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La faute de goût de Nasser
Publié dans Le Soir d'Algérie le 21 - 09 - 2020

Que ceux qui n'ont pas écouté La Voix des Arabes, la nuit, et en plein cimetière d'El-Kettar, sur un poste à transistor, et n'ont pas vibré aux harangues d'Aïssa Messaoudi me lapident ! Je vais parler de Djamal Abdenasser, la star arabe des années cinquante et soixante, l'idole du peuple d'Egypte, qui nous a soutenus dans notre guerre de Libération et en a payé le prix fort. Bon, le Nasser que j'ai connu, admiré, aimé et aime encore n'a rien à voir avec les cris des 150 pleureuses qui hurlent au loup, alors que les vrais prédateurs ont déjà décimé la bergerie. Mon idole à moi, comme dirait une éminente consœur excavatrice, n'est pas seule comptable des actes de ces dirigeants algériens qui regardaient Nasser mais ne voyaient que Fethi Dib.(1) J'utilise à dessein le mot idole qui correspond le mieux à l'image que notre patriotisme d'adolescents se faisait du Président de l'Egypte, un pays qui incarnait alors pour nous l'avenir. Bien sûr, depuis l'indépendance et la montée en puissance d'une idéologie racialiste et uniciste, qui n'a enfanté, en réalité, que deux jumeaux Al-Qaïda et Daesh, ce regard a changé. Je dirais même qu'on a pris notre revanche sur Farid Al-Atrache et son tapis volant(2), en survolant désormais l'Egypte, avec juste un regard de mépris vers le bas et en allant plus loin. Destination : Riyad, Ghaza, Téhéran, Lahore.
Nous avons élargi nos horizons pour des idées plus étroites, la légende des cordonniers-instituteurs, le football et d'autres jalousies nous ont fait chasser la proie pour l'ombre. Nous avons oublié Nasser, accueilli triomphalement par le peuple d'Alger, et son Président plébiscité sur une tourelle de char, et qui rêvait déjà d'une union égypto-algérienne. C'est précisément de cette période que date l'un de mes plus sérieux griefs contre Nasser: lors de la réception officielle du Président égyptien, un responsable lui a présenté Elie Kagan. Il a expliqué que M. Kagan était le photographe français qui avait filmé la sauvage répression déclenchée par la police parisienne contre les manifestants algériens, le 17 octobre 1961. Ce sont les photos d'Elie Kagan qui avaient apporté la preuve accablante de l'extrême violence avec laquelle la police de Maurice Papon, alors préfet de Paris, avait traité les Algériens. Au lieu de le remercier et de le féliciter, pour avoir contribué à révéler l'un des nombreux crimes de la colonisation, Gamal Abdenasser a interrogé sèchement Elie Kagan : «Vous êtes juif ?» Quelque peu désarçonné par l'abrupte question, ce dernier répondit qu'il était effectivement juif, et sans lui laisser le loisir de demander pourquoi une question aussi incongrue, Nasser ajouta : «Chez moi, les juifs et les communistes, je les mets en prison !»
C'est ainsi qu'Elie Kagan, qui était venu en Algérie comme invité officiel, et qui sait, comme citoyen éventuel du pays nouvellement indépendant, quitta Alger et n'y revint plus jamais. Cet incident avec Nasser, j'en ai eu connaissance plus tard, en 2011, cela faisait 41 ans que le «Raïs» était mort, précisément le 21 septembre 1970, laissant à Sadate les rênes de l'Egypte.(3) Elie Kagan, lui, était décédé depuis 1999 et je ne pouvais donc plus avoir confirmation de vive voix auprès de lui, j'arrivais trop tard, et pour ce fait précis et pour un autre travail. Mais je n'étais pas au bout de mes surprises : en 2013, je préparais un article sur Elie Kagan, à l'occasion d'un colloque sur les photographes de guerre, organisé à Alger par le Musée d'arts modernes. Quelques semaines auparavant, j'avais replongé dans les mémoires de Didar Fawzi,(4) l'une des six militantes du FLN/ALN, évadées en février 1961 de la prison de la Petite Roquette. Pour rappel, il s'agissait, outre l'auteure, de membres des réseaux Jeanson, Micheline Prouteau, Joséphine Carré, Hélène Cuénat, et de deux Algériennes, Zina Harraigue et Fatima Hamoud. Après son évasion, Didar Fawzi, militante communiste égyptienne, mariée un temps à un officier libre, cousine éloignée et élève en politique d'Henri Curiel, avait rejoint l'Algérie en 1962.
Elle avait notamment travaillé au ministère de la Jeunesse et des Sports où elle s'est occupé notamment de l'organisation des chantiers de volontariat, dans le cadre de l'option socialiste. Et c'est en cherchant à la joindre pour avoir plus d'infos sur la fameuse réception du 5 mai 1963 que j'ai appris que l'alacre et inusable nonagénaire n'était plus de ce monde. Elle avait été heurtée par une voiture alors qu'elle traversait une rue de Genève, sa ville refuge en Suisse, où elle mettait la dernière main à la traduction en arabe de ses mémoires. Comment? Cinquante ans après sa mort, Nasser ne suscite que de tels mauvais souvenirs : le choix d'un vice-président comme Sadate et ses propos injurieux à l'égard d'un confrère français, parce que juif ? Non ! Malgré tout ce qui a été entrepris pour dénaturer l'image de l'idole des masses, comme le chantait Abdelhalim Hafez, il y a toutes ses réalisations, comme vient de le rappeler Azzat Al-Alaïli. L'acteur qui vient de célébrer ses 88 ans, contemporain et ami d'Ahmed Rachedi, a affirmé qu'il restait toujours nassérien, et a rappelé ce que l'Egypte devait à Nasser et à la Révolution de 1952. Pas rancunier du tout, il a raconté dans quelles circonstances il a passé trois semaines dans les geôles égyptiennes, précisément parce qu'il aimait trop Gamal Abdenasser.
Il s'était inscrit auprès d'un avocat sur une liste de volontaires pour combattre les adversaires extérieurs de Nasser, et cette liste avait été saisie chez l'homme de loi, impliqué dans un complot. L'avocat était en réalité un militant des Frères musulmans qui avaient organisé l'attentat manqué d'Al-Menchia contre Nasser, et trouvant le nom d'Azzat Al-Alaïli, la police l'avait arrêté. Finalement, il avait été libéré sur intervention d'un dignitaire du régime, grâce à qui il a pu venir plus tard en Algérie et jouer un rôle clé dans le film Le Moulin de Monsieur Fabre, du susnommé Rachedi. Sans compter les nombreuses séries dont il nous a régalés durant ces dernières décennies. Non, Nasser n'est pas mort pour tout le monde !
A. H.
(1) Chef des services secrets égyptiens qui a publié ses mémoires, dont je n'ai lu, hélas, que quelques extraits assez instructifs.
(2) Bien qu'il ait été cornaqué par une splendide danseuse algérienne, Farid Al-Atrache n'a pas échappé au jet de tomates pourries à Alger, pour avoir ignoré l'Algérie du haut de son tapis volant.
(3) J'ai même applaudi après son assassinat, pensant naïvement que l'Egypte de Nasser allait ressusciter, et je le regrette.
(4) D. Fawzy-Rossano, Mémoires d'une militante communiste (1942-1990) du Caire à Alger, Paris et Genève. Lettres aux miens. L'Harmattan, Paris 1997.


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