Bien que cette région soit connue pour être hostile au pouvoir en place et à son agenda électoral, celle-ci n'a jamais enregistré un taux d'abstention aussi élevé. Preuve en est que la population de ce bastion de la résistance est acquise au combat du mouvement populaire né le 16 février 2019 à Kherrata. Et pour faire avorter ce scrutin présidentiel, les Béjaouis se sont mobilisés depuis plusieurs jours. Après avoir observé une grève de quatre jours, des milliers de citoyens ont décidé de passer une nuit à la belle étoile, la veille du jour J, afin d'empêcher l'ouverture des bureaux de vote. Dans la même soirée, plusieurs communes ont connu des manifestations en signe de rejet de cette élection "visant à régénérer le régime de Bouteflika". Le lendemain, tôt le matin, tous les établissements scolaires qui devaient abriter les bureaux de vote, ont été pris d'assaut par les citoyens, alors que les portes d'autres écoles primaires et lycées ont été soudées. Toujours dans la matinée de jeudi, les hirakistes ont procédé à la fermeture des bureaux de vote après avoir saccagé les urnes. Cela s'est passé notamment au lycée El-Houria et du collège Ibn-Toumert, sis dans la haute ville. Les écoles primaires Ibn-Rochd et El-Mokrani, situées à El-Khemis, ont été également fermées par les manifestants. Si au chef-lieu de wilaya ces actions de protestation se sont déroulées dans un cadre pacifique, des affrontements entre les manifestants et les forces de sécurité ont éclaté, notamment à Akbou, à Béni Ksila, à Oued Ghir, à Baccaro (Tichy), au Village agricole (Fenaïa)… Le pic de tension a été enregistré dans la bourgade de Djebira, située près de l'école du génie militaire de Boukhelifa, où de violents heurts ont été signalés ce jeudi. Les habitants de cette localité, en voulant fermer le bureau de vote, se sont retrouvés face à un important dispositif sécuritaire qui encerclait les lieux. Face à la mobilisation des citoyens, les renforts de gendarmerie dépêchés ont riposté par la force, en recourant à des tirs de bombes lacrymogènes, voire des balles en caoutchouc. Ces échauffourées se sont malheureusement soldées par la blessure d'au moins cinq manifestants. Dans un communiqué diffusé hier sur sa page Facebook, le centre hospitalo-universitaire (CHU) Khellil-Amrane de Béjaïa affirme que ses services médico-chirurgicaux ont reçu dans la journée de jeudi dernier six blessés présentant des "lésions diverses", dont deux touchés à la tête, alors que les quatre autres ont pu quitter l'hôpital après avoir reçu les premiers soins. Selon une source hospitalière, les deux manifestants admis au service de neurochirurgie ont été touchés par des grenades lacrymogènes tirées par des gendarmes en faction aux abords de l'école primaire de Djebira. Ces deux patients, souffrant d'un traumatisme crânien, devaient subir une intervention chirurgicale jeudi soir. Notons enfin que, dans la même soirée, d'autres scènes de violence ont été signalées dans la ville d'Akbou, où des renforts de forces antiémeutes chargeaient les manifestants en usant de gaz lacrymogènes. Les échauffourées se sont poursuivies jusqu'à une heure tardive de la nuit.