La vieillesse. Certains qualifient cette dernière partie de la vie de grand naufrage. D'autres y voient au contraire un privilège puisqu'il n'est pas donné à tous de vivre jusqu'à un âge avancé. Dans notre société, les séniors sont généralement respectés et chouchoutés au sein de leur famille. On ne met pas nos aînés dans des centres de vieillesse. Libérés de la vie active, les vieux coulent des jours heureux même s'ils reconnaissent être confrontés parfois à une sorte de racisme anti-âge, en société. Mais au fait, à quel âge se sent-on vieux ? Quel regard les jeunes portent-ils sur les seniors ? Vieillir pour une femme est ce plus difficile que pour un homme ? Témoignages. C'est vrai, on ne se voit pas vieillir. Toutefois, notre corps se fait un devoir de nous le rappeler avec des petits signaux : cheveux blancs, arthrose, rhumatisme... «J'ai compris que j'avais basculé dans la catégorie du 3e âge le jour où un jeune homme m'a cédé sa place dans le bus », nous raconte Réda, 65 ans, «Ce geste a fait tilt dans ma tête. Je me suis senti extrêmement vexé et j'ai refusé le siège vide. Vieux, moi ? Jamais. Je n'ai ni dentier, ni canne, ni bas de contention. J'ai l'esprit d'un jeune de 20 ans et ce n'est pas demain qu'on va me mettre six pieds sous terre», plaisante-t-il. Junior versus senior Quel regard les jeunes posent-ils sur les séniors ? Respect, pitié, condescendance ? Pour Nazim, 25 ans, il y a un grand fossé entre la nouvelle et l'ancienne génération «J'ai l'impression que nos aînés appartiennent à une époque révolue. Nous n'avons rien en commun, ni l'allure, ni le look et encore moins les idées souligne-t-il. Toutefois, nous faisons montre de respect envers eux car cela fait partie de notre éducation et de nos coutumes de mettre les anciens sur un piédestal. Cela tranche avec les pays occidentaux qui se débarrassent des vieux en les abandonnant dans des hospices». Les femmes moins bien loties La vieillesse a-t-elle la même symbolique pour les hommes et les femmes ? Apparemment non puisque les années accumulées chez un homme riment avec maturité et expérience. Au contraire, une femme qui dépasse 50 ans est déjà estampillée «vieille». «La nature est scélérate avec les femmes pense Houda, 51 ans. Elle leur donne une beauté éclatante dès l'adolescence mais la retire d'un seul coup vers la quarantaine. Pour un homme, c'est tout le contraire et c'est là que le bât blesse. Les cheveux blancs sur les tempes, c'est sexy. Les poignets d'amour autour des hanches, c'est rassurant. Un homme de 50 ans est mature, sage, charismatique. Il se bonifie donc avec le temps. Quant à la femme, dès le demi-siècle consommé, elle est fanée, infertile, et vieille. C'est comme ça qu'on la voit. Comme un vieux meuble mis au rebut. Certaines femmes qui n'ont tablé que sur leur beauté physique se retrouvent en grande détresse à cette période de leur vie. Les hommes n'ont aucun mal à refaire leur vie à la cinquantaine passée. Divorcés, ils recommencent tout à zéro avec une jeunette qui a l'âge de leur fille et personne ne trouve cela anormal. Pour ma part, je pense que tout se passe dans la tête. Le corps n'est qu'une enveloppe. Il faut cultiver son esprit pour rester éternellement jeune. Victor Hugo disait «Quarante ans, c'est la vieillesse de la jeunesse mais cinquante ans, c'est la jeunesse de la vieillesse». Discrimination anti-âge ? Certains se sentent discriminés par les jeunes comme Mouloud, 68 ans «J'ai pris ma retraite à l'âge de 63 ans. C'est là que j'ai placé le curseur délimitant la jeunesse de la vieillesse. J'appartiens désormais au troisième âge. Ce que je déplore c'est cette arrogance cultivée à l'égard des vieux dans l'espace public. Certains jeunes se moquent de nous, rappelant par des phrases assassines que nous ne sommes plus que de vieux débris. C'est extrêmement blessant et désobligeant. Ils oublient que nous aussi avons été jeunes et que la vieillesse est une étape normale de la vie, qu'ils traverseront eux aussi s'ils ont la chance de vivre longtemps. Pour ma part, je pense que vieillir est un privilège. C'est une libération. Je n'ai plus les contraintes du réveil matinal pour aller travailler, ni de patron pour me casser les pieds. Je profite de la vie et de mes petit- enfants. Je suis loin d'être un ‘'papy périmé'', terme par lequel les juniors appellent les séniors». L'idée de vieillir est traumatisante pour certains. «Je suis pétrifiée à l'idée de vieillir nous dit Selma, 41 ans. Lorsqu'on a la vingtaine, on se dit qu'on a tout le temps. Mais les années filent à une vitesse vertigineuse. Je regarde les photos des 20-30 ans et je mesure déjà combien j'ai changé. En tout cas, c'est décidé. Je ne me laisserai pas déformer par les outrages du temps. La chirurgie esthétique sera mon alliée conte les signes de la vieillesse». Qu'elle soit envisagée avec appréhension ou sérénité, la vieillesse est une étape naturelle de la vie. C'est aussi un état d'esprit qu'il faut continuer à cultiver en restant en contact avec les autres, à avoir des activités et à prendre soin de son corps et de sa santé. Soraya Naili
