Vœu pieux, la transition énergétique, ne serait-ce que par prémices, a du mal à se matérialiser par des faits concrets et, ainsi, en finir avec les discours et autres déclarations d'intention. Le dernier exemple en date, l'appel d'offre pour la réalisation de centrales photovoltaïques d'une capacité totale de 150 MW, lancé avec plusieurs mois de retard déjà, n'a pas suscité la profusion de candidatures à laquelle on pouvait s'attendre. Il faudrait d'abord rappeler que l'Algérie avait dans l'idée de lancer, dans un premier temps, un gigantesque projet devant doter le pays d'une capacité de production de 22 000 MW avant de l'abaisser à 4 000 MW, puis de privilégier, en fin de compte, l'option de la réalisation de centrales photovoltaïques d'une capacité totale de 150 MW. Un projet plus modeste qui, au bout, n'a pas fait courir les entreprises algériennes spécialisées auxquelles l'appel d'offre était destiné. Un fait que confirmait hier sans peine Tewfik Hasni, expert et consultant spécialisé des questions de la transition énergétique, invité de la Chaîne 3, arguant que les projets lancés en Algérie dans le cadre de la transition énergétique souffrent de manque d'attrait, liant ce désintérêt criant à ce qu'il appelle «une absence totale de stratégie et d'un manque de cohérence dans le domaine des énergies renouvelables». Une sentence qui, en réalité, a été entérinée depuis un moment eu égard aux tergiversations des pouvoirs publics dans la mise en place d'une stratégie pourtant réclamée à cor et à cri par les spécialistes des questions en énergie en général, de la transition énergétique en particulier, comme le rappelle M. Hasni en évoquant le programme de développement initial qui prévoyait, donc, 22 000 MW puis 4 000 MW, pour enfin opter pour le dernier programme pour une capacité de production de 150 MW. Cela dénote une absence de stratégie claire, de l'avis de l'expert qui met cela en exergue pour expliquer l'absence de manifestation d'intérêt de la part des investisseurs étrangers. Sans détour, le consultant a mis «le manque de vision stratégique et surtout l'incohérence» sur le dos de ceux chargés de piloter ces projets. «Le marché de l'électricité n'est pas situé en un seul point. La plus grande partie de ce marché, 90 %, est au Nord du pays, là où est répartie le plus la population, mais la production énergétique ne peut provenir que du Sud. Ce qui manque, ce sont les moyens de transport (…) On a toujours occulté la question des capacités de transport (…) Il faudra que ceux qui pilotent ces projets aient une vision intégrée, en prenant en compte ce vecteur déterminant que constitue le transport de l'électricité dans une stratégie énergétique» a expliqué M. Hasni avant de donner son point de vue sur le peu d'engouement suscité par l'appel d'offre pour les 150 MW auprès de entrepreneurs spécialisés, dont seulement 8 soumissionnaires ont été retenus sur les 93 ayant retiré le cahier de charges. Dans le marché de l'électricité, très capitalistique, l'investisseur est obligé de construire les installations et de les exploiter pendant 25 ans, ce dont les entrepreneurs ayant manifesté leur intérêt au départ n'avaient pas eu vent, préférant ainsi se désister. En fait, les entrepreneurs n'étaient intéressés que par la construction et la livraison du projet, pas plus. Dès lors, le résultat de l'appel d'offre ne pouvait qu'être évident, a estimé l'invité de la Chaîne 3. «La stratégie doit commencer d'abord par un modèle de consommation énergétique qui va aboutir à un mix énergétique. Aujourd'hui, vous avez un lobby pétrolier qui veut renforcer la primeur des énergies fossiles. On le voit avec l'exemple de Sonelgaz qui maintient toujours une production d'électricité de 2000 W/an par des turbines à gaz pour respecter son contrat avec son fournisseur de turbines. Et 2 000 MW c'est 3 milliards de mètres cubes de gaz à consommer en plus par année… La seule solution c'est de définir un modèle de consommation énergétique qui nous dira quel est le meilleur mix énergétique pour le pays'' a plaidé le passionné spécialiste en transition énergétique, hier sur les ondes de la Chaîne 3 de la radio nationale. Azedine Maktour