Abdelkader Guerroudj, dit Djilali, qui a survécu à la guerre de Libération nationale et échappé à l'exécution de la peine de mort à laquelle il était condamné avec sa femme en 1957, a rendu l'âme, hier, à l'âge de 92 ans. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Quarante-huit heures après la disparition du baroudeur Lakhdar Bouregaâ, un autre moudjahid de la première heure nous a quittés hier matin. Il s'agit du moudjahid et ancien condamné à mort Abdelkader Guerroudj, décédé à l'âge de 92 ans des suites d'une longue maladie. Né le 26 juillet 1928 à Tlemcen, le défunt s'était engagé tôt au sein du Parti communiste algérien (PCA) et a milité au sein de l'Organisation des groupes de paysans dans la région. Ces paysans militants du PCA ont été les premiers à rejoindre le maquis en 1955, sans attendre des instructions du parti, selon l'historien René Galissot. Instituteur, Guerroudj s'était marié en 1950 avec Jacqueline Netter, également institutrice et militante, devenue plus tard une des figures féminines de la glorieuse Révolution de Novembre 1954. Le couple Guerroudj a été notamment expulsé, sur décision du préfet d'Oran vers la France. Après l'annulation de cette décision, le couple est revenu en Algérie avant d'intégrer les combattants de la libération, lancé par le PCA, dont les membres intègreront l'Armée de libération nationale (ALN), après l'accord entre le Front de libération nationale (FLN) et le PCA. Devenu très actif parmi les commandos du Grand Alger, Abdelkader Guerroudj a été arrêté et torturé puis jugé en décembre 1957 avec sa femme Jacqueline. Le couple a été condamné à mort. Mais la sentence n'a pas été exécutée et le couple avait bénéficié d'une large campagne en France et en Algérie contre cette condamnation. Après l'indépendance du pays, Abdelkader Guerroudj s'est tenu à l'écart de la vie publique et ses déclarations publiques sont vraiment très rares. Ceux qui le connaissent évoquent un homme d'un grand sérieux et d'une grande rectitude. Contrairement à certains hommes de sa trempe, Guerroudj n'avait pas écrit de mémoires ni d'ouvrage autobiographique pour retracer son parcours. Dans un entretien au quotidien El Watan en novembre 2018, il a justifié ce choix. «Est-ce à dire que je devrais écrire pour me montrer ! J'ai fait mon devoir envers mon pays pour être en paix avec mon idéologie et avec moi-même. Sans rien demander en contrepartie. Pour la petite histoire, j'ai eu la possibilité de m'enrichir. À l'indépendance, j'étais le directeur général des biens vacants. À ce titre, je pouvais m'offrir les meilleurs châteaux, alors qu'à l'époque, j'ai dû emprunter de l'argent pour pouvoir m'acheter un logement. C'est ma conduite et j'en suis fier. Comme ça, je peux garder la tête haute et dire m... à qui le mérite, sans peur, sans reproche et sans remords», a-t-il expliqué. Durant ces dernières années, Abdelkader Guerroudj, est intervenu dans le débat public concernant l'avenir du pays dans une conjoncture marquée par la maladie et l'absence de l'ex-Président, Abdelaziz Bouteflika. Il avait dénoncé son entourage, en soutenant que Bouteflika ne s'appartenait plus. Ainsi, début novembre 2015, une année après l'entame du quatrième mandat, le défunt a fait partie des 19 personnalités dont le défunt Lakhdar Bouregaâ, qui ont interpelé le chef de l'Etat sur «la dégradation du climat général dans notre pays», en lui demandant une audience «afin de vous faire partager nos profondes inquiétudes quant à l'avenir du pays et de solliciter vos interventions sur l'extrême gravité de la situation». Le pouvoir de l'époque n'avait donné aucune suite à la demande. Avril 2017, Abdelkader Guerroudj, en sa qualité d'ancien condamné à mort par le régime colonial, était «contraint» de revenir aux devants de la scène lorsque l'ancien secrétaire général du parti FLN, Djamel Ould Abbès, actuellement en prison pour des affaires de corruption, s'est «attribué» le titre d'ancien condamné à mort. Abdelkader Guerroudj, doutant du parcours «révolutionnaire» que Ould Abbès a dressé de lui-même, avait interpelé le ministère de la Justice, pour demander des précisions sur le passé de Djamel Ould Abbès. Il voulait connaître tous les détails liés à cette condamnation : la date et le lieu de l'arrestation, la raison de la condamnation, le lieu de sa détention, le nom de son avocat et la date de sa libération, en affirmant qu'en sa qualité d'ancien condamné à mort, il n'a jamais eu connaissance de la condamnation de Djamel Ould Abbès ni de ses faits d'armes durant la Guerre de Libération. Sa lettre, subissant une fin de non recevoir, l'a conduit à penser qu'Ould Abbès n'était qu'un usurpateur. L'ancien condamné à mort a disparu des radars jusqu'à l'annonce de son décès dans la matinée d'hier samedi. K. A.