger (Le Soir) - Depuis le début du mouvement populaire du 22 février dernier, la place de la Grande-Poste à Alger n'a pas connu de répit. Hier, samedi 20 avril 2019, c'était au tour des militants de la cause identitaire de s'y rendre. Malgré l'interdiction d'accéder aux marches de la Grande-Poste par un important cordon sécuritaire, une centaine de personnes se sont rassemblées pour commémorer le Printemps berbère. Drapés de l'emblème amazigh, des jeunes, des moins jeunes et même des femmes sont venus dire non à l'oubli. Certaines femmes ont sorti leurs plus belles robes kabyles accessoirisées de bijoux traditionnels en argent pour participer à ce rassemblement. Une autre façon d'affirmer leur identité et leur culture dans le calme et la beauté. D'emblée, deux manifestants ont été interpellés avant d'être libérés quelques minutes plus tard suite à l'intervention du député Atmane Maâzouz. Pour cette commémoration du Printemps berbère dans la capitale, le drapeau algérien a côtoyé le drapeau amazigh. Le message «2001 Printemps noir, 2019 printemps de la victoire» qu'exhibaient plusieurs manifestants sur des pancartes, témoigne du l'unicité du combat du peuple algérien. Les manifestants n'ont pas cessé de scander des slogans en amazigh mais aussi en arabe et en français notamment «Oulach smah oulach (non au pardon)», «Assa azeka, tamazight tella tella (Aujourd'hui et demain, tamazight existe)», «Mazalagh dimazighen (nous resterons des Amazighs)», «Pouvoir assassin», «Y en a marre de ce pouvoir», … Des slogans hostiles au chef d'état-major Ahmed Gaïd Salah étaient aussi de la partie. De temps à autre, fusaient des youyous accompagnant les chants engagés des protestataires. «Nous sommes sortis aujourd'hui pour commémorer un double anniversaire, celui du Printemps berbère d'avril 1980 qui a été un pilier pour la revendication des droits de l'Homme, de la justice et davantage de démocratie en Algérie mais aussi pour la revendication de la reconnaissance de notre identité en tant qu'Imazighen. Il s'agit également de la commémoration du Printemps noir de 2001 où 128 Algériens ont été assassinés par un pouvoir mafieux et jusqu'à présent, aucun procès n'a eu lieu et aucune condamnation n'a été prononcée par la justice algérienne. Aujourd'hui, nous sommes venus dire que nous sommes toujours debout pour que nul n'oublie. Nous ne pouvons oublier Avril 1980 ou Avril 2001. On ne peut bâtir l'Histoire sur l'oubli. Il faut se rappeler tous les affres qu'a vécus le peuple algérien qui ne peut se solder que par la chute de ce régime qui a été l'artisan de tous les maux, de toutes les douleurs et de tous les dénis dont souffre le peuple algérien», a précisé la députée Fetta Sadat. Rappelant le caractère pacifique de ce combat, elle poursuit : «Notre combat est plein de persévérance et d'endurance jusqu'à la reconnaissance de tous les droits et des droits de tous les Algériens. D'ailleurs, nous sommes là pour nous réapproprier tous les espaces dont les espaces publics et nous réapproprier un droit essentiel, un droit constitutionnel qui est celui de manifester, d'exprimer ses idées, et de dire qui nous sommes et ce que nous voulons. Nous voulons un régime basé sur la justice sociale et la reconnaissance des droits de l'Homme et de notre identité.» De son côté, le militant associatif Kamel Nemiche a souligné que le 20 Avril reste une date assez marquée dans l'histoire de l'Algérie, et ce, depuis avril 1980. «Les Algériens sont toujours mobilisés pour défendre la liberté et la démocratie mais aussi pour défendre le droit de s'exprimer librement, le droit de vivre en tant que citoyens à part entière avec la profondeur de notre Histoire, de notre culture », dit-il. Pour lui, le Mouvement berbère et le Printemps noir qui a engendré des affrontements violents et 128 jeunes morts, ne sont pas en contradiction avec le mouvement populaire actuel. Au contraire, poursuit-il, «le combat identitaire s'inscrit dans le même prolongement que le mouvement populaire parce qu'il revendique l'algérianité, la liberté, la démocratie et le droit de s'exprimer. C'est le même combat, le même idéal : avoir un Etat libre démocratique où la justice sociale sera au-devant. Le 20 Avril de cette année va justement réaffirmer notre citoyenneté algérienne et notre unité nationale dans la diversité culturelle et historique». Ry. N.
