«Une nouvelle Constitution pour une nouvelle Algérie.» Le projet phare de Abdelmadjid Tebboune depuis son élection à la tête du pays a été remis, dès le 7 mai dernier, aux partis politiques, syndicats et acteurs de la société civile notamment et ce, pour enrichissement de la première mouture. La nouvelle loi fondamentale se veut, selon ses promoteurs, une rupture par rapport à la précédente, taillée sur mesure par l'ancien Président, et marquée notamment par son aspect présidentialiste poussé qui réduit les autres pouvoirs à de simples appareils dépourvus de toute prérogative que leur confère un Etat de droit démocratique. La nouvelle Constitution met en avant le renforcement de la séparation des pouvoirs ; les prérogatives du Président et du chef du gouvernement, le pouvoir judiciaire et la lutte contre le phénomène de la corruption. Le Président élu le 12 décembre de l'année dernière a pris l'engagement de soumettre l'avant-projet de la loi fondamentale à un large débat, qui plus est populaire. Le référendum populaire auquel sera soumise la nouvelle Constitution devrait avoir lieu dès la rentrée prochaine, c'est-à-dire en septembre ou octobre. Toutefois, en l'état actuel des choses, ce sujet, en dépit de son importance majeure, est loin de susciter les passions au moins au niveau des acteurs politiques de la société. Si des « micro-partis », à l'image d'El Islah, El Karama ou le FNA avaient promptement affiché leur pleine et entière adhésion à l'initiative du chef de l'Etat, considérant que c'est le moyen idoine d'introduire ce qui s'impose comme changements politiques, économiques et sociaux, l'on s'interroge sur le silence bruyant des autres formations politiques qui ont pignon sur rue. Il est vrai que, selon des sources officielles, 2 000 amendements ont été transmis à la présidence qui les a soumis à la commission d'experts – des juristes — mise sur pied à cet effet. Toutefois, cela ne suffit pas pour gagner la sérénité, voire la confiance de Abdelmadjid Tebboune qui veut en faire un outil déterminant pour toutes les mesures qu'il veut entreprendre car elles auront force de loi. Le président du Conseil constitutionnel avait résumé la philosophie de « la nouvelle Constitution qui, dira-t-il, jettera les fondements de la nouvelle République en réponse aux aspirations du Hirak populaire et aux aspirations des citoyens à la justice et à la démocratie ». Cependant, le timing imposé aux débats se heurte à l'échéance prochaine de la tenue du référendum. La teneur des propos du Président Abdelmadjid Tebboune lors de la récente réunion gouvernement-walis et autres cadres et élus renseigne sur son agacement quant à l'implication des commis de l'Etat sur cette question. Frontal dans ses critiques à son habitude, le chef de l'Etat n'a pas mâché ses mots : « L'Etat, lancera-t-il, œuvre pour une nouvelle Algérie, et ses responsables avec leurs actions indignes prouvent le contraire au citoyen qui est au courant de tout ! » Il faut rappeler qu'auparavant, il avait procédé à un large mouvement des walis, voire même à la mise à la retraite de nombre d'entre eux, puis à l'éviction de plusieurs chefs de daïra et de présidents d'Assemblées populaires communales (P/APC) pour avoir échoué dans les missions qui leur ont été dévolues. D'aucuns s'interrogent quant au timing de ce projet de nouvelle Constitution, franchement chahuté par l'atmosphère polluée par l'épidémie de coronavirus et la situation sociale post-Covid-19. En gros, les Algériens n'auraient pas la tête à ça. À voir le formidable rush sur les plages et les autres lieux de détente, ils montrent le fort besoin de s'oxygéner. Dans ces conditions, la mise en route du référendum populaire (qui aura lieu coûte que coûte ?) semble particulièrement ardue. De plus, les forces d'inertie, tapies dans une administration longtemps assujettie aux précédents maîtres de céans, risquent de faire capoter toute initiative qui pourrait mettre en cause leurs positions acquises. Mais le chef de l'Etat veut, lui, signifier qu'il n'est pas dupe quant à ces accointances avec les milieux d'argent, voire la mafia locale toujours aussi active et puissante. À ces forces centrifuges, il convient de revenir sur les violentes attaques de Abdelmadjid Tebboune contre une bureaucratie malfaisante qui fait courir un réel danger au projet qui lui tient à cœur, à savoir la nouvelle Constitution appelée à affirmer sa légitimité de Président élu. Il est certainement le personnage qui ne s'en laisse pas conter, car lui-même étant un commis de l'Etat au long cours qui connaît les us et coutumes des jeux complexes des oligarchies, quelle que soit leur envergure et donc leur impact. Il dira en substance aux walis : « C'est le peuple qui décide... » Le message est on ne peut plus clair. Par ailleurs, le chef de l'Etat est attendu quant au bien-fondé de son action, sur le front social et le Hirak qu'il veut faire sien, sans pour autant convaincre les activistes du mouvement qui prévoient de battre le pavé à la rentrée, période du référendum sur le projet de la Constitution. Voilà une autre bataille qui promet beaucoup de rhétorique à coups d'arguments des pour et des contre. Un gage pour sortir la scène politique de sa léthargie ? Brahim Taouchichet