C'est un week-end électoral exceptionnel, chargé de tension et émaillé d'incidents, qu'ont vécu les citoyens de la wilaya de Béjaïa. Des émeutes ont éclaté, malgré les incessants appels au calme, dans certaines communes mais sans faire de victime, avons-nous constaté. Sans surprise aucune, le scrutin présidentiel du 12 décembre n'a pas eu lieu dans cette région, bastion de la contestation populaire contre l'actuel système politique. Jeudi dernier, il régnait une atmosphère lourde dans toutes les bourgades et agglomérations de la wilaya. La tension a atteint son paroxysme et par endroits, la colère a fini par prendre le dessus pour enflammer quartiers et agglomérations. Aucun centre de vote n'a, toutefois, été ouvert pour la circonstance, devant l'intransigeante mobilisation citoyenne pour le rejet de ces joutes atypiques, si ce n'est quelques tentatives, mais immédiatement avortées, des services de sécurité pour le «bourrage» des urnes dans des écoles, comme ce fut le cas du CEM Ibn-Toumert, l'école Boucherba, El Mokrani, Ibn-Rochd et Ibn-Sina au chef-lieu de la wilaya. Toutes les boîtes ont été saccagées et les bulletins volaient en confettis dans les cours de ces institutions éducatives, sous les cris de «pouvoir assassin». Illico presto, les CRS, en nombre considérable, ont choisi de quitter les lieux dans le calme et sans heurts, contrairement à Oued Ghir, El Kseur, Remila et au «PK 7», relevant de la commune de Boukhelifa, où de violentes émeutes ont éclaté entre citoyens en colère et les renforts de la gendarmerie, qui sont longuement intervenus pour l'ouverture de bureaux de vote dans les localités respectives. Au total, 6 blessés, dont deux sont toujours gardés en observation pour blessures crâniennes, avons-nous appris de sources hospitalières et plusieurs interpellations dans les rangs de manifestants ont été recensées lors des échauffourées, nous signale-t-on du côté du PK 7 et du centre-ville de Béjaïa. La journée fatidique du jeudi a été exceptionnellement asphyxiante à Djebira (PK7) surtout, une petite bourgade jouxtant la caserne du génie militaire, où les affrontements ont duré plusieurs heures. Zéro votant et l'élection présidentielle a été réduite à sa plus simple expression, comme l'avait promis le mouvement Hirak dans cette région «rebelle» qui ne jurait que par son rejet et le départ de toutes les figures du système. Un gigantesque rassemblement citoyen s'est tenu depuis les premières heures de la matinée électorale sur la place Saïd-Mekbel, située en face du siège de la Wilaya et les discussions tournaient particulièrement autour de la poursuite de la mobilisation, au lendemain de l'annonce des résultats du scrutin, jugé de «paranoïa électorale». «Ce vendredi, nous serons encore plus mobilisés et nous ne rentrerons pas chez nous, tant que ce système ne tombe pas, quel que soit leur Président et quels que soient leurs scenarii, notre mouvement continuera à marcher, continuera à manifester, jusqu'au départ de toute la issaba», dira un activiste du mouvement devant une foule surexcitée. A noter que de violents affrontements ont eu lieu au chef-lieu de la wilaya et à Akbou à partir de 21h et ce, jusqu'aux premières lueurs de l'aube d'hier vendredi. Beaucoup de jeunes ont été interpellés lors de ces affrontements nocturnes, avons-nous appris. Hier, dans la foulée et comme pour ne pas sombrer dans l'indifférence et la fatigue, des milliers de citoyens se sont regroupés devant l'esplanade de la maison de la culture Taos-Amrouche, pour contester le déroulement des élections de la veille, qualifiées de «tricherie et de trompe-l'œil», contre la volonté du peuple, avant de battre le pavé pour une 43e fois dans les rues de la capitale des Hammadites. Les manifestants, résignés à poursuivre la lutte, n'ont pas cessé de crier haut et fort : «Ce n'est nullement notre Président, il est le vôtre, notre combat pour une nouvelle République continuera quelles que soient les embûches». La détermination n'a pas baissé d'un iota à Béjaïa, puisque les ruelles étaient encore bondées de monde aux couleurs nationales et amazighes hier vendredi 13 décembre. Petits, grands, femmes et hommes, ils étaient plusieurs milliers de manifestants à scander des slogans anti-pouvoir et contre l'élection présidentielle. Le long cortège n'a cessé d'appeler au rejet de ces élections, la fin du régime et la libération de tous les détenus d'opinion. Kamel Gaci